L'humour dans l'œuvre d'Israël Zangwill
Article extrait de la Revue de la Pensée juive n°6, janvier 1951


Dans son article de la Revue de la Pensée juive d'octobre dernier, Rabi a rappelé le choc que les hommes de ma génération reçurent du Chad Gadya de Zangwill lorsque, en 1904, Péguy le publia dans ses Cahiers.

Lu par les collaborateurs juifs de Péguy et par ses abonnés juifs, répandu par eux dans les milieux juifs que la bataille pour Dreyfus avait obligés à regarder en eux-mêmes et dans le passé de leur race, Chad Gadya joua le rôle d'un cristal dans un liquide sursaturé. Sur les plus sensibles d'entre eux il agit à la manière d'une conversion : bouleversement intérieur, crise de larmes, vie soudainement changée. Ils voulurent explorer, retrouver cette âme juive qui s'effaçait en eux, lui demander des raisons de vivre et de combattre non seulement pour ces valeurs communes à tous les hommes, mais pour ces valeurs ressurgissantes qu'ivres de liberté trois générations de Juifs émancipés avaient essayé d'oublier, de refouler.

Mais livres d'histoire, études ethnographiques ou économiques, enquêtes sociales pouvaient-ils, autant que des poèmes, des contes, des nouvelles, des romans, des pièces de théâtre, leur donner des occasions de s'exalter ?

C'est dans le texte anglais de Zangwill, puis peu à peu dans des traductions françaises de fragments ou de diverses parties complètes de son œuvre qu'ils les trouvèrent. Ils lurent le grand roman Children of the Ghetto et les recueils de récits et de contes où, depuis 1892, il avait révélé au public de langue anglaise la vie du ghetto de fait qu'étaient encore l'East-End de Londres et les quartiers juifs de New York, la vie des ghettos forcés de Pologne et de Russie. Ils lurent les nouvelles, sortes de grands poèmes en prose, où Zangwill a raconté l'aventure - grandeur, pathétique, merveilleux et grotesque mêlés - des grands idéalistes juives, Uriel Acosta, Spinoza, Salomon Maïmon, des fondateurs de sectes, des mystiques juifs, Sabataï Zévi, le Baal-Shem, et de tous ceux qu'il a appelés les Rêveurs du Ghetto.

C'est à travers son œuvre déjà grande - plus de vingt-cinq volumes en 1910 - qu'il devint le rééducateur, le formateur de la jeunesse juive française. Ceux qui étaient doués pour l'action s'efforcèrent de réconcilier la vieille oligarchie des Juifs français, avec ces Juifs étrangers dont l'immigration continue, depuis les pogromes russes de 1882, freinait inexorablement leur course au conformisme, à la dépersonnalisation. Ils unirent leurs efforts à ceux des Juifs immigrés qui tentaient de donner consistance et réalité à ce "rêve brumeux" d'un peuple d'Israël regroupé, réuni sur un territoire autonome, et dont la souveraineté nationale soit reconnue par le le droit public des nations.

Ceux qui avaient le goût de la, création poétique, du roman, du théâtre n'essayèrent plus comme avaient fait leurs aînés israélites de s'exprimer, de s'épancher à travers des œuvres d'où avaient été soigneusement effacés tout sentiment, tout personnage, tout entourage juifs. Des poèmes juifs, des romans, des drames juifs, des comédies juives parurent. Une littérature juive était née qui, malgré deux guerres, les massacres, les exterminations en masse, n'a cessé de grandir en diversité et en vigueur.

Leonard Raven-Hill : A corner in Petticoat Lane (1900)
Source : The Victorian Web
Il était fatal que dans ses débuts cette jeune littérature gardât les traces de l'œuvre qui l'avait entraînée vers des routes nouvelles. Mais bientôt elle prit figure originale ou du moins montra des traits caractéristiques. Les écrivains, presque tous formés dans des écoles françaises, ignoraient l'hébreu et le yiddish. Leur formation avait été toute différente de celle de Zangwill qui, né d'un pauvre ouvrier juif émigré de Russie quelques années à peine avant sa naissance, avait été élevé dans une famille orthodoxe et instruit dans des écoles juives ou des collèges judéo-anglais.

Eux, de quoi était fait leur judaïsme ? Du souvenir de quelques grandes fêtes, de quelques prières, de quelques cérémonies de famille. Mais quels étaient ceux d'entre eux qui aient eu un contact direct avec le ghetto ? Car à part l'Afrique du. Nord il n'y avait plus en France de grandes agglomérations juives. Et même le quartier juif de Paris avec ses quelques milliers de Juifs entourés d'une importante population française n'était qu'une miniature de ghetto à côté de l'East-End de Londres, avec ses cent cinquante mille Juifs, ses innombrables rues aux petites maisons basses, du linge pendant partout, ses immenses boutiques où l'on trouvait de tout, des pastilles de menthe et du coton, des poupées à tête de porcelaine et des citrons, ses marchés, ses syndicats ouvriers, ses clubs, sa presse yiddish, ses salles de bal, ses théâtres. Grande ville étrangère au milieu de l'immense ville anglaise, cité bourdonnante, pullulante, gesticulante et colorée comme les juiveries polonaises, russes, de Galicie, des Carpates qui étaient encore le moyen âge, de Bukovine, de Bessarabie, qui étaient déjà l'Orient.

