Elie SHEID - HISTOIRE DES JUIFS DE HAGUENAU I.2
I. Sous la domination allemande


II. Du 14ème au 16ème siècle

Quelques années après son avènement an trône, Charles IV fit un voyage en Alsace, et s'arrêta assez longtemps à Haguenau. Pendant son séjour, le magistrat lui demanda de vouloir bien lui confirmer un droit qu'il s'était déjà arrogé de son propre chef en 1347, celui de recevoir de nouveau les Juifs. Il ne s'y refusa pas et, en 1353, il leur octroya ce privilège :


Sceau de Charles IV
futur empereur 1346-78
Nous, Charles, par la grâce de Dieu, roi des Romains, etc., ayant trouvé que le Schultheis, le conseil et les habitants de la ville de Haguenau se sont toujours convenablement conduits envers nous et le Saint-Empire, ce qui leur a gagné notre amitié, et dans l'espoir qu'ils continueront ainsi à l'avenir, nous leur avons permis, en connaissance de cause, par grâce spéciale et toute royale de recevoir dans la dite ville de Haguenau des Juifs de n'importe quel pays, et de les maintenir dans tous les droits qu'ils avaient eus dans la ville de tous temps.
Nous prions tous nos princes et ceux du Saint-Empire, les comtes, les ducs, les villes, les bourgs, les chevaliers et les écuyers, enfin tous nos sujets dévoués, de ne pas, sous aucun prétexte, molester ou détourner de leurs biens, la ville, les bourgeois de Haguenau et tous les Juifs qui viendront chez eux et y résideront. Si quelqu'un se permet de leur faire du tort de n'importe quelle manière, ou de les endommager dans leurs propriétés, nous prions, et au besoin nous requérons, en vertu de notre pouvoir, le landvogt qui y sera à cette époque, et tous ceux des villes impériales de l'Alsace, de leur faire rendre justice, en les aidant autant que possible, de les protéger et de punir sévèrement ceux qui auraient contrevenu a nos ordres, car ils auront mérité notre disgrâce, comme celle du Saint-Empire.
Cet, acte est scellé de notre sceau royal à Haguenau, après la naissance du Christ, treize cents ans, puis la cinquante-troisième année, le premier mardi après la Toussaint, la huitième année de notre règne. (23)

La ville libérée de ses dettes se trouvait alors dans une période de tranquillité et de prospérité. Dans sa reconnaissance pour ceux qui avaient payé ses dettes et qui avaient si bien tenu leurs engagements, elle remit au mois de mai 1354, à la communauté, une ampliation du privilège de Charles IV, par laquelle le magistrat spécifiait les droits et les obligations des Juifs.
Ce document était écrit sur parchemin, tandis que jusqu'alors on faisait savoir de vive voix aux Juifs les ordres qui les concernaient.
Aussi jugeant que cette pièce était un titre précieux à conserver, les préposés de la communauté avaient eu soin de mettre sur le dos en caractères hébraïques : Ze hatenoïm minn hoïe, ascher nossnou lajehoudim mehagenau ; c'est-à-dire, "ce privilège vient de la ville et a été donné par elle aux Juifs de Haguenau".
De génération en genération, ce document a passé dans les mains des divers présidents qui se sont succédés dans la communauté israélite de Haguenau. Il y a une vingtaine d'années seulement, le fils de l'un d'eux, Mayer Strauss, l'a remis aux archives, ou nous avons pu en prendre connaissance (24).

Qu'on ne se figure pas, cependant, qu'après cela les Juifs n'eussent qu'à venir dans la ville, pour y être admis. Les six familles que nous connaissons avaient seules droit de séjour. Mais ces six familles, comme nous l'avons déjà dit, et comme nous le verrons encore, prenaient, par les mariages des enfants, d'assez grands développements.

Dix ans après l'acquisition de la synagogue, l'église et le couvent des Franciscains trouvèrent mauvais que les Juifs officiassent dans ce temple, parce qu'autrefois, sous la propriété Ottelin, avait existé une chapelle placée sous l'invocation de saint Jacques. La communauté s'empressa de s'arranger avec ces deux puissances, et au mois de septembre 1358 (25), acquit le droit d'officier dans la synagogue, en s'engageant par traité à payer tour les ans six deniers de rente foncière au couvent, autant à l'église, et deux deniers au sacristain chargé de faire les encaissements.

