Le bloc-notes aux retombées "coronariennes"
(juin 2020)
Joë Friedemann

Aurais-je pris goût à l'exercice ? Laisser courir ce qui me sert de plume, au gré del'imagination, et des événements dont la réalité ambiante nous inonde quotidiennement ? L'inspiration du moment, nourrie par les lectures,les médias et les réseaux sociaux,y participent allègrement ... Un souci marque une fois encore la raison de ces quelques libelles : éviter, autant que possible la parole codifiée, ou plus prosaïquement, ce phénomène agaçant en diable, qui a pour nom "langue de bois", et dont sont friands certains, professionnels du verbe et intéressés politiques de tous bords.Si l'intention paraît respectable, la récolte dépassant les prévisions, il faut souhaiter que les personnes visées n'en soient pas outre mesure affectés....Et même, si elles l'étaient !...L'essentiel, n'est ce pas, restant le but à atteindre.Sous une apparence badine de préférence, pour ne pas risquer la bastonnade, ou être un jour menacé d'être embastillé.

2 juin
Les surprises ne manquent jamais ! Cinq ou six grandes pages dans un journal à gros tirage en fin de semaine (1), plus une immense photo, style Joconde, de l'inénarrable Miri à l'appui, et des accusations imperturbables et tirées à bout portant, à qui veut,ou plutôt, ne veut pas les entendre!.... Vous ne le croirez pas, même le Président de l'Etat n'a pas été épargné... Serait-ce que notre sirène nationale appréhende plus que toutde se voir effacée de la mémoire de ses fans et "rahmanalitzlan", des rangs du gouvernement ?
Rien à craindre. Dans le règlement des Sages de notre pays,aucune ordonnance n'implique que l'on puisse exiger d'un prétendantà un poste de responsabilité officielle, quoi que ce soit, en matière de compétenceet de bonne foi !!!... Aucune clause expresse,sinon celle inscrite virtuellement entre les lignes du Takanon, comme l'avait suggéré naguère le poète : "Avoir un roseau dans la colonne vertébrale .Quelle source de fortune !" A la réflexion, qui a jamais prétendu que pour s'occuper de culture, de transports, voire un jour, de politique étrangère au plus haut niveau, il fallait être diplômé de Polytechnique ?... Pas moins... Si tel était le cas, risquons une conjecture, il n'y aurait sans doute pas grand monde pour se presser au portillon.

14 juin
N'allez pas me reprocher de dépasser les limites du loisible... Mais le bon docteur Pangloss avait déjà prouvé, au temps de Candide, qu'il n'y a pas d'effet sans cause, et que dans le meilleur des mondes possibles, les prétextes à étonnement, venant des hautes sphères, avaient certes pour origine un quota non négligeable de "raisons suffisantes". Dont, en effet,il n'est pas question de ne pas parler.
Pour exemple , cette lettre peu amène qui vient d'être envoyée par un ou plusieurs délinquants"présumés", à une juge de la Cour suprême. Toute menace, sous quelle forme que ce soit, est évidemment intolérable. Elle ne peut laisser aucun d'entre nous impassible. Preuve en est, une fois n'est pas coutume, la réaction de notre premier ministre qui demandera aux instances adéquates, de répondre "beéfess sovlanouth" [sans tolétance aucune] à ces malotrus, prêts à "dépasser la ligne rouge" au-delà de ce que le bon goût pourrait éventuellement leur permettre. L'affaire en question ne risque-t-elle pas de mettre à bas le fonctionnement sans faille du système judiciaire, garants indiscutés de notre démocratie ?... Qui n'abonderait pas dans ce sens ?... De quoi n'est ce pas, serrer le cœur !
La tentation est forte d'ajouter à l'épisode un commentaire au-delà de la litote !.... Mais glisser sur la pente de l'ironie, aussi justifiée soit-elle, risquerait d'être trop facile. Il est des évidences qui gagnent à être relevées, d'autres qui ne perdent rien à être écourtées, voire sous-entendues... "Sourire c'est combattre. Un sourire regardant la toute-puissance a une étrange force de paralysie. Lucien déconcertait Jupiter...", avait stipulé naguère le bon père Hugo , jamais en panne de pensées profondes.