Le judaïsme que retrouvaient, en eux et autour d'eux, les Juifs de langue française, était tout autre que celui où avait plongé l'adolescence de Zangwill. C'était le judaïsme libéré par la Révolution, qui s'était répandu sur tout le territoire de la France continentale et des pays voisins de langue française. Ils pouvaient étudier sous des aspects nouveaux les problèmes que posait le retour offensif des vieilles oligarchies de sang ou de commerce contre l'esprit de 1789 renforcé par l'apport du ferment juif ; ils pouvaient lutter avec des moyens nouveaux et moins timides contre les dangers accrus que faisaient courir à leur judaïsme les menaces d'un racisme exaspéré : ils pouvaient, comme Vigny "la majesté des souffrances humaines", chanter la grande douleur juive, la nostalgie de la religion perdue, décrire les scrupules, le drame de l'assimilation. Mais n'ayant pas comme Zangwill vécu au milieu de Juifs pauvres, grimpé les escaliers gluants des slums où des lingères travaillaient quatorze heures par jour, passé des soirées dans des ateliers-chambres où le travail fini, de petites gens jouent au Napoléon, au Vingt-et-Un ou au Klobyios, parcouru les carrefours où des gamines brunes aux cheveux bouclés dansent autour d'un piano mécanique, les squares où les bonnes femmes assises devant leur porte "bavardent et tricotent comme si la mer venait écumer à leurs pieds", ils n'avaient qu'une vision tronquée du peuple étrange qui vivait encore, comme avaient vécu leurs arrière-grands-pères dans ces lieux grouillants, pleins de cris, de larmes et de rires où "dans l'obscurité sans air se sont passées tant d'aventures, se sont jouées tant de tragédies, tant de farces".

Zangwill, fils du ghetto, les avait dans ses yeux, dans ses narines, dans ses jambes, dans toute sa chair frémissante.
Aussi doué pour l'observation des détails que pour l'expression des ensembles, il s'est bien gardé de n'exprimer que le pathétique de la vie juive. Il aimait rire. Il savait rire. Il savait de quel prix est le rire pour ceux dont l'existence est difficile ou ingrate ; pour ceux dont chaque jour est un combat contre le chômage ou la fatigue, ou la maladie, ou la faim.

Dans les récits des deux révolutions russes, de la résistance française, polonaise ou russe contre l'occupation allemande, vous verrez que l'action finie, les révolutionnaires, les résistants sont toujours en train d'organiser quelque partie, quelque fête. C'est qu'entre deux combats, deux escarmouches, deux émeutes, il y a de longues heures à remplir, de la force physique ou morale à dépenser. Les, chefs, les militants savent que s'ils n'encourageaient pas leurs camarades à se détendre, ils ne commanderaient bientôt plus qu'à une charpie de neurasthéniques ou de déprimés.

Les rabbins, les docteurs juifs qui se sentaient responsables de l'avenir et surtout de la conservation de leur peuple, ont lutté contre la tristesse, l'angoisse juives. Beaucoup d'entre eux, comme le rabbin David Sichel de l'Ami Fritz d'Erckmann-Chatrian, furent de gais compagnons. Le rire était à tous les foyers, à toutes les tables. Ils ont empêché le peuple juif de se frapper, par suite de se laisser mourir, Enseignant moins une religion qu'une sagesse ils lui ont appris à accepter "l'inévitable avec bonne humeur".

Ainsi entraîné, le Juif répond aux coups du sort à coups de railleries. Il est de la même trempe que les grands moqueurs : Swift, qui ayant beaucoup souffert par les hommes, a beaucoup raillé les hommes, et Cervantès qui ayant gâché sa vie par un caractère chimérique, a écrit un livre éternel pour se railler lui-même. Le rire du Juif est volontiers strident, amer, hystérique. Il rit d'un rire qui fait mal. C'est Henri Heine.

Et, c'est Zangwill. C'est parce que Zangwill, comme Heine dans son enfance, a sucé le lait grossier de la blague juive qu'il este un farceur du ghetto. Sur ce fond juif s'est déposée la culture anglaise plus favorable que toute autre au développement de son génie, car il y trouvait l'exemple et la tradition de l'humour. Et la culture anglaise unie au génie juif a donné naissance à une plante nouvelle : l'humour juif.