Pendant le séjour de Charles IV à Haguenau, en 1353, la paix fut conclue dans toute l'Alsace. Elle dura jusqu'en 1356. A cette époque, les dix villes impériales, pour avoir plus de garantie de sécurité, avaient conclu entre elles un traité d'alliance offensive et défensive. Haguenau fut la première à en profiter, en 1359, quand Jean de Lichtenberg vint l'attaquer. Les alliés de Haguenau accoururent à son secours et contraignirent Jean à signer la paix à Erstein.

La guerre des villes

La ligue des villes dura, jusqu'a la mort de Charles IV (1378). Toutefois pour se garantir contre le nouvel empereur Venceslas IV, huit de ces villes, Colmar, Haguenau, Mulhouse, Obernai, Rosheim, Sélestadt, Seltz et Wissembourg, signèrent, en 1379, un nouvel acte de confédération pour cinq ans (26).
Alors, Venceslas aidant, éclata en Alsace une des guerres les plus désastreuses, qu'on eût jamais vues dans notre province, entreprise par les seigneurs contre les villes, la guerre des villes ou Städte-Krieg .

Les hostilités commencèrent en 1383.
Pour ne pas être complètement anéanties, cinquante-deux villes du Palatinat et de l'Alsace, s'entendirent pour se secourir entre elles. Comme Venceslas s'était range du côté des seigneurs, les villes ne lui versèrent plus d'impôts, et encaissèrent même ceux qui revenaient à 1'Empire, entre autres, le tribut des Juifs.

A la tête du mouvement étaient Haguenau, Colmar, Kaysersberg, Sélestadt et Turckheim.
L'empereur expédia en vain Stanislas de Vitenmüle auprès de ces cinq villes, pour tâcher de les ramener à lui. Les Juifs s'entendirent avec leurs autorités directes, et l'envoyé retourna auprès de son maître, les mains vides.

Venceslas, revenant à la charge, envoya Lutzen de Wedel avec mission d'arranger les choses au mieux. Lutzen eut le même succès que Stanislas. Alors, à bout de ressources, l'empereur s'adressa directement aux villes rebelles par lettre, leur demandant de contraindre les Juifs à payer les sommes qu'il réclamait (27).

Il ne fallait pas être grand diplomate pour voir que les villes ne voulaient pas céder le tribut des Juifs. Aussi ne firent-elles pas attention à la lettre et à la menace qu'elle renfermait. Quelques temps après, Venceslas les fit citer devant le tribunal de Prague, pour répondre de leur désobéissance, mais elles ne se rendirent pas plus à cette citation qu'a sa première invitation.
Haguenau, Colmar et Sélestadt, avec leurs habitants, Chrétiens ou Juifs, furent mis alors au ban de 1'Empire.

Cependant la guerre ne pouvait durer éternellement, et quand on vit la plus grande partie de l'Alsace saccagée et 150 villages brûlés, on conclut la paix, en mai 1389, à Eger en Bohême (28).

Immédiatement après, Venceslas leva le ban de 1'Empire prononcé contre le Maistre et le Conseil de Haguenau, ban qu'ils avaient mérité,

"principalement parce que, contre nous et le Saint-Empire, ils avaient empêché les Juifs, serfs de la Chambre impériale, qui demeurent à Haguenau, de nous obéir, et en outre leur avaient prêté assistance"(29).

Une semblable lettre, émanant de la Cour aulique, leur fut expédiée pour les mêmes raisons, quelques jours après.
Enfin, le 21 décembre, Venceslas, par lettres patentes, leva aussi le ban qui avail été prononcé contre les Juifs de Haguenau.

Le règne du duc Palatin Robert

Peu de temps après, la fourberie d'un seigneur amenait l'abdication forcée du fou qui portait sur sa tête in couronne impériale, et le duc Palatin Robert succédait à Venceslas.

A peine appelé au pouvoir, Robert nomma en qualité de landvogt en Alsace, Hanneman de Sickingen. Celui-ci manda aussitôt par écrit au magistrat de Haguenau qu'il s'engageait à protéger les habitants de la ville et avec eux les Juifs. Il ajoutait :

"S'il arrive qu'un Juif, parmi ceux qui ont été acceptés comme habitants de Haguenau, se rende coupable d'un méfait quelconque, il faudra qu'il paraisse en justice, devant le conseil de Haguenau.
J'y assisterai moi-même et je me rangerai à l'avis de la pluralité, pour la sentence qu'il  y aura à prononcer dans ce cas."

