Les mémoires de Josselman de Rosheim

Biographie

C'est au seizième siècle qu'apparaît, en Pologne et en Allemagne, le Chtadlan, ou représentant officiel de la communauté juive auprès des pouvoirs civils. Le plus célèbre des Chtadlanim fut sans doute Josselman de Rosheim.
Il naquit à Mittelbergheim, en Alsace. En 1510, il devint le chef des communautés juives d'Alsace. Bientôt il est le Parnass ou Manhig des Juifs de l'Allemagne tout entière. Le titre de gemeiner Judishheit Befehlshaber in Teutschland lui fut reconnu. Il était tenu en très haute estime par les empereurs Maximilien et Charles Quint, devant lesquels il défendit souvent la cause de ses frères persécutés. L'Allemagne était alors déchirée par la Réforme de Luther, et les Juifs jouaient trop souvent le rôle de boucs émissaires. Josselman mourut à Rosheim, en 1547.
Vers la fin de sa vie, il rédigea ses mémoires. L'original hébreu est conservé au British Museum (catalogue Neubauer 2206). Le texte en a été publié par J. Kracauer, dans la Revue des Études Juives, tome XVI, 1888, pp. 85-95. Notre traduction a été faite à partir de ce texte.
Simon SCHWARZFUCHS



Josselmann sur une peinture murale de l'Office du Tourisme de Rosheim

5231 des hommes cruels sortirent d'Endingen (Bade) et capturèrent mes trois oncles, frères de mon père, de mémoire bénie. Ce dernier parvint à s'échapper avec l'aide de D. Les hommes cruels torturèrent mes oncles et les contraignirent à avouer ce qui n'était pas ils furent brûlés vifs et sanctifièrent le Saint Nom. Les martyrs de Pforzheim furent également brûlés à cette époque. Quant au frère de mon beau-frère, il mourut sur la roue, à Haguenau. Que D. veille sur leur âme, au jardin d'Eden. Amen.

5236 le malheur s'abattit sur les Juifs d'Alsace, ainsi qu'il ressort d'une note que j'ai copiée dans un livre de prière que je trouvai à Wurzburg. J'ai lu ce qui suit : En 5237 (1477), au mois de Tammouz, un prêtre vint à moi de Colmar et me montra ce livre. Il m'expliqua qu'il l'avait obtenu lorsque le duc de Bourgogne (Charles le Téméraire) combattait le duc de Lorraine, et prenait la ville de Nancy (novembre 1475). Les Suisses, qui étaient à la solde du duc de Lorraine, et leur alliés alsaciens résolurent de massacrer tous les Juifs qui se trouvaient en Alsace. Ils massacrèrent de nombreux Juifs, en exilèrent d'autres, et contraignirent le reste à apostasier. Partout, ils pillèrent et volèrent. J'ai donc acheté ce livre et donnai au prêtre huit pièces d'argent et trois livres des Gentils. Si le propriétaire de ce livre se fait reconnaître de moi, je lui rendrai son bien en échange de la somme déboursée. Ainsi ai-je fait, moi, Jacob ben Isaac de Nuremberg.