Lorsque je rencontrai Zangwill à Paris en 1909, dans le sitting-room d'un modeste petit hôtel anglais de la rue Hyacinthe, il causait avec un jeune savant qui l'aidait da propagande en faveur d'un État juif.
Zangwill s'enquérait de la valeur de quelques hommes qui leur avaient offert leur collaboration.
- Et le Dr Ebenezer, demanda-t-il, qu'en pensez-vous?
- C'est un très honnête homme, répondit l'autre. Mais... connaissez-vous l'histoire de ce Polak à qui l'on demandait des nouvelles de sa fille ? "Ma fille, dit-il, a épousé un homme qui ne sait pas jouer aux cartes." "Quelle chance vous avez !" "C'est ce qui vous trompe, car il ne peut pas s'empêcher d'y jouer."
Zangwill sourit.

Des sourires, des rires, des images, voilà ce que le Juif préfère aux murs gris des idées générales. Essayez de le convaincre sous forme d'un raisonnement, il ne vous suit pas. Il vous attend à l'exemple. Son esprit n'aime pas la pression continue du raisonnement logique. Il lui faut des petits chocs successifs séparés par des petits chocs successifs séparés par des temps. Ainsi parlait Jésus et les foules juives se grisaient de ses paraboles. Ainsi parlèrent les rabbis, car la Loi est une corbeille pleine de fruits délicieux mais lourde, ronde et lisse : "L'apologue est l'anse par laquelle il est possible de saisir la corbeille."

Aussi le peuple juif possède-t-il un immense folklore ; historiettes, fables, récits, légendes, calembours, bons mots, vaste répertoire où. puisent les rabbins et les maîtres d'école, les Badchen dont c'est le métier de faire rire les convives aux repas de noces, et les Schnorrers qui sont des mendiants professionnels, mais souvent aussi des bouffons.

L'origine de ces histoires ? Tous les pays du monde : Palestine et Afrique, Russie, Pologne, Galicie, Allemagne, Autriche, Alsace, Trois-Évêchés, Espagne, France, Paris même, toutes les villes, toutes les contrées où le peuple errant s'est reposé, a travaillé dans l'ignominie ou dans la crainte, a cru pouvoir respirer enfin. Les unes ont l'accent des temps les plus reculés, des époques bibliques ou talmudiques, les autres sont d'hier, d'aujourd'hui, chaque génération admirant, vantant ses aspirations, se moquant de ses travers et de ses vices.

Non ! il ne faut pas s'imaginer que toutes les blagues juives qu'impriment les journaux ou les livres antisémites soient d'origine chrétienne. Beaucoup ont été fabriquées par des Juifs. Le théâtre juif de Vienne, les bourses de Francfort et de Paris, les synagogues, les cercles, il en est venu de partout où étaient groupés pour le travail, la religion ou le plaisir, des hommes de cette race susceptible et railleuse. Car le juif n'est pas moins moqueur que le Français. Il aime à rire de soi, par politesse et par malice. Comme lui, il parle de ses qualités à voix basse et à voix haute de ses défauts.

Pommeaux de cannes à motifs antisémites, début 20ème siècle - coll. Peter Ehrenthal
Il y a une source plus trouble parmi toutes celles d'où jaillissent les blagues juives. La plupart des races idéalisent leur type. Une Grecque était fière d'avoir le front bas, le nez droit et charnu prolongeant le front. Une Arménienne rêve d'avoir la figure si ronde que son amoureux puisse la comparer à une orange, à une grenade, à la face elle-même de la lune. Une race vaincue ou trop longtemps bafouée finit par se mépriser elle-même. Elle n'admire plus que le type et les manières de ses vainqueurs. Il y a certes des Juifs qui pour des raisons désintéressées ou de foi cessent d'être juifs. Mais il s'en trouve, et j'en connais parmi nos critiques ou nos hommes de théâtre, qui enragent de n'avoir pu changer de tête et de nom en changeant de Dieu, et pour faire oublier la partie juive qu'ils détestent en eux-mêmes, crient haro! sur le Juif. "Ihr ANTESEMITISMUS war mir bekannt, Ihr ANTISEMITISMUS ist mir neu" dit à l'un d'eux un chrétien choqué du zèle antijuif de son récent coréligionnaire (1). D'autres, sans se convertir sont flattés si un chrétien leur dit qu'ils n'ont pas le nez juif, les cheveux juifs les manières juives. Ces gens-là ont désidéalisé leur type et au lieu d'accepter leurs différences, de rester bravement eux-mêmes, ils s'adaptent, se fondent, se conforment et diminuent par leur fait cette diversité des êtres qui est une bénédiction de la nature.

C'est par ces héros que sont fabriquées nombre de blagues sur la forme de notre nez ou sur la roublardise de notre esprit. Là-dedans il y a de tout, de l'excellent et du détestable, de la quintessence de sensibilité et de la polissonnerie. Aussi est-il parfois malaisé de distinguer de l'admiration agaçante de soi- même les traits de la satire la plus malveillante.