Après le massacre des Juifs de Strasbourg en 1349, il fut décrété  que la Ville n'en recevrait plus jamais. Cependant, en 1369 (30), les familles suivantes : Vifelin fils d'Aram, Mannekint et Jacoben son beau-frère de Spire, Deyat de Bergheim, Simon son frère, Vifelin le frère de Manne de Vorms ; en 1383 (31), Simon fils d'Eliatz, Joseph Rosen, Mennelin d'Ulm, son frère Lowen, Moyses de Bretheim, Abraham le mari de la boîteuse, Velin, Lowen de Wesel, Isac de Mollosheim, Mathis de Brisac, et plus tard encore quelques autres eurent l'autorisation de revenir à Strasbourg pour y fixer leur demeure. La ville leur concéda même un emplacement pour y installer un cimetière. Mais cette situation ne dura que vingt et un ans et, en 1389 ils furent de nouveau chassés, et  cette fois, la loi resta en vigueur pendant quatre siècles, jusqu'en 1789 (32).

De ces Juifs chassés en 1389, il s'en répandit un certain nombre dans, les  environs de Haguenau. Il en arriva aussi dans la ville même. Ils eurent l'autorisation d'y rester une année. Cette autorisation fut renouvelée, et, à la fin du 14ème siècle, la plupart d'entre eux étaient encore à Haguenau.
Parmi ces nouveaux venus s'en trouvait un nommé Mensch. Celui-ci, pour une raison qui ne nous est pas connue, devait verser une certaine somme d'argent à l'empereur. Le Juif la trouvant exorbitante, préféra quitter furtivement la ville. Plus tard, Dietrich de Wasseinheim vint pour recevoir cette somme, il trouva porte close chez Mensch : le Juif avail disparu. L'envoyé de l'empereur accusa Walther, qui alors Était zinsmeister à Haguenau, de s'être entendu avec le Juif pour le faire partir. Afin de recouvrer son argent, il fit arracher a son domicile  Walther par ses gens, qui l'enfermèrent au speicherhof (douane). Cependant, comme l'empereur était haï, et ses représentants encore davantage, on prit dans la ville le parti du zinsmeister. Immédiatement, la famille Ritter, composée des sieurs Jean, Pierre, Claus et Simon, se mit à la tête de quelques bourgeois, accourut au speicherhof et délivra Walther. Dans la journée, ils apprirent que Dietrich de Wasseinheim avait menacé les Ritter de faire venger par l'empereur leur audacieux coup de main. Ils firent sonner le tocsin et, précédés de bourgeois portant des bannières et suivis d'une foule nombreuse, ils revinrent au speicherhof pour forcer le landvogt à faire amende honorable de sa menace. Ce n'est que par miracle qu'il échappa à la mort.

Il laissa s'apaiser cette colère ; mais, en 1404 il vint porter plainte devant la. ville de Haguenau, disant que pour un misérable juif il avait failli perdre la vie :

"Ces Ritter avec leurs compagnons, dit-il, sont venus au speicherhof avec des glaives et des couteaux, et, sans le secours du sieur Gering Lavelin, ancien maréchal-ferrant, j'étais assassiné. - Je veux mourir, ajouta-t-il, si l'affaire ne s'est pas passée telle que j'en retrace
ici le tableau" (33).

Aussi, et pour la perte que l'empereur avait faite et pour les dangers que lui-même avait courus, il demanda que la ville forçât Walther a lui faire remettre le Juif et deux mille florins, ou au cas où le Juif serait introuvable, trois mille florins. Comme personne ne pouvait, ou plutôt ne voulait témoigner contre Walther, il fut acquitté, sans que  ce semble, par la suite il ait jamais été inquiété.

Les réfugiés juifs sous le règne de Sigismond

Robert ne garda pas longtemps le trône, et mourut en 1410, regretté de ses sujets ; il fut remplacé par Sigismond, frère de Wenceslas.

Les Juifs, comme nous l'avons déjà relaté plus haut, s'étaient assez multipliés à Haguenau et dans les environs, de sorte que Sigismond se crut déjà obligé d'arrêter cet accroissement. Dans ce but, il fit parvenir à la municipalité un édit où il disait :

"C'est pourquoi, et afin d'empêcher le mal d'empirer, et pour en libérer les chrétiens, nous statuons, qu'aucun bourgeois ni habitant de la ville, ne pourra plus dès maintenant bailler ou vendre aux Juifs aucune maison, dans la ville ou dans la banlieue de Haguenau, ni leur accorder aucune habitation. Aucun Juif ne pourra en acquérir ni en louer, sans la connaissance, la permission et le consentement écrit du maistre et du sénat qui sont ou seront à Haguenau. Celui qui contreviendra a cette loi, chrétien on juif, sera puni d'une amende de trente marks d'or fin, applicable moitié à la chambre impériale, moitié aux magistrats de Haguenau.
Par contre, mandons et ordonnons a notre Landvogt impérial, a nos officiers et aux siens, de ne pas troubler ceux qui demeurent Haguenau, que notre ordonnance ne touche pas, mais de les y maintenir au contraire et de les protéger, s'ils aiment à conserver notre faveur" (34).   (1436.)

