Notre Alya en Israël


Image Map Alyah Weizmann These Apres kipour
Au printemps 1949, Castor a fait un rapide voyage au Maroc, pour recruter des jeunes qui voudraient se joindre à notre gar'in (noyau); puis il a pu faire un voyage en Israël pour explorer les possibilités d'accueil en kibboutz. Ma fille Lia, qui apprenait le travail de la vigne à Mikvé Israël, était enchantée de notre future arrivée. Castor est revenu avec deux propositions: l'une au kibboutz Yavné, religieux, l'autre du kibboutz Givat Brener, laïc. A son retour, l'équipe du groupe déjà constitué, s'est prononcée pour la kvoutsa (petit kibboutz) religieuse.

Entre temps, s'étaient joints à nous, deux garçons d'Algérie et une fille d'Alsace. Ma mère, qui habitait déjà rue Changarnier, a accepté de se charger de ma belle-mère, qui était en meilleure santé. Ce que nous faisions, n'était peut-être pas très bien, mais nous étions enthousiasmés par l'idée d'aider à construire Israël.

Avant de partir définitivement, nous avons voulu faire une petite hakhchara (préparation) de quelques semaines avec tous nos volontaires, et nous nous sommes installés dans une maison de l'Alyath Hanoar, à Vouzon, en Sologne, entourée d'un grand jardin maraîcher, et de champs. Mais ce débit de travail agricole n'était rien, comparé à ce qui nous attendait en Israël. Je suis partie une semaine avant les autres avec Daniel, pour le faire accepter dans le cadre de l'Alyath Hanoar, avant qu'il ait 17 ans. Il a été admis à Néurim, et y a appris la mécanique agricole. Tout le groupe est parti une semaine plus tard, début septembre, y compris Elie, 6 ans, et Myriam, 4 ans et demi, dont les filles du gar'in s'occupaient. La direction du Kibboutz Hadati ne voulait pas nous laisser nous installer à Yavné, dans le centre du pays où le climat est agréable, mais voulait nous envoyer à Sdé-Eliahou, kvoutsa qui manquait de bras, située en-dessous de Beit-Shéan, dans une région très chaude, et très éloignée. Quand le groupe est arrivé, tous ont refusé de venir à Sdé-Eliahou, et sont allés au grand camp d'accueil, “Sha'ar Alya”. Entre temps, Castor et Pélican ont cherché d'autres possibilités.


La Vallée de Beith Shean - © Eliahou Eilon

Le secrétaire de Sdé-Eliahou, qui parlait français, est venu nous voir à ce camp, et a proposé d'inviter tout notre groupe à passer le Shabath, sans engagement, à sa kvoutsa . C'est ce qui a été fait. Sdé-Eliahou avait besoin de main d'oeuvre, et nos garçons y auraient la possibilité d'acquérir vraiment les métiers utiles à une kvoutsa. Donc, le samedi soir, l'assemblée du gar'in a décidé de rester à Sdé-Eliahou.

Nous avons eu tout de suite une chambre, comme elles existaient à l'époque, sans climatisation, avec de petites ouvertures à l'est et à l'ouest, pour permettre au vent de l'après-midi de la rafraîchir. Tous les autres ont logé sous des tentes. Les garçons sont entrés de suite dans des branches intéressantes : construction, travail aux étangs à poissons, maraîchage, et grande culture. Castor est redevenu simple électricien. De commissaire général du mouvement, de directeur d'école, il était maintenant ‘haver (camarade) de la kvoutsa , et même pas, candidat à devenir membre de cette communauté. Mais son travail l'intéressait assez, et il ne se plaignait pas.

Dans les premiers temps, Elie m'a dit plusieurs fois: “Papa peut demander ça, peut faire ça”, et je lui ai répondu: “Papa, n'est pas directeur de la kvoutsa ; il est un membre comme tous les autres, et doit obéir aux règles de la kvoutsa”.

Les filles ont travaillé surtout dans les différents services: cuisine, maisons d'enfants, lingerie. Lia travaillait à la vigne.

Dans ce groupe composé de gens originaires de France et d'Afrique du Nord, il n'y a pas eu les problèmes Ashkénazes/Séfarades, si communs en Israël. Castor a réussi à se procurer en France une baraque, où nous faisions la prière, le vendredi soir et le Shabath, suivant le rite marocain.