Voici une historiette où l'intention du conteur est claire. Le rabbin d'Altona montrait à l'incrédule Salomon Maïmon le schofar, la trompette rituelle dont le hazan tire des cris terribles lorsque la synagogue proclame le Herem, l'excommunication juive, contre un membre de la communauté convaincu d'hérésie... "Connais-tu-ceci ? " lui dit-il. Le disciple de Kant répond, impassible : "Je sais que c'est la corne d'un bouc".
Henri Heine, à qui j'emprunte cette histoire, admire la face immobile, et le dédain du philosophe (2).

Mais écoutons la joviale Alsace qui, avec ses trente mille Juifs et leur jargon judéo-alsacien (3), est une de nos plus riches carrières d'histoires juives :

Un colporteur qui n'a pas gagné un sou dans sa semaine veut cependant être rentré chez lui à Colmar pour le Sabbat. Il se glisse sur le quai, et saute dans le train. En route le contrôleur lui demande son billet.
"Je n'ai pas de billet", dit le Juif. Le contrôleur le jette dehors au premier arrêt. Le Juif, sans mot dire, s'assied sur un banc, attend une longue heure, monte dans le train suivant et parcourt quelques kilomètres. Il est de nouveau contrôlé, s'assied sur un banc, attend un autre train, remonte et ainsi de suite jusqu'à ce que l'employé qui l'avait déjà contrôlé le reconnaisse et lui dise :
- Ah ! c'est encore toi ! Et jusqu'à quand, ça durera-t-il ce petit manège ?
- Jusqu'à ce que je sois arrivé à Colmar, répond le Juif.
Ici l'intention est douteuse. Est-ce que le conteur se gausse de la lâcheté du Juif qui se laisse bousculer sans répondre ou loue la ténacité du pauvre diable dont l'aventure est le symbole tragi-comique d'Israël continuant à progresser sous les injures et sous les coups.

Mais dans cette autre histoire qui vient aussi d'Alsace c'est une plaisante apologie de l'habileté :

Un gros marchand de confections de Strasbourg rencontre dans le hall de la gare un de ses parents, tenant à la main son ticket de retour pour Guebwiller.
- Comment, cher cousin, il y a des années qu'on ne s'est vu et tu repars chez toi sans avoir tiré notre sonnette. Rose sera furieuse. On a de la place, on t'aurait logé et le soir après dîner, on aurait taillé une bonne bavette.
- Je reviens dans un mois, dit le cousin. J'accepte.
Le mois passé, le cousin arrive. On l'embrasse, on l'installe. Bon dîner, bonne soirée, et le lendemain quel café au lait et quelles tartines !
A midi, le cousin se rassied à table, et le soir s'assied encore à table, et la nuit se recouche dans le bon lit de plumes, et au réveil quel café au lait et quelles tartines! Et à midi !... Et pendant huit, longs jours, déjeuner, dîner, café au lait, tartines!
Rose éclate.
- Quand me débarrasseras-tu de ton Gascht ? hurle-t-elle à Simon.
Simon affalé dans son fauteuil lève au ciel les yeux, les épaules.
- Tu ne veux pas, tu ne sais pas, School Kopf ! Ah! si j'étais un homme!
Simon se dresse.
- Ecoute, Rose, j'ai trouvé. Demain tu sales trop la soupe. Je fais la grimace. Tu me cries.: "Quoi ! quoi ! Pas vrai, tu dis !" Je monte, tu montes. Je m'avance sur toi. Et toi tu cries "Cousin, cousin, vous le laissez battre une faible femme !" Il prend ton parti, me menace. Moi je le prends par les épaules et te le flanque à la porte.
Le lendemain, trop de sel dans la soupe. Simon fait la grimace. Rose répond. Simon monte, se lève les poings tendus.
- Comment, cousin, vous laissez cet homme !...
- Oh chère cousine, répond l'hôte souriant, pour trois semaines que je suis encore chez vous, est-ce que je vais me mêler de vos histoires de famille !

Beaucoup de blagues juives sont construites sur ce type, et ne sont pas sévères pour la roublardise ou pour la ruse, Les antisémites nous en font grief. Avec leur mauvaise foi. Car ils ne se font pas faute de se tordre en racontant des blagues bien françaises dont les héros rendraient des points à des Juifs (4).

La psychologie d'une race persécutée justifie en effet les histoires où les Juifs mettent dedans les Chrétiens ou les infidèles. Mais celles-là, et elles sont nombreuses, où les Juifs jouent au plus fin les uns avec les autres ?...
Tout s'éclaire si l'on regarde la blague juive comme l'amusement de boutiquiers, de petits marchands et d'intermédiaires. Le placier, le marchand a besoin de tout le monde. Il ne veut se brouiller avec personne mais en même temps il ne veut pas se laisser forcer la main. Il n'entend n'accepter que les affaires qui lui conviennent et pourtant rester l'ami de ceux dont il refuse les offres. Il s'en tire par de bons mots.

