BRUMATH

Une première synagogue a été construite en 1801, puis la synagogue actuelle, en 1846. Endommagée et profanée pendant l'Occupation, elle fut transformée en dépôt de vivres. Elle sera rendue au culte en 1957. Brumath est siège de rabbinat depuis le 19ème siècle.

HISTOIRE DE NOS COMMUNAUTÉS - BRUMATH
Rabbin Jos. BLOCH - Georges WEILL
Extrait du Bulletin de nos Communautés n°23, 1955
Nous remercions tout particulièrement M. le Rabbin Bloch,
dont les nombreux renseignements nous ont été très utiles dans la rédaction de cette chronique sur Brumath.

1. La Communauté juive avant la Révolution.
Extérieur de la synagogue
© M. Rothé
Synagogue de Brumath
La ville de Brumath est une des plus anciennes localités d'Alsace ; elle fut, en effet, sous le nom de Bruocmag, la capitale des tribus celtes établies en Basse-Alsace vers 600 environ avant notre ère. Après la conquête de la Gaule par les Romains, et jusqu'aux invasions barbares, l'antique cité des Triboques fut un carrefour important sur les grandes voies de communication Strasbourg-Saverne (Argentoratum-Tres-Tabernae) et Strasbourg-Seltz (Argentoratum-Saletico). Détruit par les Huns lors de leur passage en Alsace, Brocomagus devint ensuite des résidences favorites des souverains francs ; en 889, le roi Arnulf offrit le bourg en cadeau à l'abbaye de Lorsch (près de Worms).

Après avoir été depuis le 12ème siècle le siège des landgraves de Basse-Alsace, les comtes de Werd, Brumath fut vendu aux Lichtenberg qui obtinrent de l'empereur la permission de l'élever au rang de ville, et qui durent même soutenir une guerre contre les Linange, auxquels un différent les opposait à son sujet. Tombé ensuite dans l'héritage des Deux-Ponts, puis dans celui des Hanau-Lichtenberg, Brumath devait beaucoup souffrir au cours du 17ème siècle, lors des différentes campagnes de la France contre la Maison d'Autriche.

Il est impossible de situer exactement la première apparition des Juifs à Brumath ; il semble qu'il y en ait eu depuis fort longtemps. C'est ainsi qu'au début du 16ème siècle, après le passage des troupes suisses à travers l'Alsace, beaucoup de villes qui s'étaient débarrassé des Juifs furent forcées d'en accepter à nouveau dans leurs murs (1), et parmi elles, Brumath. Dès 1590, on note que la commune comptait "178 bourgeois et un Juif appelé Susskind" (2). Cependant, le nombre ne devait pas s'accroître exagérément : en 1684 on y trouve 4 Juifs et en 1693, 4 familles, soit environ une vingtaine de personnes. A la veille de la Révolution, Brumath comptait 9 familles juives (3).
Un document intéressant pour l'histoire des Juifs de Brumath au 18ème siècle mentionne différents droits payés par eux, au cours de l'année 1759, il s'agit du livre de compte du baillage, dont Brumath était le chef-lieu, et où l'on relève les recettes suivantes (4) :

"Einnahm Geldt - Schmirgeldt von Juden : 5 schillings.
Einzug von Juden : Nihil (néant).
Abzug von Juden : 18 florins."
La même année, les Juifs avaient obtenu l'autorisation de célébrer les offices dans une de leurs maisons ; le droit perçu à ce sujet se monte à 15 florins (soit 3 florins par chef de famille, les veuves étant exemptées).
Vers 1789, le Schrnirgeld (ou droit de protection dû par chaque famille juive d'Alsace) se montait à 440 florins environ pour le baillage de Brumath (5).
II. Les Juifs de Brumath au cours du 19ème siècle.

Intérieur de la synagogue construite en 1845
La Révolution devait donner aux Juifs de Brumath, comme à ceux de toute l'Alsace, les droits de citoyen. On relève dans les actes du district de Strasbourg deux pièces les concernant. Le premier autorisant un Juif natif de Brumath à résider à Bischheim, comme le lui permettait des lettres de réception datées de 1772 ; le second repousse la requête d'un nommé Michel Weyl, aubergiste, qui demandait le déguerpissement d'un habitant de Stutzheim, établi dans un immeuble dont il était adjudicataire (6).

