Quelques figures méconnues du judaïsme alsacien
les WEIL et les WEILL
par Jean DALTROFF
Extrait de l'Almanach du KKL - 5762 Strasbourg 2002

Trois médecins , un grand rabbin, un rabbin, un officier militaire qui devint mathématicien, et un industriel font partie des oubliés de l'Histoire. Tous ces personnages, nés en Alsace, ont eu un itinéraire spécifique. Certains ont pu partager leur existence en conciliant vie professionnelle et attachement aux valeurs juives ; d'autres, engagés dans la vie socioprofessionnelle, se sont davantage impliqués dans le monde de l'universel.

TROIS MEDECINS :
Nous étudierons tout d'abord le déroulement de la carrière de nos trois médecins.

Jacob Weill, né à Strasbourg le 29 février 1832, était le fils de Benjamin Weill, commissionnaire, et de Gertrude Israël.
Il commença ses études médicales à Strasbourg. Il soutint sa thèse doctorale, le 14 Janvier 1858, par un Essai sur l'inflammation des sinus cérébraux.
Il fut d'abord médecin aide major de 2ème classe en décembre 1860. Il épousa le 28 mars 1867 à Strasbourg Georgette Bloch, la fille d'un fabricant. Médecin major de 2 ème classe, en 1869, il était au Premier Cuirassier lorsqu'il passa, le 1er janvier 1870, au Deuxième d'Artillerie. Médecin major de la classe en 1875, il fut nommé médecin principal de 2 ème classe avec le grade de lieutenant-colonel en 1885.
Il devint successivement médecin-chef de l'hospice mixte de Châlons-sur-Marne, puis médecin principal de 2ème classe de l'hospice mixte de Reims.
Il comptait sept campagnes.
Il accéda au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur en 1871, puis à celui d'Officier en 1889. (1)

Anselme Weill
Anselme Weill, ensuite, naquit à Bischheim le 24 août 1842. Il était le fils de Simon Weill, boucher, et de Rebeque Blum.
Il fit ses études supérieures aux Universités de médecine de Strasbourg et de Paris. Installé dans la capitale française, il prit part en tant que chirurgien à l'hôpital Lariboisière à la défense de Paris en 1870-1871. Assistant de 1871 à 1874 à l'Hôpital Rothschild à Paris, il en devint le médecin-chef en 1889. "Officier d'Académie" en 1889, il fut nommé Chevalier de la Légion d'Honneur en 1894. Il a publié en particulier différents essais sur le traitement de la tuberculose. (2)

Léon Weill
Léon Weill, quant à lui, vit le jour à Haguenau le 18 janvier 1847, lieu de son décès le 13 mai 1926.
Il était le fils de Salomon Weill, courtier, et de Joséphine Lévi. Après des études au lycée de Haguenau, il suivit les cours de la Faculté de Médecine de Strasbourg et, quand éclata la guerre de 1870, il n'avait pas encore passé son examen final. Malgré cela, il fut envoyé à Lyon et à Marseille en qualité de médecin auxiliaire. Lorsque la paix fut signée, il revint à Strasbourg pour y terminer ses études et y soutenir sa thèse de doctorat. Il se maria avec Lina Lehmann.
S'étant établi à Pfaffenhoffen, il y resta cinq ans. Puis il décida de pratiquer la médecine à Haguenau où il fut nommé médecin cantonal et médecin des pauvres. Après la mort du docteur Lévy, il lui succéda comme médecin de la maison centrale et de la colonie pénitentiaire et agricole.
Il fut également le docteur de l'orphelinat et du refuge israélite.
Il exerça la médecine à Haguenau pendant cinquante ans. Pendant une trentaine d'années, il fut membre du conseil municipal ainsi que de la commission des écoles. Il fut nommé Officier de l'Instruction publique. (3)

UN MATHEMATICIEN

Mathieu Weill
Voici aussi le déroulement de la carrière de Mathieu Weill, officier militaire puis mathématicien. Comme Léon Weill, il naquit à Haguenau le 24 mai 1851.
Il était le fils d'Isidore Weill né à Obernai, professeur de mathématiques à Haguenau et de Valentine Weil. Après avoir achevé sa scolarité dans un lycée de Strasbourg il étudia à l'École polytechnique de Paris et à l'École militaire de Fontainebleau.
Il atteignit le rang de lieutenant d'artillerie, mais il donna sa démission en 1877. En 1881, il fut professeur de mathématiques au Collège Chaptal de Paris dont il devint le directeur en 1898. Weill publia des essais dans des revues de mathématiques.
Il est l'auteur d'un Cours de géométrie analytique et d'un Précis d'arithmétique, de géométrie d'algèbre, et de trigonométrie publié en 1895 à l'usage des candidats à l'École centrale. (4)

Paysage d'Alsace - © M. Rothé
Paysage d'Alsace

UN INDUSTRIEL

Aron Weil
Voici encore l'itinéraire de l'industriel Aron Weil.
Il vint au monde à Strasbourg le 24 septembre 1863, et mourut à Baden Baden le 6 juillet 1930. Il était le fils de Nephtali Aron Weil, commerçant, et de Lisette Blum. De son mariage, il eut deux enfants.
Il succéda à son père dans une affaire de cuirs d'ancienne renommée. Il devint ainsi administrateur à la Maison Sylvain Weil et Cie, commerce d'importation et d'exportation de cuirs et de peaux à Strasbourg, avec succursales à Paris, Milan et Chicago. Son activité s'étendit à d'autres domaines.
Il fut président du conseil d'administration de la "Téléphonie Industrielle et Commerciale, S.A. Télic" à Strasbourg. Avant et après la première guerre mondiale, il fit partie du conseil d'administration de l'assistance publique de la ville de Strasbourg.
Il fut, plusieurs années durant, vice-président du Consistoire israélite du Bas-Rhin et président du Cercle littéraire.
Il fut encore président de la Caisse des retraites et pensions des ministres du culte israélite d'Alsace et de Lorraine et jusqu'à sa mort, président du comité de la Maison de santé israélite participant à son développement et largement secondé en cela par sa compagne.
Il fut élevé au grade de Chevalier de la Légion d'honneur en 1926, et Officier de l'Instruction publique. (5)