A Metz, un marchand de chevaux examine un cheval de selle.
- Il est si rapide, lui dit le propriétaire de la bête, que vous si le montez à sept heures vous serez à onze heures à Nancy.
- Qu'est-ce que vous voulez que je fasse à Nancy à onze heures ?
On les voit, n'est-ce pas, ce petit œil châtain qui regarde en tous sens entre ses paupières mi-closes, les traits pincés de ce rouleur de foires qui laisse tomber de ses lèvres à peine ouvertes les quelques mots grâce auxquels il conserve son indépendance et ses clients.

Il y a une autre sorte d'intermédiaires, dont le métier se fait à coup d'insistances et de défaites réparées par d'énormes plaisanteries, c'est le Schadchen, le maquignon humain, toujours à l'affût de jeunes gens à marier. Il a réponse à tout. Mais il y a des fois où ce n'est pas le Schadchen qui a le dernier mot.

De guerre lasse un jeune homme a accepté une entrevue, Quand la jeune fille et ses parents se sont retirés :
- Eh bien, vous voila décidé? dit le Schadchen.
- Pas encore.
- Que vous faut-il ? N'est-elle pas désirable ?
- Est-ce qu'on sait jamais avec tous ces vêtements ?
- Vous ne voulez pas tout de même que je vous l'amène toute nue ?
- Je n'osais pas vous le demander.
Indignation de la famille. Résistance. Palabres. Enfin la jeune fille parait sans voiles. Et quand elle est sortie :
- Eh! Ah ! vous dites oui maintenant ?
Hélas! dit le jeune homme. Ce sont ses yeux qui ne me plaisent pas.
Ici nous sommes sur les confins de la blague et de l'humour qui consiste à raconter avec gentillesse ou bienveillance des faits irréels, impossibles, avec un imperturbable sérieux.


Israel Zangwill
(1864 - 1926)

L'humour juif et l'humour anglais, dont Zangwill, avait reçu l'exemple et l'héritage dans sa double éducation juive et anglaise, ont bien des traits communs : un sens aigu de l'ironie des choses ; que tout est vain et cependant nécessaire ; le don de regarder le monde tantôt du point de vue le plus général, tantôt dans ses détails les plus menus ; l'esprit, la bouffonnerie, le tragique ; une grande sûreté de soi et un immense plaisir à briser les tables étroites où sont inscrites les lois de la pensée moyenne. De cet humour-là Zangwill sait se servir à merveille. Et il a écrit plus d'une page où le mélange de la cocasserie et du pathétique donne à la douleur le caractère explosif et spasmodique du rire. Mais son humour a de plus des caractères très particuliers; il a recueilli un grand nombre de contes ou de récits provenant de divers ghettos de la Diaspora.

Il s'amuse aussi à pasticher la blague juive ou bien il invente des récits où il utilise la psychologie, et le jargon ou le langage truffé de slang et d'anglais, des Juifs récemment immigrés et de leurs enfants en train de s'angliciser. C'est un mélange de citations bibliques ou talmudiques, d'interminables discussions théologico-métaphysiques et de farces. Dieu et la religion, l'apologie et le blasphème, l'agacement des limitations que la religion impose à la vie de tous les jours, les efforts qu'il faut faire pour vivre sans trop violer des règles qu'on estime salutaires. De ces éléments et mille autres est fait l'humour de Zangwill, jeu complexe qui déborde de tous côtés la définition qu'il a lui-même donnée de l'humour : le sourire dans le regard de la sagesse. Contenant tous les contraires, tous les contradictions, cet art si proche de la vie est comme elle indéfinissable,

Mais ce qu'il a de plus caractéristique, et ce qui ferait reconnaître entre mille proses anonymes le style de Zangwill, c'est l'emploi - pour s'en moquer, souvent, parfois aussi comme malgré lui, et pour exprimer sa propre pensée - du raisonnement talmudique.

On dit au talmudiste
- Vous devez la dîme dès que les fruits sont rentrés dans la maison.
- Mais la devrai-je, répond-il, si je les mange dans la cour ?
- Non, si la cour est ouverte et que les voisins puissent vous voir les manger.
- Et si la cour est ouverte en partie et en partie couverte ?
- La partie couverte sera considérée comme la maison.
- Mais si je mange mes figues sur le pas de la porte ?

Et si la discussion avait porté sur un sentiment, il vous l'aurait coupé en quatre. C'est parce que la plupart des Juifs ont été soumis pendant des siècles à une telle gymnastique que le jour où les grandes écoles leur ont ouvert leurs portes, ils ont montré are d'aptitudes aux études de philosophie ou de jurisprudence. Mais quelques esprits en ont été faussés, tordus à jamais.

