La descente des corps


Quand je serai couché le front contre la pierre
demain sur les dalles de la petite maison de prière
où nous nous prosternons le corps dans la poussière
depuis trente-deux ans et quelques millénaires
ce matin dans Jérusalem encore noire de lumière,

je saurai une fois de plus ce que pèsent sur ma nuque
les nuages profonds du début de l'automne
et quelle force de surrection s'amasse au fond du coeur
pour jaillir au-dehors comme un palmier en plein désert :
source d'eau vive qui chante sur un lac de lumière
colonne de rosée affûtée contre le vent de l'aube -

souffle debout qui nous délivre et qui fait rire en nous
l'enfant de jadis, le petit être venu de la nuit,
marchant à travers le feu sur le sentier invisible
vers son lieu de légèreté qui est toujours maintenant
comme à l'heure de ma mort dansée sous le feuillage ;

la liturgie d'ailes rouges et sombres des oiseaux de passage
déchire d'un seul jet les nuées de l'orage,
nos mains tendues d'aveugles tâtonnent en plein ciel
sans poser de questions ni de conditions vaines :
elles se rempliront de manne en cours de route
elles scintilleront de rosée et d'étoiles

Extrait de Aux portes du labyrinthe, Flammarion 1996


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