A l'écoute d'André Neher
EXPOSITION ET CREATION AUDIO-VISUELLE
Au Musée judéo-alsacien de Bouxwiller
Eté 1999

LA SHOAH

Textes de la création
audio-visuelle :
Les prophetes
La Shoah
Jerusalem
Montage à partir
d'enregistrements
réalisés par des
amateurs, lors de
cours, conférences,
colloques... entre
1962 et 1969

Conception, direction
de la réalisation :
Gilbert Weil
Création visuelle de
Etienne Bertrand Weill
Musique originale de
Patrick Ayache
avec le concours de
Renée Neher-Bernheim

Il y a quelque chose dans l'Aquéda qu'il n'y a pas dans le livre de Job : il y a un Happy End. Il y a ce fait que, après les trois jours de silence, quand Abraham s'apprête à sacrifier Isaac, un ange surgit, un ange répond du ciel et dit: "Arrête le bras d'Abraham", et Isaac est sauvé.

Job, vous connaissez son aventure. Il perd, au début de son Livre, sept fils et trois filles, tous ses enfants, en un seul jour! A la fin de son Livre, ce que nous pensons être un Happy End, une guéoula, une catharsis : il y a d'autres enfants. Mais les enfants qu'il a perdus au début, ceux-là, il les a perdus. Pour ceux-là l'ange n'est pas venu; pour ceux-là aucun ange ne viendra et ne les redonnera à Job.

C'est cela notre situation dans la Shoah : la situation de Job. Non pas la situation d'Abraham et d'Isaac revenant dans la joie à Beer-Shéva, la situation de Job reconstruisant une nouvelle vie avec "d'autres" enfants, mais gardant en nous la blessure incurable de la perte de nos six millions d'enfants; et pour parler d'enfants, d'un million et demi d'enfants, des enfants du jeune âge, qui ont péri dans la Shoah.

J'ai dit tout-à-l'heure, au début, en lisant la Aquéda, on se demande : "Que serait-il arrivé si l'ange était venu en retard? " Eh bien, durant la Shoah, l'ange est venu six millions de fois en retard ! L'ange est venu six millions de fois en retard, et cela nous lance, à nous, hommes juifs, le défi de ne pas venir en retard.

Le Statut des Juifs avait été promulgué le 3 octobre, et il est venu à exécution le 20 décembre 1940. Le gouvernement de Vichy excluait, révoquait de leurs fonctions, excluait de la société, marquant du signe de parias, de proscrits, tous les fonctionnaires. Si tous les professeurs, si les magistrats de France, si les officiers de France, si tous les fonctionnaires avaient, à ce moment - et c'était parfaitement possible - donné leur démission, si au moins une immense majorité avaient donné leur démission, cela ne se serait pas passé comme ça ! Les Allemands n'étaient pas encore assez forts, à ce moment, en France, dans la zone libre, pour imposer leur volonté si il n'y avait pas eu, à ce moment, le silence des hommes.

Lorsqu'il y a silence des hommes et silence de Dieu, l'un face à l'autre, lorsque Dieu se retire, Tsimtsoum de Dieu, et lorsque les hommes se retirent aussi au lieu de prendre la place laissée vacante par Dieu, lorsque les deux se retirent, alors il y a un vide, un "vacuum", un trou. Et dans ce vide peut s'infiltrer le Satan, le Satan du livre de Job, le Mal, le Mal absolu.

Vous devinez quel est le défi que nous lance la Shoah. Si Dieu se retire, l'homme doit avancer. L'homme, en aucun cas, n'a le droit de laisser se creuser ce trou, de laisser se creuser ce vide. L'homme doit agir doublement.

La Shoah a été impensable. La formule est que la Shoah était impensable. Elle n'est pas im-pensable, elle est in-com-pensable, il n'y a pas de compensation à la Shoah.

Il y a un rapport entre l'Etat d'Israël et la Shoah. C'est au niveau de la mémoire. C'est parce que le peuple juif jamais n'oublie Jérusalem, que Jérusalem a pu être reconstruite comme capitale de l'Etat d'Israël après la Shoah, non pas comme compensation, mais comme fruit simultané de la présence juive à l'histoire.

Vous connaissez la phrase du Deutéronome dans la Torah : "Voici, J'ai placé devant toi la vie et la mort, le bien et le mal. Choisis la vie !"

Eh bien, c'est ça le choix où nous étions placés dans la Shoah, au lendemain de la Shoah. Nous nous demandons souvent comment nous avons pu, pendant la Shoah, conserver la émouna, conserver la foi, conserver la croyance; comment, au lendemain de la Shoah, au lieu de choisir l'absurde et le désespoir, nous avons choisi la foi, nous avons choisi l'action.

Nous avons choisi la vie.

Texte de la création audio-visuelle. Musée Judéo-Alsacien de Bouxwiller. Eté 1999.

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