Comme presque toujours au 19ème siècle, le chiffre de population monte jusque vers 1875 pour redescendre ensuite. A la fin du Second Empire, la Communauté était très importante ; siège d'un rabbinat qui desservait sept communes (7), Brumath et les villages environnants devaient une grande part de leur activité aux Juifs, qui à Brumath tout au moins ne représentaient qu'à peine un dixième de la population. Le nombre des familles nécessiteuses semble y avoir été peu élevé : en 1870, il n'y avait que six indigents permanents et cinq infirmes secourus par une caisse de bienfaisance (8).

Un point noir dans l'histoire de Brumath se situe en février 1848, lors d'un mouvement antisémite qui souleva la population de plusieurs villes d'Alsace contre les personnes et les biens des Juifs (9). L'année précédente, l'école israélite avait été reconnue, comme école communale ; le premier instituteur s'appelait Bernard Meyer.

En 1844-45, une nouvelle synagogue fut construite à la place de l'ancienne maison de prière ; le Conseil municipal se refusant à accorder un secours provisoire de 10.000 francs, les membres du Comité local des finances sollicitèrent une subvention du Ministère des Cultes qui accorda la somme de 12.000 francs en 1859 (10). La synagogue a été en partie détruite par la guerre ; actuellement, on s'occupe de sa rénovation.

La Communauté ne posséda son propre cimetière qu'à partir de 1880. Auparavant, elle utilisait celui d'Ettendorf, en certains cas aussi celui de Haguenau. Comme beaucoup d'autres, il a été saccagé pendant la guerre, mais restauré depuis.

III. Les rabbins de Brumath.
Le premier rabbin de Brumath, dont on relève le nom, fut Alexandre Alexander (Reb Sender); lui succéda Alexandre Séligman (Reb Séligmann). Le 1er juin 1852 fut nommé Salomon Lévy (connu sous le nom de Reb Salmé), précédemment rabbin à Marmoutier, qui fut le maitre de Zadoc Kahn (11). Reb Salmé eut encore d'autres élèves non moins illustres (12); il mourut en 1872.

Son successeur fut Félix Blum, de Bischheim, plus tard rabbin à Phalsbourg et à Mulhouse, qui céda la place à Simon-Adolphe Ury (né à Niederbronn en 1819) ; ce dernier devint par la suite grand rabbin à Metz et à Strasbourg (13). Il fut remplacé par Isaac Dreyfuss, dont on lira d'autre part les circonstances de l'élection, puis au début de ce siècle par le Dr. Lévy. Simon Rapaport (né en Palestine et sorti de l'école rabbinique de Paris), fut le dernier rabbin de Brumath ; il avait été antérieurement rabbin à Remiremont. Depuis sa mort, le rabbinat de Brumath est vacant et est administré par un rabbin voisin ; c'est le rabbin Max Gugenheim de Bouxwiller, qui en est momentanément l'intérimaire (14). Nous sommes loin du temps où trois candidats briguaient ce poste !

Notons encore que les rabbins de Brumath desservaient les communes suivantes : Eckwersheim, Minversheim, Mommenheim, Schwindratzheim, Waltenheim, Wingersheim et Wittersheim ; ils étaient en même temps aumôniers à la clinique psychiatrique de Stephansfeld.

 
 
Effectif de l'école juive de Brumath vers 1910
à droite, le maître d'école, M. Loeb

IV. La vie de la Communauté.

Les présidents de la Communauté, dont on nous communiqué les noms, sont les suivants : Jules Liebschutz, Nathan Keller, Jules Hermann, Julien Meyer, Moïse Kling, Emile Bombet, Julien Meyer et Nephtalie Lévy.

Le poste de ministre-officiant a été occupé pendant plus de 40 ans (jusqu'en 1905) par M. Kahn ; M. Henri Weill remplit actuellement ces fonctions. On a célébré récemment ses "50 années de service dans la même communauté".

Sur l'école, nous possédons les renseignements suivants : jusqu'en 1900 existaient deux classes à l'école communale juive, l'une pour les garçons, l'autre pour les filles. Ont exercés comme personnel enseignant : Meyer Bernard ; Lévy Abraham de Rosheim ; Loeb Lazard d'Eckwersheim ; Mlles Meyer de Dettwiller ; Weill de Bouxwiller ; Sée de Bergheim et Lévy de Brumath. Depuis la suppression de l'école, l'enseignement religieux est donné par les rabbins et le ministre-officiant.

