Continuité de l'histoire d'Israël à travers les siècles


La Bible a pour soutien l’inspiration prophétique. Lorsque celle-ci s’éteint, celle-là touche à ses bornes. Désormais, pour n’être plus prophétique, la vie du peuple d’Israël n’est plus biblique. C’est une toute nouvelle période qui commence dans l’histoire d’Israël. Est-ce à dire que cette nouvelle période est sans rapports avec la précédente, qu’une rupture absolue s’opère entre les deux et qu’il est radicalement inexact d’employer le terme de biblique pour une histoire qui désormais n’est plus transcrite dans la Bible ? Certes non. L’époque du second retour est là pour attester cet autre grand fait dominant les dernières années de l’histoire biblique et qui est celui de la continuité de l’histoire d’Israël à travers toute son étendue. Car s’il est exact, en un certain sens, que l’époque d’Ezra et Néhémie est en dehors de la perspective biblique parce qu’il lui manque d’être animée du souffle prophétique, il n’en est pas moins vrai, en un autre sens, que cette époque est biblique, puisque l’histoire en est relatée encore dans la Bible. Le paradoxe de l’inscription dans les limites bibliques d’une période où l’avancement de l’histoire ne se fait, semble-t-il, que par initiative humaine, où des hommes tels qu’Ezra et surtout Néhémie ne peuvent et ne doivent compter que sur eux-mêmes, sur leur propre intelligence et leur propre volonté, où, par conséquent, toutes les choses se passent comme si le monde n’avait plus besoin de l’intervention divine qui, naguère, se manifestait d’une manière si généreuse et aussi si contraignante et absolue, ce paradoxe, c’est le secret même et la caractéristique intime de l’histoire d’Israël. L’époque du second retour est, dans les dernières pages de la Bible, l’attestation de la nature éternellement double de l’histoire d’Israël. Celle-ci, dans tous ses cheminements, même les plus terrestres, est biblique, parce que, sous une forme ou sous une autre, mais d’une manière toujours réelle, le Divin et l’Humain y cheminent de pair, s’y côtoient, s’y rencontrent...

Yad (Deiter) - Main indicatrice pour la lecture de la Torah ; Durmenach, 1893. Graveur : A. Meyer. Collection Famille Gross, Tel-Aviv.
Yad

Entre la Bible et les Juifs s’établit une histoire qui n’est en rien différente de l’histoire biblique de l’époque prophétique. Elle est, elle aussi, alliance et dialogue, et, dans l’existence vécue par les hommes, expérience d’Eternité. Si l’on cherchait un exemple historique pour illustrer cette attitude, on n’en trouverait pas de meilleur que celui d’Ezra et Néhémie. Ces hommes, - bibliques parce qu’ils sont dans la Bible, non-bibliques parce qu’il ne vivent plus en climat prophétique - ces hommes, nous l’avons dit, resentent dans la Bible le tout de leur destinée. Elle n’est pour eux ni une annonce, ni une référence, mais l’inspiratrice absolue de leur vie...

L’âme religieuse juive, forgée par Ezra et Néhémie, a conscience du face à face avec Dieu. Pour elle, la Bible n’est pas seulement une Thora écrite, car tout écrit risque d’être muet, mais aussi une Thora orale, une Parole sonore, concrète, historique, qui s’adresse à l’homme et cherche à s’entretenir avec lui. Selon la tradition talmudique, Ezra et Néhémie sont les premiers Pharisiens. A la frontière de l’histoire biblique ils apparaissent, en effet, comme les initiateurs d’un grand mouvement de judaïsme authentique qui, à travers l’histoire ultérieure d’Israël, voit dans sa propre existence le lieu de la rencontre vivante entre la Bible et les hommes, et, par là-même, le fondement et le témoignage du dialogue éternel entre Dieu et le Monde.

Extrait de : Histoire biblique du peuple d’Israël (en collaboration avec Rina Neher-Bernheim), pp. 656-660, éd. Adrien Maisonneuve 1962 ; dernière réédition : 1996.

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