DEUX RABBINS

Emmanuel Weill
Emmanuel Weill naquit dans le Haut-Rhin à Ensisheim, le 21 octobre 1841, et décéda à Paris le 5 avril 1925. Un fils, Simon, fut codirecteur d'Ika en Argentine. Un autre fils, Julien, devint grand rabbin de Paris et fut nommé avec Maurice Liber grand rabbin de France par intérim de 1935 à 1938. Emmanuel Weill étudia auprès de son père, Nathan Weill au beth hamidrash (maison d'études) de Colmar avant d'entrer au Séminaire israélite de France de Paris. Il en sortit diplômé en 1866.
Il occupa le poste de rabbin à Versailles, de 1867 à 1875, puis fut appelé à Paris en 1876 pour seconder le grand rabbin de France, Lazare Isidor. A partir de 1882, il devint rabbin de la synagogue hispano-portugaise de la rue Buffault à Paris.
Il fut élevé au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur.
Il écrivit trois ouvrages : La femme juive, sa condition légale d'après la Bible et le Talmud, Paris, 1874, et Judah Maccabée suivi de Rabbi Akiba, Paris, 1888. Il publia aussi une étude très savante intitulée Le Yiddisch alsacien-lorrain, dans la Revue des Etudes Juives, t.70, Paris 1920, p. 180-194 ; t.71, p. 66-68 et p. 165-189 ; t.72, p. 65-88 et p. 201206. (6)

Jonas Weill
Enfin Jonas Weill vit le jour à Osthoffen, le 27 octobre 1869.
Il était le fils de Gustave Weill, colporteur né à Osthoffen et d'Adèle Singer. Il étudia au Séminaire israélite de France, à Paris de 1890 à 1895, et y reçut son diplôme de rabbin.
Il fut successivement rabbin de Clermont- Ferrand, de Tlemcen, et grand rabbin d'Oran. Il fit donc partie au même titre que Michel Aaron Weil, né à Strasbourg en 1814, Moïse Weil, né à Bouxwiller en 1852, et Abraham Bloch, tous trois grands rabbins d'Alger, de ces juifs alsaciens qui exercèrent leur carrière en Algérie.
Il écrivit plusieurs études savantes dans la Revue des études juives parmi lesquelles Les Juifs protégés français aux Echelles du Levant et en Barbarie, REJ, n°12, p. 247,et REJ, n°13, p. 277, et La résidence des Juifs à Marseille, REJ, n° 17, p. 96. (7)


Notes :
  1. Archives municipales de Strasbourg (par la suite AMS), registre des naissances de 1832 et registre des mariages en 1867 -AMS, Fonds Hoffman.    Retour au texte.
  2. Archives départementales du Bas-Rhin (par la suite ABR), 5MI 43, 95. The Jewish Encyclopedia, v. X Il, New York and London, 1906, p.494 ; Jüdisches Lexikon, Berlin, 1930, p. 232.    Retour au texte.
  3. ABR, 5Mi 179, 36, 1847 ; Journal d'Alsace et de Lorraine, 26.2.1924 ; Journal d'Alsace et de Lorraine, 16.5.1926 . Elsâsser 18.5.1926.    Retour au texte.
  4. ABR 5Mi 179, 37 ; H. Jouve, Dictionnaire Biographique des Alsaciens-Lorrains, t. Il, Paris, 1988; S. Curiner Dictionnaire National ; The Jewish Encyclopedia v. X Il, New York and London, 1906, p. 494 ; Jüdisches Lexikon, Berlin, 1930, p. 232.    Retour au texte.
  5. AMS, registre des naissances, 1863,11, R, acte 1897, DNA, 29. 11.1927; l'Elsàsser, 2911.1927; DNA, 8.7.1930 ; Strassburger Zeitung, 10.7.1930 ; La Tribune juive, n°28, 11.7.1930, p.45; B. Vogler M. Hau, Histoire économique de l'Alsace, Strasbourg, 1997, p. 336.    Retour au texte.
  6. The Jewish Encyclopedia, vX Il, New York and London, 1906, p. 494 ; S. Wininger, Grosse Jüdische National-Biographie, 1930, p. 230 ; J. Bauer, l'Ecole rabbinique de France (1830-1930), Paris, 1931, p. 128 R. Berg, Histoire du rabbinat français XVIe-XXe siècle, Paris 1992, p. 52, 79, 104, 195.    Retour au texte.
  7. ABR, mi 363,6, acte n°21, 1869 ; J. Bauer, l'Ecole rabbinique de France (1830-1930), Paris, 1931, p. 187, 208 :R. Ayoun, B. Cohen, Les Juifs d'Algérie. Deux mille ans d'histoire, Paris, 1982 ; R. Berg, Histoire du rabbinat français (XVIe-XXe siècle), Paris, 1992, p. 63 et p. 198.


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