Comme Pascal, dans ses Provinciales a prêté à son Père jésuite le langage de la casuistique jésuitique, Zangwill écrit souvent, ou fait parler quelques-uns de ses personnages dans la langue tarabiscotée du commentateur talmudique, le plus subtil des ergoteurs, le plus dangereux des adversaires parce qu'il finit toujours, par vous bloquer dans un coin avec un argument de détail que vous savez faux et que vous enragez de ne pouvoir démontrer tel. C'est un des moyens les plus drôles du talent de Zangwill. C'est un des aspects les plus originaux de son humour. Le premier dans la littérature anglaise, il a deviné tous les effets qu'un romancier pouvait tirer de cet "instinct juridique de l'hébreu qui a développé le plus gigantesque et le plus minutieux code de conduite qu'il y ait au monde" (5).

De chacun des éléments qui composent l'humour de Zangwill, il n'est pas facile de donner des exemples purs. Car même dans les essais où il discute, à la manière juive, sur des sujets non juifs, tous ces éléments sont mêlés et brassés sur un fond d'humour anglo-saxon et germanique. Mais c'est de leur pâte que sont pétris les personnages des romans et des drames de Zangwill, êtres cultivés, ou gais, susceptibles, vétilleux, vulgaires, enthousiastes, flagorneurs, escrocs, bateleurs, dévôts, ignorants, superstitieux, éloquents, bavards ou graves : le Roi des Schnorrers, Sugarman le Schadchen, Mrs. Belkovitch, Malka, Flutter-Duck, le doux, aimable, jovial Reb Shemuel, et enfin un héros singulier, Melchitzedek Pluches, qui réunit en lui deux traits fréquents chez les déclassés juifs de l'Est européen, l'idéalisme dévergondé et le parasitisme, un des types les plus truculents de la littérature contemporaine.

C'était "un vrai poète, avec une extraordinaire puissance de langue, un don infaillible de rythme"... Dans le domaine intellectuel il devinait tout, comme une femme, avec la rapidité et une pénétration merveilleuses et un égal manque de jugement. Et il croyait en ses idées parce qu'elles étaient siennes et en lui-même à cause de ses idées. Il lui semblait parfois que sa taille grandissait jusqu'à ce que sa tête touchât le soleil, mais c'était surtout après boire et son cerveau gardait de ce contact une perpétuelle flamme (6).

Pinchas envoie ses ouvrages aux Juifs riches qui, pour se débarrasser de lui, lui donnent quelques shillings. Mais il accepte de toutes mains et porte à domicile ses livres chez de plus humbles qui, en échange, lui donnent des compliments et aussi le breakfast. Le voici qui se présente chez Reb Shemuel (7).

Il entra par la porte de la rue qui était ouverte, frappa légèrement à la porte de la chambre et l'ouvrit, puis il baisa la mezouzah clouée sur l'extérieur du chambranle ; il s'avança vers la rabbin, lui saisit la main qui tenait la cafetière et la baisa avec une égale dévotion... Enfin il se pencha et pressa de ses lèvres le bas de la redingote du Reb...
- Je suis venu, dit-il, pour vous prier de me faire l'honneur d'accepter un exemplaire de mon nouveau recueil de poèmes, les Flammes du Métamoron. N'est-ce pas un beau titre ? Quand Énoch fut, enlevé tout vif au ciel, il fut changé en feu et devint Métamoron, le Grand Esprit de la. Kabbale. Ainsi mon âme s'élève dans le ciel de la poésie lyrique et se transforme en feu, en flamme, en lumière...
Le poète était un petit homme mince, au teint foncé avec de longs cheveux noirs en broussailles. Sa face était taillée à coups de hache et non sans ressemblance avec celle d'un Aztèque. Ses yeux flambaient de passion. Il tenait dans une main un paquet de livres à couverture de papier, et dans l'autre un cigare éteint. Il posa les livres sur la table où le breakfast était servi.
- Enfin, dit-il, il est imprimé. Ce grand ouvrage que ces ignorants de Juifs anglais ont laissé moisir, eux qui payent à leurs stupides révérends des mille et des cents pour porter des cravates blanches.
- Et qui cette fois a payé l'impression Mr. Pinchas ? dit la rabbine.
- Qui, qui ? balbutia Melchitzedek, qui d'autre que moi ?
- Mais vous dites que vous êtes sans le sou !
- Vrai comme la Loi de, Moïse! Mais j'ai écrit des articles pour les journaux yiddish. Ils courent après moi. Il n'y a personne dans leur rédaction pour savoir trousser un article. Je n'en peux rien tirer, ma chère rabbine, sans quoi ne serais pas sans avoir déjeuné ce matin. Mais le propriétaire du plus grand de ces journaux est aussi imprimeur et m'a imprimé en échange mon petit livre. Je ne crois pas pourtant que la vente m'en remplisse l'estomac. Oh! que le Saint (béni soit-il) vous bénisse, rabbine, bien sûr que je prendrai une tasse de café. Je n'en connais pas une qui sache faire le café avec un pareil goût… Vous êtes un heureux mortel, rabbi ! Vous me permettrez bien de m'asseoir à votre table ?
Et sans attendre la permission il poussa une chaise et s'assit. Puis il se releva, se lava les mains, et prit sur la table un œuf qui restait.
-Voici votre exemplaire, Reb Shemuel, dit-il après un moment... Vous savez que vous et moi nous sommes les deux seules personnes de Londres capables d'écrire correctement le langage sacré.
- Non, non, dit le rabbin avec modestie.
- Si, si, insista Pinchas. Vous l'écrivez aussi bien que moi. Mais jetez les yeux sur la dédicace que j'ai écrite exprès pour vous de ma propre main : "A la lumière de sa génération, le Grand Gaon dont la perfection est renommée jusqu'aux confins de la terre, aux lèvres duquel le peuple de Dieu tout entier vient demander la connaissance ; à la source inépuisable ; à l'aigle puissant qui s'élève jusqu'aux cieux sur les ailes de l'intelligcence ; au Reb Shemuel. Puisse sa lumière n'être jamais obscurcie et que de son vivant le Rédempteur descende sur Sion." Prenez, prenez, je vous prie. Faites-moi l'honneur d'accepter. C'est l'hommage de l'homme de génie à l'homme de savoir ; l'humble présent d'un des deux seuls savants hébreux à l'autre.