Me trouvant à Wurzburg pour défendre mes frères injustement accusés d'avoir provoqué la mort d'un enfant trouvé noyé, j'ai trouvé ce livre. Je résolus alors de consigner par écrit ce que mon père m'avait raconté au sujet de cette persécution. Lui et ma mère, ainsi que leurs enfants, s'enfuirent d'Obernai et se réfugièrent dans les châteaux de Baren et de Lutzelheim, où ils passèrent une année entière, souffrant de la faim et de la soif. Les assassins tuèrent nos frères de Sélestat, Bergheim, Kaisersberg, Kestenholz, Ammersweiler, Durkheim, Colmar et Ensisheim, menaçant de noyer ceux qui ne se convertiraient pas. Mon père m'a raconté que soixante âmes, hommes et femmes, défièrent l'épée et l'eau et sanctifièrent le Nom Saint. Seuls, six hommes apostasièrent ; par la suite, ils revinrent tous à leur foi, sauf un certain Raphaël qui mourut à Colmar. Il était d'ailleurs quelque peu hérétique, ce qui explique que D. ne lui accorda point de faire pénitence. (C'est de ma belle-mère que je tiens ces renseignements.)
Mais ce n'est pas tout : le massacre fut suivi d'un froid intense, et les Juifs, qui s'étaient réfugiés dans des cavernes, furent obligés d'en sortir et de descendre dans la ville de Durckheim. Des délateurs les dénoncèrent et quatre-vingts de nos frères se préparèrent à la mort. Ils implorèrent le Seigneur, qui vint à leur aide. Le général annonça qu'il leur accordait la vie sauve contre paiement de huit cents florins avant le lendemain midi. Or il n'y avait plus qu'un Juif dans le pays : Juda Bamis de Mulhouse. Tous les autres Juifs avaient disparu. Les uns étaient morts, les autres exilés : tous avaient perdu leurs biens. Lorsque cet homme juif apprit la mauvaise nouvelle, il déchira ses vêtements, se revêtit d'un cilice et couvrit sa tête de cendres. Il rassembla tous ses biens et envoya son serviteur Mardochée avec le prix du sang: 800 florins. Ce dernier ne put arriver avant l'expiration du délai. Les Juifs avaient été attachés deux par deux. Les vêtements de Banet, le premier, lui avaient déjà été arrachés, et le bourreau s'apprêtait à le décapiter, lorsque la puissante voix de Mardochée se fit entendre : « Ne touche pas à ce Juif, car j'apporte la rançon. » Les officiers prirent l'argent et envoyèrent les captifs à Juda Bamis. (Quant à ce Banet qui faillit mourir, il resta muet plus de six mois avant de retrouver la parole.) Leur bienfaiteur pourvut à leurs besoins, et ils ne le quittèrent qu'une fois les
L'empereur Maximilien
(1459-1519)
bandes dispersées. Quant à la descendance de cet homme juste, elle fut prospère et respectée (Mon neveu, fils de ma sœur, Isaac ben Ichiel Bamis, descend de cette famille)…Par la suite, D. se vengea de ceux qui avaient versé le sang de ses serviteurs.

5263 de longues guerres opposèrent notre maître, l'empereur Maximilien, au duc de Heidelberg. Au cours des combats, tous nos biens furent pillés, et nous perdîmes 400 florins. Il me resta à peine quelques effets, des créances et 101 florins. Que D., qui m'a permis de nourrir mua famille jusqu'à présent, continue à m'accorder son soutien.

5266 les bourgeois d'Oberenheim obtinrent de l'empereur la permission d'expulser les Juifs et de leur interdire tout passage sur leur territoire. Ils faillirent tuer un Juif aux portes de la ville. Ils massacrèrent Jacob ben Juda halevi et attaquèrent les Juifs sur les routes. En fin de compte, les Juifs furent obligés de faire un détour autour de la ville et ne purent plus la traverser.

5270 je fus nommé, avec Rabbi Zadoc et quelques autres, chef des communautés. En cette année, 38 de nos frères montèrent sur le bûcher, à Berlin.
En cette même année, des renégats apparurent parmi nous, qui résolurent de détruire la Loi écrite. Mais D. suscita un miracle, et des sages chrétiens vinrent à notre secours et défendirent notre loi. Les Juifs de Francfort dépensèrent de grandes sommes pour cette noble cause.

5274 je fus arrêté avec sept Juifs de Mittelberghen, à la suite d'une accusation de meurtre rituel. Nous fûmes enfermés dans deux cachots d'Oberenheim. Au bout de sept semaines, notre innocence fut reconnue. Loué soit D. qui ne renonce point à son amour.

5275 je fus envoyé chez l'Empereur, qui se trouvait alors à Coblence, car la ville d'Enheim, les seigneurs d'Andlau et l'évêque de Strasbourg avaient résolu de nous expulser d'Alsace. Je dus faire ce voyage à cheval, deux ou trois fois. Nos ennemis prirent peur et tentèrent de se justifier. L'évêque de Strasbourg et les seigneurs d'Andlau firent un compromis avec nous. Mais les représentants de la ville d'Enheim ne comparurent point au jour fixé par l'empereur pour plaider, sur quoi nous touchâmes des dommages.