Lorsque vers 1440, les Armagnacs vinrent dévaster l'Alsace (35), toutes ces familles disséminées un peu partout, reçurent de La  ville  l'autorisation d'y venir séjourner pendant quelque temps, moyennant redevance.
Ils eurent malheureusement besoin de recourir très souvent cette hospitalité, qui ne leur fut jamais refusée, mais qu'ils devaient payer à beaux deniers comptants, heureux encore de trouver à  prix d'or un abri contre les pillages et les massacres.

En 1470, les confédérés suisses ravagèrent l'Alsace et tuèrent ou chassèrent les Juifs de Mulhouse, Colmar, Kaysersberg, Obernai et Sélestadt. Ces villes, profitant de l'occasion, résolurent, dans une conférence tenue à Colmar (1411), de ne plus admettre de Juifs parmi eux (36). Les unes revinrent bientôt de ces décisions, les autres s'y tinrent, mais ces exclusions se bornèrent au Haut-Rhin. Haguenau par bonheur ne les imita pas et les Juifs de cette ville se tirèrent encore assez bien de ces terribles secousses. C'est à cette occasion que les environs de Haguenau récurent quelques-unes de ces familles fugitives, qui nourrissaient l'espérance de profiter un jour de la protection que pouvail leur offrir Haguenau.

Nous arrivons ainsi au 16ème siècle.

Les premières années de ce siècle furent une période de tranquillité pour l'Alsace. Vers 1525, survint la guerre de paysans, qui se termina par la prise des chefs internes à Haguenau (37). Les Juifs ne furent donc pas beaucoup plus inquiétés que leurs compatriotes.

Malheureusement, en 1544, une troupe de soldats se prépara à marcher vers la France et se réunit en Alsace (38). Les Juifs des environs, craignant d'être pillés, vinrent demander de nouveau l'autorisation de se réfugier à Haguenau. Elle leur fut accordée. Douze familles entières, avec leurs domestiques et leurs biens, arrivèrent dans la  ville et  pour ces quelques jours, durent payer chacun six florins (37). Dès que le danger fut passé, elles rentrèrent chez elles.

La situation des Juifs de Haguenau changea en partie an milieu du 16ème siècle ; voici dans quelles circonstances. Ceux du Portugal, A la fin du siècle précédent, avaient été obligés de se faire baptiser. Plus tard, vers 1550, ces "faux chrétiens", comme on les appelait, vinrent de la  Hollande et passèrent en Alsace pour se rendre en Italie : ils furent presque partout emprisonnés, surtout dans le Haut-Rhin. On les accusait de vouloir se rendre  chez les Turcs, pour leur vendre des armes. Colmar surtout était devenu inexorable envers les Juifs  en général, et ne voulait même, plus leur permettre de passer par la ville (40).

II est évident que, dans ces circonstances, ceux du Bas-Rhin ne devaient pas être épargnés. On leur reprochait de s'habiller comme tout le monde, ce qui ne permettait pas aux chrétiens de les reconnaître. Plus tard, il est vrai, on les accusa de ne point  s'habiller comme leurs compatriotes !

Aussi, Ferdinand, frère de Charles Quint, roi d'Espagne et empereur d'Allemagne, à qui ce dernier avait donne pleins pouvoirs pour administrer, publia un décret qui n'était que la reproduction des édits des papes sur le port de la rouelle. Les Juifs n'en furent, à la vérité, ni moins bien ni mieux considérés. Malgré ce décret, les paysans qui les connaissaient déjà comme Juifs, avant la publication de cet édit, les virent sans aucune surprise porter cette marque dégradante.