Brumath est le lieu de naissance des personnalités suivantes : le grand rabbin de Strasbourg Isaac Weil (né en 1840); le rabbin Joseph Herrmann (né en 1855), qui a exercé à Valenciennes et à Reims ; Sylvain Kraemer, qui fut longtemps directeur de l'école de Travail de Paris (né vers 1864) (15).

Yad en bois pour la lecture de la Torah, fabriquée par
M. Henri Weill pendant la seconde guerre mondiale

Brumath 1955

Télécharger la liste des
personnes inhumées
au cimetière juif de Brumath
au format .pdf

Administrée par M. Robert Weil, Président très actif et toujours sur la brèche, la Communauté possède en M. Henri Weill, son ministre-officiant et même secrétaire, un 'hazan de classe, qui malgré son âge, se dépense sans compter tant pour l'organisation des offices que pour l'enseignement religieux. Sa Synagogue, très gravement endommagée, est en pleine reconstruction. Elle sera une des plus grandes de notre département. Actuellement, les offices ont lieu dans l'oratoire, trop petit dans les grandes occasions. Les éléments jeunes de cette Communauté sont relativement nombreux et tout permet d'espérer que dans un proche avenir, la vie de cette importante Communauté prendra, dans le domaine culturel, un nouvel essor.

Evolution de la population juive de Brumath.

1684 1693 1778 1784 1807 1846 1852 1866 1875 1895 1905 1936 1944 1955
4 20 30 51 122 358 390 410 487 373 362 185 144 100

Mariage de Magali Cerf et Hervé Daskal dans la synagogue restaurée après la guerre, Brumath, 2 juillet 2000

Notes
  1. Elie Scheid, Histoire des Juifs d'Alsace, p. 76 ss.    Retour au texte.
  2. Kocher, op. cit, p. 10.    Retour au texte.
  3. Kocher, op. cit, p. 13. Neyremand, dans la Revue d'Alsace, 1859, p. 564, ne relève que trois Juifs dans tout le baillage en 1716. Si les chiffres notés par Kocher sont exacts, une telle variation de la population parait peu vraisemblable.    Retour au texte.
  4. Archives du Bas-Rhin, E 3249.    Retour au texte.
  5. Kiefer, Steuern, Abgaben und Gefàlle in der ehemalige Grafschaft Hanau-Lichtenberg, p. 69.    Retour au texte.
  6. Hildenfinger, "Actes... relatifs aux Juifs", dans REJ 1911.    Retour au texte.
  7. Voir infra la liste de ces communes.    Retour au texte.
  8. Migneret, op. cit, p. 482.    Retour au texte.
  9. Archives du Bas-Rhin. III M 78. Six maisons juives furent dévastées et pillées.    Retour au texte.
  10. Archives du Bas-Rhin, série V. La Communauté dut soutenir un procès contre un habitant, au sujet du terrain.    Retour au texte.
  11. Celui-ci, né à Mommenheim, fut mis à l'âge de 14 ans entre ses mains et resta son élève pendant trois ans jusqu'à son entrée à l'école rabbinique de Metz.    Retour au texte.
  12. Parmi eux, citons Isaac Weill, qui devint rabbin à Phalsbourg et grand rabbin à Metz et à Strasbourg ; Simon Lévy de Balbronn, rabbin de Schirrhofen, et Joseph Simon de Muttersholtz, instituteur à Nîmes.    Retour au texte.
  13. Pour le remplacement d'Ury, un concours fut fixé par le Consistoire au novembre 1891 ; les candidats en présence furent Benjamin Meyer de Lauterbourg, Dreyfuss Isaac de Fegersheim, et Ernest Weill de Neuf-Brisach. On les entendit, l'un après l'autre, en présence du Consistoire. Quoique Ernest Weill fût désigné au Consistoire par le rabbinat, celui-ci ne ratifia pas le choix des électeurs et nomma rabbin Isaac Dreyfuss "pour des raisons d'ancienneté". Une campagne de presse peu édifiante fut la suite de ce procédé quelque peu étrange, puisque le Consistoire lui-même avait demandé ce mode d'élection.    Retour au texte.
  14. En 1955, date de la publication de cet article.    Retour au texte.
  15. Note de M. le rabbin J. Bloch : nous voudrions encore citer notre camarade d'école Silvain Koch (né en 1878), ancien directeur de l'orphelinat israélite de Haguenau, mort à Sarlat, en 1941. Il a été ré inhumé à Haguenau.
Bibliographie


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