Henri et Élisabeth RUDOLPH


La médaille des Justes parmi les nations, délivrée par l'État d'Israël à des non-juifs ayant contribué pendant la guerre à sauver des juifs, sera décernée à titre posthume à Henri et Élisabeth Rudolph, Mosellans d'origine, mercredi 18 mai 2005 au Musée judéo-alsacien de Bouxwiller. Vingt-deux Alsaciens se sont vus décerner jusqu'à présent cette distinction

Henri Rudolph né en 1904 et Elisabeth née en 1910 habitaient Metz avec leurs deux fils Léon et Joseph qui avaient 13 et 14 ans en 1940 lorsque toute la famille quitta la Moselle au moment de l'annexion par les Allemands pour aller s'installer à Paris, 8 cité du Petit-Thouars dans une arrière cour du 3ème arrondissement.

L'appartement des Rudolph commenceà devenir un vrai petit centre d'hébergement au mépris de tous les dangers.
Une cousine Meyer de Metz, née d'un père juif et d'une mère chrétienne vit déjà chez eux : ses parents se sont réfugiés en Ardèche à l'arrivée des troupes allemandes en Moselle, et la mère de la petite Elisabeth pense qu'elle sera plus en sécurité dans sa propre famille, non juive et donc, naturellement, à Paris chez les Rudolph ! Victor Weber, le demi-frère de Henri Rudolph se joint à eux.

Il ont pour voisins deux familles juives. Les Strozevski sont au nombre de trois personnes et les Wieviorka sont sept : les parents et leurs cinq enfants, deux garçons Abi et Meni et trois filles, Anna, Esther et Thérèse.
La famille Strozefski habite dans l'immeuble qui donne sur la rue. Les Rudolph résident dans le fond de la cour intérieure (ce qui existait souvent dans la configuration parisienne).

Lors de la rafle de Juillet 1942, Mme Hélène Strozefski est arrêtée et parquée, comme tant d'autres, au Vélodrome d'Hiver avant d'être envoyée à Drancy et en déportation dont elle ne reviendra jamais.
Son époux Henri Strozefski, qui au moment où la police vient les arrêter, se trouve dans le fond de la courette, réussit à échapper aux policiers en se réfugiant dans l'appartement des Rudolph.
Leur fils Pierre qui se trouve à l'extérieur, est récupéré et ramené également dans la famille Rudolph par Victor Weber, le demi-frère d'Henri.
Ils seront ainsi cachés par M. et Mme Rudolph de juillet 1942 à la fin de la guerre.

Henri et Pierre Strozefski restentdans la famille Rudolph jusqu'à la fin de la guerre. Un cousin menuisier leur aménage spécialement des caches dans les faux plafonds.
Esther demeure chez une tante de Rudolph, une célibataire du nom de Strunck, habitant l'immeuble voisin... avant que celle-ci ne soit déportée à Ravensbrück pour faits de Résistance.

De plus, les Rudolph recueillent une dame juive âgée. Mais ne supportant pas de rester enfermée, cette dernière, sortait nuitamment avec l'étoile jaune et une nuit, n'est pas revenue...

Victor Weber a une petite amie dans le quartier : Esther Wieviorka de quatre ans son aînée et dont les parents plus deux soeurs ont été raflés à Nice.
Toujours aussi naturellement, la famille Rudolph décide donc qu'elle sera plus en sécurité chez eux.
Esther et Victor se marieront après la libération et auront un fils, Jacques.

Que de monde dans ce même appartement qu'il fauit réussir à loger, à cacher au besoin dans les doubles fonds ou de faux caissons, spécialement aménagés, mais surtout il faut nourrir tout ce petit monde, sans avoir suffisamment de cartes d'alimentations.

Henri Rudolph, grâce à une autorisation de circuler la nuit court à nouveau de gros risques de se faire arrêter en allant acheter de la nourriture au marché noir. Dans la cité Dupetit-Thouars, l'atmosphère est angoissante, avec des multiples perquisitions de la police française et de la Gestapo.
Maisà chaque visite de la police, alors même qu'elle sonde les faux plafonds, Henri Rudolph réussit toujours à éviter les drames.

Après la guerre, en épilogue de cette passionnante page d'Histoire, tout le monde se sépare aussi simplement qu'ils s'étaient retrouvés autour des Rudolph. (mais pas vraiment complètement).

Henri Strozefski et son fils ouvriront un petit atelier de confection toujours cité du Petit-Thouars.

Elisabeth Meyer se retrouvera seule et devra travailler dès l'âge de 12 ans.

Léon Rudolph et ses parents resteront quelque temps à Paris, toujours en contact avec Pierre et Henri avant de rejoindre l'Alsace.

C'est à Léon Rudolph, ouvrier du bâtiment en retraite demeurant à Neuwiller-les-Saverne, que la médaille des Justes honorant ses parents, sera remise le mois prochain.
L'été 1999, Léon Rudolph, sort du Musée judéo-alsacien de Bouxwiller qu'il vientt de visiter avec son épouse et raconte à Gilbert Weil, le créateur de ce musée, comment ses parents avaient caché, de la rafle du Vel'd'Hiv jusqu'à la Libération, trois personnes juives.
Après cette conversation, Gilbert Weil décide de constituer un dossier afin de garder en mémoire cet acte de courage. Pour ce faire, il part à la recherche de témoins encore vivants afin de recouper leurs déclarations. Les époux Weil se rendent dans le sud de la France pour retrouver Élisabeth, puis Jacques Weber, le fils né du mariage de Victor Weber et d'Esther. Le contact estt établi à Paris avec son oncle, Meni Wieviorka : durant la guerre, celui-ci était passé en Suisse avec son frère Abi avant de rejoindre la Résistance armée.
Abi Wiervorka est d'ailleurs le père de Annette Wievorka, historienne, chargée de recherche au CNRS, et de Michel Wievorka, journaliste. Meni confirme que les soeurs d'Esther, leurs maris ainsi que les parents ont disparuà Auschwitz.
Retrouver les traces des autres réfugiés, le père et le fils Strozevski, un patronyme au départ mal orthographié, a demandé beaucoup de recherches à Gilbert Weil.


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