Costumes de Juifs alsaciens au 16ème siècle
portant la rouelle.
Dessin de © Martine Weyl

Ferdinand, par la grâce de Dieu, roi de Hongrie, de Bohême et des Romains, infant d'Espagne, grand duc d'Autriche, duc de Bourgogne, Styrie, Croatie, Corinthie, Wurtemberg, comte de Tyrol, etc., etc....,
Ordonnons à tous les prélats, comtes, ducs, chevaliers, écuyers, commandants de pays, capitaines, évêques, gouverneurs, administrateurs, lieutenants, employés, maires, juges, magistrats, bourgeois communs, et ensuite à tous nos autres sujets clercs ou laïques, de n'importe quelle position ou situation, demeurant dans notre Autriche, soit en bas, soit en haut, soit devant, dans nos principautés et pays, duchés et territoires, qui verront les présentes, ou en entendront parler, d'observer ce qui suit :
Très souvent des plaintes sont arrivées de nos sujets, que la nation juive, à qui nous avons permis d'habiter quelques villages ou villes de nos possessions, fait non-seulement l'usure trop grandement, et cherche à ruiner le peuple chrétien, mais encore, ce qui pis est, s'adonne à toutes sortes de mauvaises actions, telles que la calomnie, l'insulte et le  mépris de notre nom chrétien, de notre croyance et de notre religion. Ces méfaits proviennent en grande partie de ce que ces mêmes Juifs demeurent dans beaucoup d'endroits parmi les chrétiens, qu'ils s'habillent surtout comme ces derniers, et qu'ils ne portent aucun signe extérieur, de sorte qu'ils trafiquent alors, sans que quelquefois on puisse les distinguer de nos fidèles.
C'est pourquoi, en vrai Seigneur catholique et prince régnant, par l'autorité de notre pouvoir, après avoir pesé le pour et le contre, nous abrogeons tout ce qui a été fait jusqu'à ce jour, et ordonnons :
D'ici à un mois, après la publication de cet édit, chaque Juif sera tenu de porter sur sa redingote ou pardessus, sur le côté gauche de sa poitrine, une rouelle jaune, dont ci-bas la grandeur du diamètre,  ni moins large ni plus petite, faite d'un morceau de drap jaune, de manière qu'elle soit bien en vue.
Si l'un d'eux se permet, après l'expiration de ce premier mois, d'enfreindre nos statuts et ordonnances, et de ne pas se servir de ce signe, il sera la première et la deuxième fois mis complètement à nu. On lui prendra ses vêtements et tout ce qu'il portera sur lui. La moitié du butin appartiendra à celui qui aura fait la prise, et l'autre moitié aux magistrats ou à la justice du pays dans lequel le Juif aura été trouve en défaut.
Mais si la chose se renouvelle pour la troisième fois, il faut que non seulement on lui enlève tout ce qu'il portera sur lui, mais que lui, sa femme et ses enfants soient chassés immédiatement et pour jamais de toutes nos propriétés.
Dans le cas cependant où ces Juifs font le commerce en dehors de leur pays, ils n'ont pas besoin de porter ce signe sur les routes, jusqu'au moment où ils chercheront à s'héberger pour la nuit, soit dans les villes, soit dans les bourgs, soit dans les villages.
Alors seulement ils doivent reprendre la rouelle pour qu'on les reconnaisse.       
Nous recommandons donc à chacun en particulier de faire observer cette ordonnance centre les Juifs.
Quiconque rencontre un Juif sans ce signe, et ne fait pas son devoir sera sévèrement puni, et payera encore ce qui de cette manière aura été perdu.
Que toutes ces recommandations soient exécutées à la lettre si l'on ne veut pas encourir notre disgrâce.
Donné en notre ville de Vienne le premier jour du mois d'août 1551 de notre règne, des Romains la 21ème et des autres Etats la 25ème  année.
Signé :  FERDINAND (41).    

Nous retrouvons de nouveau trace de cette rouelle en 1561. Elle fut alors encore obligatoire pendant quelques années, puis elle disparut.

La pensée de parquer les Juifs germa même dans le Conseil de Haguenau. Nous avons vu qu'au commencement de leur arrivée les Juifs avaient eu le choix de se procurer des maisons où ils voulaient. Nous les avons on conséquence trouvés dans les plus belles rues de Haguenau. A partir de 1348, par un sentiment de crainte et  dans la pensée qu'ils seraient plus forts réunis, en cas d'émeute, ils s'étaient presque tous groupés autour de la synagogue.

Au siècle suivant, vers 1620, il fut question à l'hôtel de ville de leur assigner un seul quartier ou il leur serait permis de résider (42) La motion ne trouva pas d'écho, et cette idée fut abandonnée.
Cependant, bien qu'ils fussent libres de demeurer ou ils voulaient, les Juifs continuèrent à se confiner volontairement dans une espèce de ghetto.


Synagogue
précédente
Synagogue
suivante
© A . S . I . J . A .