5279 l'empereur mourut. Immédiatement, les Juifs furent expulsés de Ratisbonne. La famille Auerbach trouva protection auprès du duc de Bavière. A cette époque, les habitants de Dangolsheim résolurent d'expulser leurs Juifs. Ainsi fut fait le 1er Adar 5279. Aussitôt les villages voisins voulurent imiter leur exemple. Mais l'Eternel donna un esprit de sagesse au bailli de Haguenau et à l'évêque de Strasbourg qui voulurent bien m'écouter. Je me rendis à Dangoisheim avec le bailli, et ils abandonnèrent leur projet. Par la suite, ils voulurent y revenir, et le bailli les menaça grandement. N'étaient ces menaces, tous les Juifs de la vallée du Rhin
Charles Quint
(1500-1558)
auraient souffert.

5280 notre empereur Charles Quint fut couronné : je me présentai devant lui et obtint qu'il renouvelât tous les privilèges de nos frères d'Allemagne. Cependant, la même année, un édit d'expulsion fut pris contre les Juifs de Rosheim et ceux de la prévôté de Kaisersberg. J'obtins de l'empereur qu'il annulât l'ordre d'expulsion de la prévôté de Kaisersberg, mais n'arrivai à aucun résultat en ce qui concerne nos frères de Rosheim. Nous avons obtenu délai après délai, mais la question est toujours en suspens. Plaçons notre confiance en D. qui nous sauvera de nos ennemis.

5282 je dus me rendre à Nuremberg, pour m'occuper des affaires d'un certain Juif. Je profitai de l'occasion pour me plaindre des agissements de la commune d'Enheim. J'obtins que l'abbé de Wissembourg fût nommé commissaire pour écouter les plaintes des deux parties et les envoyer au Parlement. Grâce au bailli, un accord fut conclu, et les portes de la ville nous furent ouvertes, conformément aux engagements qui avaient été pris.

5282 les paysans se révoltèrent en Allemagne. En Alsace, ils résolurent de nous massacrer. Le massacre avait déjà commencé, lorsque je pus rencontrer les chefs de l'insurrection au couvent d'Altorf : je réussis à les convaincre de renoncer à leur plan, et ils envoyèrent des lettres à cet effet dans toutes les provinces du pays. Ils ne tinrent cependant pas leurs promesses. Nous fûmes sauvés lorsque le duc de Lorraine les vainquit et décima leurs troupes.

5288 la municipalité de Haguenau obtint de Ferdinand, frère de l'empereur, un arrêt d'expulsion contre tous les Juifs de la province, et ce contre l'avis du bailli. Ils publièrent les édits de l'empereur, que l'on appelle "Ordnungen" , et
Ferdinand, frère et successeur de Charles Quint (1503-1564)

annoncèrent le début de l'expulsion. Mon cheval étant blessé, je dus partir à pied à la recherche de Ferdinand, que je finis par trouver à Prague. Je me présentai devant lui et, avec l'aide de D., trouvai un accueil favorable. Il annula son ordre et confirma les droits traditionnels des Juifs. (Quoique j'eusse reçu l'autorisation de débourser 300 florins au cours de ma mission, je n'en dépensai que 40.) Mais nos ennemis ne renonçaient pas: ils tentèrent de susciter une hostilité nouvelle à notre égard. D. envoya les anges de destruction et trois d'entre eux moururent subitement de maladie. Le quatrième, qui venait de la seigneurie de Hochfelden, fut capturé par ses ennemis qui le mirent à mort. « Et le pays fut paisible jusqu'à ce jour. »

5289 36 de nos frères et de nos sœurs de Bösingen, injustement accusés de meurtre rituel, montèrent sur le bûcher et moururent en martyrs le 13 du mois de Sivan. A la même époque, les Juifs de Moravie furent arrêtés pour la même raison, et je dus apporter à Gunzbourg tous les privilèges des papes et des empereurs. J'en composai une plaidoirie que j'envoyai à l'empereur qui reconnut notre droit. Les captifs furent libérés.

5290 une rumeur franchit les frontières: nous fûmes accusés de trahison au profit des Turcs. A tel point qu'on voulut nous expulser de nombreux pays. Avec l'accord des communautés, j'envoyai un placet à l'empereur, qui se trouvait à Innsbruck, et nous trouvâmes grâce à ses yeux.

En cette même année 5290 (1530), tous les princes des peuples se réunirent et décidèrent d'abolir le prêt à intérêt. Je m'opposai à cette mesure et obtins de l'empereur qu'il renouvelât les privilèges de l'empereur Sigismond. Ainsi se tut la bouche des accusateurs.