Il y avait parfois des frictions avec la direction de la kvoutsa , pour obtenir un travail plus intéressant pour tel ou tel garçon, pour recevoir les demi-journées d'études auxquelles nous avions droit, et le groupe faisait bloc, en face de la kvoutsa. Individuellement, chacun de nous avait de bons rapports avec telle ou telle famille de la communauté. Je me suis liée en particulier avec une jeune veuve italienne, dont le mari avait été tué à la guerre de Libération et qui avait deux petites filles. Elle parlait un peu français et nous avons sympathisé. D'ailleurs à Sdé-Eliahou, il y avait tout un groupe d'Italiens, et nous avons découvert que nous nous entendions mieux avec eux qu'avec les autres membres de la communauté.


La Vallée de Beith Shean - © Eliahou Eilon

Pour moi, l'adaptation pratique a été très difficile, car ce sont surtout des qualités ménagères qu'on demande d'abord aux nouveaux arrivants. J'étais plus âgée, et je n'étais pas une grande ménagère. J'ai travaillé longtemps au raccommodage des chaussettes, puis au repassage. A un moment donné, j'ai été aide-soignante, mais pour une remarque malencontreuse à une ‘havera de la kvoutsa, j'ai été renvoyée à la lingerie.

Pendant un certain temps, je me suis occupée du plan des demi-journées d'études : hébreu, un peu de Torah, et des cours sur l'organisation économique de la kvoutsa. Je ne sais pas si nous avons beaucoup appris durant ces heures, mais, par la pratique courante avec les ‘haverim, nous avons appris assez rapidement l'hébreu de base.

D'un côté, je sentais ma faiblesse dans les tâches domestiques; de l'autre, j'acceptais le principe de la vie collective, et voulais m'y accrocher.

Pour les petits, Elle et Myriam, l'adaptation n'a pas été facile. Ils sont entrés, tout de suite, au jardin d'enfants, et peu à peu ont appris l'hébreu. Mais Elie, ayant six ans, est entré, en octobre, en kita aleph (cours élémentaire), et du fait de son insuffisance en hébreu, a eu du mal à apprendre à lire.

Myriam est restée une année entière au gan (jardin d'enfants), et n'a pas eu les mêmes difficultés. Au bout de quelques mois, tous les deux parlaient ivrith (hébreu), et ne voulaient plus parler français. Ils ont, très rapidement, logé dans une chambre d'enfants dans la maison voisine ; car Sdé-Ellahou n'avait pas encore réalisé le projet de construire des maisons où les enfants, à partir de trois ans, logeraient dans une chambre à côté de leurs parents.

Nous sommes restés près de deux ans à Sdé-Eliahou. Se sont joints à nous quelques anciens venus avec un groupe précédent, et deux garçons qui avaient fait la guerre d'Indépendance.

La deuxième année, tous les jeunes sont entrés dans le cadre du Na'hal (jeunesses pionnières combattantes), et au bout de quelques mois, sont revenus dans un camp du Na'hal, près de la kvoutsa.

Ils ont rapporté des tas d'expressions de l'armée, des chants nouveaux, bref, une atmosphère plus tsabre's. Ma fille Lia a été choisie pour rester à l'armée, où elle a fait le cours de caporal, puis d'instructrice, et plus tard, est entrée au cours d'officiers.

Entre temps, à Paris, ma belle-mère avait eu un petit accident: elle a reçu une porte d'armoire sur le corps et a eu une fracture du col du fémur. Castor, qui avait pris un visa de touriste, est retourné à Paris, au moment de son opération. Elle est revenue à la maison, et a traîné encore quelques mois ; elle s'est éteinte pendant Pessa'h. Robert est retourné pour l'enterrement et la Shiva (la semaine de deuil).

Alors ma mère lui a déclaré qu'elle ne voulait pas rester seule à Paris, et voulait nous rejoindre en Israël. Je lui ai trouvé à Haïfa, une pension de famille, où on parlait allemand. Elle est arrivée en septembre 1950, et s'est mise courageusement à donner des leçons de français et d'anglais. Elle était assez seule, mais s'était fait quelques relations à Haïfa.

Au bout de deux ans, nous voulions créer notre propre kvoutsa , formée de jeunes francophones, mais le Kibboutz Hadati s'y est opposé, parce que nous n'étions pas assez nombreux, et qu'ils avaient eu des ennuis avec une jeune kvoutsa récemment créée. La direction nous a proposé d'aller renforcer la kvoutsa Nir Etzion, qui manquait de ‘haverim. Elle est située dans un endroit merveilleux, sur le Carmel.

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