Melchitzedek Pinchas sait entrer partout, dans les réunions, dans les sociétés, les syndicats, dans les Comités le grèves. Il sollicite avec une naïve et inlassable insistance un poste de président, de secrétaire, de trésorier, d'orateur de meeting. "De là, mes paroles se précipiteront comme les torrents des montagnes pour balayer la corruption.,, Vous savez, moi et vous sommes les seuls hommes de l'Est de Londres qui sachent parler l'anglais."
Exaspéré on le met à la porte. Un moment après la porte s'entrebâille, la tête de Pinchas apparaît peu à peu. Le poète fait son aimable sourire, son index pressant l'aile de son nez de la manière la plus enjôleuse (8).

Mais ne vous avisez pas de toucher à son texte, de changer une syllabe à un vers d'un de ses poèmes, une ligne à l'un de ses drames comme le firent le directeur d'un théâtre juif Goldwater et son régisseur et factotum le jeune Kloot. Au lieu de l'obséquieux parasite vous auriez en face de vous la colère et les poings de Samson.

C'est à New-York, Un billet de cinq livres tombé des mains d'un baronnet juif en accusé de réception d'une dédicace, a permis à Pinchas d'y transporter son génie, et son Hamlet en Yiddish (9). "C'est la plus grande pièce de cette génération" déclare-t-il à quelques socialistes ou libres-penseurs, dans un petit café de l'est de New-York, tout en engouffrant d'énormes bouchées de tarte à la crème. Il l'avait traduit de Shakespeare, mais à la moderne, bien entendu, sans les incroyables puérilités de Shakespeare, sans clinquant ni carton-pâte, sans spectre, sans prince de Danemark même, car son Hamlet est un Hébreu et le Prince de Palestine. C'est la "tragédie interne du penseur, son incapacité pour cette activité inférieure : l'action".
- La tragédie interne du penseur, c'est l'indigestion, pouffa un assistant.
Goldwater avait promis à Pinchas de le convoquer pour les répétitions, et Kloot de persuader Fanny, la femme de Goldwater, qui n'était plus une jeunesse, de s'abstenir de jouer Ophélie.
- Il ne faut pas la laisser abîmer ma pièce. Vous me trouverez une Ophélie virginale. Moi et vous nous sommes les seuls à New York à savoir distribuer les rôles.
- Fiez-vous à moi. J'ai une femme aussi, dit Kloot, âgé de dix-neuf ans et célibataire, elle a juste l'âge du rôle.
- Mais pourra-t-elle faire pleurer le public?
- Bien sûr. Un vrai oignon d'Ophélie !
Les jours passent, Pinchas n'entend pas parler de répétitions. Il apprend par hasard que le Théâtre Goldwater est en train de jouer sa pièce. Il saute sur ses habits et sa canne et file vers le théâtre.
- Je suis l'auteur, cria-t-il en arrivant au contrôle.
- Les auteurs ne sont pas admis.
- Porc ! Porc! hurla-t-il. Vous et Goldwater, et Kloot ! J'ai jeté mes perles aux cochons, Mais ils ne m'auront pas. Je payerai mon billet.
- C'est plein, lança l'homme du guichet.
- C'est une conspiration ! Il s'élance vers l'entrée des acteurs, y bute sur un gaillard énorme d'où il rebondit pour s'étaler sur le trottoir, "et la porte se referma sur son humiliation".
Soudain il vit sortir, tenant son carnet de notes à la main, un critique qui partait avant la fin du deuxième acte.
Il faut que je file Pinkeuss, lui dit-il en s'excusant, si nous voulons avoir quelque chose dans le journal du matin.
Au moment où il sautait dans le tramway, Pinchas le rattrape.
- Ah ! donnez-moi votre billet. Pinchas se glisse dans la salle à la place laissée vide par le critique. Le troisième acte commençait.
Hamlet et la reine étaient en scène. "Il y a trop de mouches mortes sur vous", disait-elle à son fils. Puis ils se mirent à chanter. Leurs airs étaient gais et légers. Et la foule enthousiaste bissait et rappelait.