5291 nos ennemis suivirent l'empereur en Brabant et en Flandres, pays où il n'est pas de Juifs. Je résolus de suivre l'empereur afin de défendre notre cause. Je residai à la cour du 1er Adar au 1er Sivan, malgré les menaces continuelles du général Ruthard, un ange de D. me protégea de tous mes ennemis. Je parvins enfin à parler à l'empereur qui me reçut favorablement. C'est au cours de mes loisirs que j'écrivis alors mon livre Derek hakodech. C'est ainsi que je mis à profit mon isolement.

5292 je dus me rendre auprès de l'empereur, à la diète de Ratisbonne, afin d'y défendre mon peuple. D. écarta de nouveau les intentions mauvaises des princes qui prétendaient nous défendre le prêt à intérêt. C'est à ce moment qu'arriva le prosélyte Salomon Molcho qui venait annoncer à l'empereur qu'il allait lever une armée juive pour combattre le Turc. Lorsque j'eus vent de ses projets, je lui écrivis pour l'en dissuader, car je craignais le pire. Je quittai Ratisbonne afin d'éviter que l'empereur ne m'accusât de partager ses idées. Dès son arrivée, Molcho fut mis aux fers et conduit à Bologne, où il monta sur le bûcher en sanctifiant le Nom Saint. Nombreux furent ceux qu'il arracha du péché. Que son âme repose en Eden!

5293 nos frères de Silésie furent emprisonnés à la suite d'une accusation de meurtre rituel. En compagnie de Rabbi Liberman, je dus me rendre à Schwabach et à Anspach afin d'obtenir leur libération. Cependant, le parnass et deux ou trois autres Juifs montèrent sur le bûcher. Par la suite, les autres furent reconnus innocents et mis en liberté. Je dus cependant verser plus de 600 florins au margrave Georges pour qu'il consentît à reconnaître leur innocence.

93-95 nos frères de Barbarie (Tunisie) souffrirent grandement car l'empereur attaqua leur pays. Il prit Coron et Patras où de nombreux Juifs furent, ou bien tués ou bien faits prisonniers. Nos frères d'Italie demandèrent notre aide pour les racheter et tous les Juifs d'Alsace s'imposèrent une taille de 1/4 de florin par 100 florins de fortune. Cependant, nous ne pûmes faire parvenir notre contribution aux intéressés, et je décidai alors de l'utiliser pour la défense de nos frères d'Allemagne et, en particulier, de ceux de Prague.

5297 l'électeur Jean-Frédéric de Saxe, sur les instigations du prêtre nommé Martin Luther, résolut de chasser les Juifs. C'est ce même Luther qui a écrit de nombreux livres contre nous et qui a proclamé que quiconque portait aide aux Juifs perdait sa part du monde futur. En vérité, il a rendu notre situation très périlleuse. Je me munis donc de lettres de divers savants chrétiens -        dont certains de Strasbourg - et partis en Thuringe à la recherche de l'électeur. Je ne l'y trouvai point car il s'était rendu à Francfort-sur-le-Main avec les autres électeurs, dont celui de Brandebourg qui désirait également expulser ses Juifs. En présence de nombreux savants chrétiens, j'entrepris de réfuter les arguments de Luther et de Martin Butzer (de Strasbourg), et je fus écouté favorablement. Un miracle se produisit alors : on apprit à ce moment que les 38 Juifs qui avaient été brûlés à Berlin, en 5270 (1410), étaient innocents. Le voleur de l'ostensoir avait avoué son crime, mais l'évêque, homme inique s'il en fût, avait interdit au confesseur du duc Joachim I de révéler la vérité à son maître. Sur quoi les ducs renoncèrent à leur projet d'expulsion. Tous, y compris le duc Joachim III, tinrent leur promesse. Seul l'électeur de Saxe nous trahit et nous causa un grand tort. Il en fut puni.

5301 je me rendis à Ratisbonne pour obtenir quelques privilèges de l'empereur. La situation de nos frères de Naples était très mauvaise à cette époque, et la communauté de Rome venait d'envoyer un émissaire du nom de Salomon Rom. Il était venu intercéder en faveur des expulsés, mais l'empereur lui ordonna de se taire sous peine de mort. Il put cependant obtenir un court délai, grâce à l'intervention de certains dignitaires.

