Mémoire de la Shoah à Alençon
par Herbert Friedemann



Edith Bonnem et sa famille

Il y a un peu plus d'un an, nous avions publié sur ce site un article, assorti d'extraits d'un Journal, tenu à Alençon durant les six premiers mois de l'année 1942, par Ida Kahn, peu avant d'être déportée. L'article avait recueilli des échos dont l'un mérite d'être particulièrement relevé.

Celui de M. Matthieu Le Goïc de la Direction des Archives et des Biens culturels de l'Orne qui nous a écrit (et nous soulignons ici le rôle primordial joué par le site de notre ami Michel Rothé), les lignes suivantes : "Je vous écris après avoir pris connaissance sur le site du Judaïsme d'Alsace, de la présentation que vous avez faite du Journal de votre Grand-mère. Nous avons été saisis d'une demande de recherche par une classe de seconde du Lycée Marguerite de Navarre, à Alençon, qui souhaite travailler, dans le cadre de travaux exploratoires de "littérature et société", sur l'histoire d'Edith Bonnem, petite fille d'Ida Kahn, déportée en 1942, depuis Alençon, à l'âge de 15 ans. Le projet mêle histoire (documents originaux) et œuvres littéraires sur la question de la déportation. Un voyage des élèves de cette classe à Auschwitz est envisagé dans ce cadre. Les Archives départementales ont donc été sollicitées pour nous fournir une documentation sur ce sujet …Nous ne connaissions pas le Journal d'Ida Kahn, un témoignage exceptionnel à bien des égards pour l'histoire de la ville d'Alençon et du Département de l'Orne …."

Il s'en est suivi durant toute l'année, avec M. Le Goïc, une correspondance, passionnante et souvent émouvante : échanges et envois de photos, de documents d'archives de provenances diverses, de lettres, de certificats, de procès-verbaux dont, pour la plupart, la famille n'avait jamais eu connaissance. Ci-dessous notre article publié, précédemment et en partie, dans Actualité Juive du 21 Mai 2015.

Avril 2015 … Trente-quatre élèves de seconde littéraire du lycée Marguerite de Navarre d'Alençon ont étudié, en option "littérature et société", la période de la Shoah, sous la direction de leurs professeurs de lettres et d'histoire-géographie, Mmes Le Goïc et Dewaele, Mrs Cheminel et Bedat. Ils ont pris comme point de départ, l'histoire d'une élève de leur établissement : notre cousine, Edith Bonnem, née le 15 mai 1927 à Merzig ( Sarre) , arrêtée à Alençon le 13 juillet 1942, déportée dans le convoi n° 14 du 3 Août, décédée à Auschwitz le 7 août 1942, et dont le souvenir est rappelé par une plaque commémorative apposée dans l'enceinte du Lycée.

A partir de cette histoire particulière d'une enfant de leur âge dans la tourmente, les lycéens, après un voyage à Auschwitz au mois de janvier, ont étudié les différentes étapes de la persécution des Juifs par les nazis et les autorités françaises de l'époque : destitution des fonctionnaires juifs, renvois des élèves, confiscation des postes de T.S.F., port de l'étoile jaune, aryanisation des entreprises, tampon JUIF sur les papiers d'identité, cartes de ravitaillement etc….

Les élèves ont ensuite étendu leur étude à l'ensemble des membres de la famille d'Edith demeurant comme elle à Alençon : parents, grands-parents, frères, oncles, tantes, cousins, dont seuls ceux qui avaient quitté cette ville avant juillet 1942, ont survécu, et encore, pas tous, malheureusement. Les parents d'Edith, deux frères et trois grands parents seront déportés.
L'histoire tragique d'une enfant juive dans la Shoah est devenue progressivement pour les adolescents, celle de toute une famille dans la tourmente.

Le fruit de ce travail d'une année - ayant bénéficié de l'aide précieuse et dévouée de l'archiviste, Monsieur Le Goïc, qui les a guidés dans leurs recherches et leur a donné accès à nombre de documents officiels de l'époque - fait actuellement l'objet d'une exposition ouverte au public dans le cadre du lycée, exposition qui sera probablement transférée de façon permanente, au Centre Social Edith Bonnem, place Edith Bonnem à Alençon.

Cette exposition, dont nous ne pouvons que recommander la visite, se compose d'une vingtaine de panneaux regroupant par thèmes, des documents et des photos de l'époque, les travaux proprement dits des élèves sur les thèmes retenus, ainsi que les histoires particulières de chacun des membres de cette famille : les déportés aussi bien que les quelques survivants et ce, depuis 1935, date de leur arrivée en France venant d'Allemagne, jusqu'en 1945. En complément de l'exposition proprement dite, un petit film sur cette période a été réalisé.

Nous avons pu nous entretenir avec les lycéens et leurs professeurs ainsi qu'avec M. Le Goïc, lors de notre visite de l'exposition et nous avons été frappés de la somme d'efforts fournis par tous pour la réussite de ce projet. Plusieurs élèves, dans le cadre de leur recherche, nous ont confié avoir même écrit à la mairie d'Alençon pour demander que certaines inscriptions soient rajoutées ou corrigées sur le monument aux morts de la ville. Ce qui semble prouver qu'une histoire personnalisée, intégrée au tragique de cette période noire, a peut-être plus d'impact sur les jeunes générations, qu'une chronique sur fond de statistiques, aussi effroyables qu'elles puissent être.

Nous nous devons de souligner que l'ensemble de ce passionnant travail ainsi que l'exposition qui en a résulté ont bénéficié du partenariat du Rectorat de Caen, du Conseil Régional de Normandie et du Mémorial de la Shoah.


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