Alors Fanny Goldwater, en Ophélie, bondit sur la scène comme une folle, et ses chants tournèrent au comique. Au lieu de la rue et du romarin elle tenait un Loullov vert et bruissant - la palme de la fête des Tabernacles - et l'inclinait pieusement vers tous les points de horizon. Les gens se tordaient, en délire.
Enfin apparut une forme blanche et glissante. C'était le Spectre s'avançant au son de la musique du cake walk. Sa basse-taille se mêlait aux notes aigües du soprano terrifiée.
C'est était trop ! Le Spectre, le Spectre que Pinchas avait biffé à tout jamais, le Spectre qui changeait en mélo la tragédie du penseur, le voilà qui se dressait à nouveau et marchait le cake walk !
Pinchas exorbité, la tête en feu et l'écume à la bouche, saute sur la scène. Kloot le rattrape auvol, lui met la main au collet et l'entraîne dans la coulisse.
- Ce n'est pas encore le moment d'aller saluer le public, lui dit-il.
- Laissez-moi. Je veux lui parler, lui dire la vérité. Ils me croient, moi, Melchitzedek Pinchas, responsable de ce tohu-bohu, Mon soleil s'écroule. On se payera ma tête de l'Hudson au Jourdain !
- Chut ! Chut ! Le patron entre en scène.
Hamlet s'avançait. Sa voix montait en joyeuses roulades. Un tonnerre d'applaudissements éclata.
Alors c'était ce singe de Goldwater qui allait se vautrer dans leur admiration tandis que lui, le puissant penseur, était crucifié dans l'ombre et son œuvre tournée en dérision !
Pinchas rassemble ses forces, et laissant le col de son paletot entre les mains de Kloot, bondit dans le cercle de lumière.
- Bandit ! Coupeur de mots !
Et sa canne s'abat sur la joue droite de Goldwater, tout près de l'œil.
- Massacreur de poésie!
Et la canne s'abattit sur la joue gauche, tout près de l'œil.
La salle se levait en tumulte.
Mais Kloot, qui ne perdait jamais la tête, fit baisser le rideau sur les cris du Prince de Palestine et la victorieuse fuite du seul auteur que Goldwater n'ait point réussi à rouler.

notes :
  1. "Votre antesémitisme m'était connu, votre antisémitisme m'est neuf." S. Freud, Du mot d'esprit dans ses rapports avec l'inconscient, 1905.    Retour au texte
  2. De l'Allemagne pp. 89-90. (Renduel, Paris, 1835).    Retour au texte
  3. C'est dans ce jargon que j'aurais aimé raconter ces historiettes si j'avais su le manier comme Edmond Fleg, dans sa savoureuse traduction de l'Histoire de Tévié de Sholem Alei'hem (Paris, Rieder, 1925).    Retour au texte
  4. Est-ce des Juifs qui ont écrit le Roman de Renart ou les Fabliaux ? Est-ce un Juif qui a écrit : "L'adresse doit suppléer à la force. Si l'on ne saurait aller par le chemin royal de la force ouverte, il faut prendre le chemin détourné de l'artifice ; la ruse est bien plus expéditive que la force." Non, ce n'est pas un Juif qui a écrit ces lignes trop prudentes c'est un fils de la chevaleresque Espagne, Balthazar Gracian, à qui André Rouveyre a consacré un ouvrage magistral aux Éditions du Mercure de France, en 1925.    Retour au texte
  5. The King of Schnorrers, p. 108. (Heinemann, Londres, 1894).    Retour au texte
  6. Children of the Ghetto, p.194. Dans les pages qui suivent et que j'ai traduites ou résumées de trois chapitres des Children of the Ghetto, et du Yiddish Hamlet (Ghetto Comedies) je n'ai pu hélas ! rendre en français le comique de la prononciation anglaise déformée par la bouche jargonnante de Pinchas.    Retour au texte
  7. Children of the Ghetto, pp. 95 et sq.    Retour au texte
  8. Children of the Ghetto, pp. 251 et sq.    Retour au texte
  9. Dans Ghetto Comedies, pp. 259 et sq. (Heinemann, Londres 1907).    Retour au texte

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