5302 les Juifs de Bohême et de Prague furent soumis à de nombreuses épreuves et expulsés. Avec d'autres gens de bien, je me rendis devant le roi, à Prague, et obtins son aide. Je pus me réjouir de voir les expulsés rentrer dans leur foyer et rebâtir les ruines. Le 1er Tammouz 5307 (1547), je me trouvai à Prague et j'appris que les querelles avaient repris. Je leur prêchai la concorde et ils me promirent de revenir sur le chemin de la vérité et de la paix.

5304Cinq juifs - un homme, trois femmes et une jeune fille - furent accusés de meurtre rituel d'un enfant. Ils furent longuement torturés et faillirent mourir. Mais ils n'avouèrent point ce qui n'était pas. Pendant un mois, en compagnie de Rabbi Selkelin et de Rabbi S., le présentai, à Wurtzburg et à Spire, les lettres de l'empereur. Après de nombreuses dépenses, les accusés furent reconnus innocents et libérés. La jeune fille avait sanctifié le Nom Saint en résistant aux tortures pendant 32 semaines. Loué soit D. qui les a sauvés !

5305 L'empereur Charles Quint envahit la France à la tête d'une puissante armée et arriva près de Paris. Sur son ordre, les Juifs d'Allemagne furent imposés afin de subvenir aux besoins de la campagne. Nous dûmes verser 3.000 florins - à 15 batzen le florin - 400 couronnes et un don supplémentaire de 1.000 florins. Nous imposâmes chaque Juif à raison de 3/4 de florin pour 100 florins de fortune. J'étais alors à Worms, car certains ducs avaient à nouveau proposé d'expulser les Juifs. Cependant un seigneur, homme intègre, s'éleva contre la proposition : les Juifs, déclara-t-il, avaient toujours été tolérés car ils constituaient une preuve vivante de la passion. Ils renoncèrent à leur projet. Cependant les Juifs furent expulsés de Mayence, Landau et Ensingen.

5306 l'empereur se rendit à Ratisbonne, où il convoqua tous les ducs. (Tous vinrent, sauf deux, les ducs de Saxe et de Hesse, qui lui résistèrent pendant quelques années.) J'entrepris alors d'obtenir de nouveaux privilèges, plus favorables que les précédents. L'empereur et ses conseillers m'avaient d'ailleurs déjà donné des assurances à ce sujet à Spire ; je leur rappelai leur promesse. Les nouveaux privilèges furent alors signés par l'empereur et scellés de son sceau. L'empereur décida de lever une armée et de combattre les rebelles : il appela des troupes espagnoles qui maltraitèrent les Juifs. Le chancelier Granvella se fit notre interprète et déclara à l'empereur ce qui suit :
« Les Juifs ont déjà grandement souffert des attaques des Luthériens, et maintenant tes troupes espagnoles ne respectent pas les nouveaux privilèges que tu viens de leur accorder. » L'empereur interdit de nous nuire et menaça les contrevenants de fortes amendes. Il décréta la peine de mort contre les indisciplinés. Les Espagnols revinrent immédiatement à de meilleurs sentiments. Les Juifs fournirent alors plus de cinquante chariots de pain et de vin pour les subsistances de l'armée. Alors que les deux rebelles avaient levé beaucoup plus de 100.000 cavaliers et soldats, l'empereur ne disposait que de 40.000 fantassins et 40.000 cavaliers; cependant D. le soutint, et il captura les deux rebelles. Quant à nous, la nation juive, nous récitâmes, à Francfort, des actions de grâces et remerciâmes D. de l'aide qu'il avait accordée à l'empereur. En vérité, D. avait accompli un grand miracle, car au cours de toute cette année 5307 (1547), malgré les grands mouvements de troupe, aucune victime juive ne tomba.

5307 l'empereur dépêcha une armée de 20.000 hommes contre la ville de Francfort. Il ordonna de la ménager si elle acceptait ses conditions. La communauté juive me demanda d'intervenir auprès du comte de Buren, le commandant des assiégeants. La ville ouvrit ses portes au comte et à ses troupes. J'apportai un cadeau de 800 florins d'or au comte, qui garantit la sûreté de la communauté juive. Nos frères rachetèrent le butin fait à Feuchtwangen et à Darmstadt, et firent de grands profits (rentrant ainsi dans leurs frais).

fin



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