18 juin
Ce matin, cette cérémonie au Mont Valérien en commémoration de l'Appel du 18 juin qui ne laisse pas d'évoquer des souvenirs émus chez les plus anciens d'entre nous. Quoi qu'aient pu penser par le passé, et peut-être encore de nos jours, des adeptes d'une certaine"bonne ou mauvaise-pensance", le Général reste avant tout l'homme de la France libre, celui à qui beaucoup doivent d'avoir survécu durant les années noires .
Mais De Gaulle est également ce chef d'Etat de l'après-guerre, dont on pourrait supposer que nos politiques dans la conjoncture actuelle, gagneraient à s'inspirer... Sa lucidité, sa clairvoyance dans nombre de décisions prises dès son retour aux affaires et durant les dix ans de son mandat, en tant que président de la République, sont indéniables... Evitons d' extrapoler !... De Gaulle pour nous, direz-vous ?... un "maître à pensée", pire, un donneur de conseils ? Quelle outrecuidance ! Et de quel droit ?... D'autant que, bien que "génie" politique reconnu , le Général est loin d'avoir eu connaissance, ou de s'être intéressé de près ou de loin, sauf à de rares moments, à l'ensemble du dossier "Israël", avec ses retombées juives , bibliques, historiques, religieuses, qui sont les nôtres.
Il est pourtant des réalités nous concernant, dont on ne peut faire abstraction, et auquel le Général de par son expérience aurait pu avoir sinon accès, du moins son mot à dire.... Entre autres , et je touche ici à un dossier sensible : ce rocher de Sysiphe qui accompagne notre quotidien depuis des décennies, il se trouve à la source d'un débat houleux, en voie avec le temps, de s'intensifier plus qu'il ne faudrait : celui de la résolution (imminente ?) portant sur l'annexion unilatérale d'une partie des territoires "occupés" après la Guerre des 6 jours. Une initiative qui, de l'avis d'une fraction non négligeable de nos concitoyens, ne mène pas forcément le pays vers des lendemains qui chantent.
Dès lors, avec De Gaulle, quel lien ? .... Au risque de heurter des susceptibilités y aurait-il, pour Israël,et dans le contexte politique moyen oriental, une corrélation avec certaines des options fondamentales du Général ? Le rapport est certes indirect, mais plus étroit qu'on ne pense, contrairement à une opinion répandue, sans aucun doute justifiée !.... Car à l'évidence, la situation géopolitique de "l'Etat hébreu" avec ses implications bibliques, ethniques, nationales et sécuritaires face à ses voisins arabes, ne saurait être comparée à la situation qui fut celle, en son temps, de la France vis- à- vis de ses anciennes colonies ....Et ce, à l'opposé du nationalisme palestinien, qui dès l'abord, et c'est là la source principale du conflit, va accuser Israël d'expansion coloniale.
Et pourtant ! ....Dans le domaine de la pratique gouvernementale à l'égard des pays sous sa tutelle, le Général donne l'exemple, durant un peu plus d'une décennie, d'une vision qui allait évoluer d'un pôle à l'autre de l'échiquier politique. Depuis une droite conservatrice jusqu'à une perspective de loin plus novatrice, voire progressiste ! Cette visionsur le fond ne peut que retenir l'attention. Il serait intéressant d'en souligner quelques points, ils sont surprenants à plus d'un titre (2) : "La France, quoi qu'il arrive, n'abandonnera pas l'Algérie" déclare le Général dans un texte le 18 août 1947. "Souveraineté de la France ...l'Algérie est de notre domaine" ... "Ne pas s'égarer dans le rêve de je ne sais quelle sécession (oct. 1947). Puis en se référant à l'Indochine ... ."On peut être chassé. Mais il ne faut jamais partir volontairement. On peut octroyer, il ne faut pas abandonner"... "Que serait devenu la Patrie si Jeanne d'Arc, Danton, Clémenceau avaient consenti à transiger ? " .... Tout au long de sa traversée du désert, De Gaulle ne laissera pas d'exprimer son désenchantement, voire son aversion à l'endroit de la IVe République et de sa politique... Une France qui "se liquéfie par la tête" (1953)... Indochine, Sarre, Maroc, Tunisie Algérie ... Où s'arrêtera la liste de nos désastres ?"
Ceci, dans un premier temps. Progressivement, pourtant, suite à la recrudescence des évènements en Algérie, de la répression, et de la diversité des règlements proposés, tous sans succès,la perspective du Général va changer du tout au tout. En Février 1955, Edmond Michelet, à sa grande surprise, avait entendu De Gaulle déclarer : "L'Algérie est perdue. L'Algérie sera indépendante". De même, dans un entretien avec Louis Terrenoire : " Nous sommes en présence d'un mouvement général dans le monde, d'une vague qui emporte tous les peuples vers l'émancipation. Il y a des imbéciles qui ne veulent pas le comprendre ..." A propos de "l'intégration", De Gaulle exprimera plus d'une fois, son scepticisme :
"Il est impossible d'accueillir au PalaisBourbon 120 députés algériens." La patrie deviendrait la colonie de ses colonies.... Il ne s'agit pas de savoir si l'intégration est possible. Il s'agit de constater qu'elle n'est pas souhaitable... Je ne connais pas un seul Algérien de qualité qui croie que l'avenir de l'Algérie soit la France".... La France est entravée par cette guerre. Il s'agit d'en sortir à tout prix"... Autant de citations qui pourraient être multipliées. La Tragédie du Général de J.R. Tournoux en offre une pléthore.
Restons-en là pour ce qui est des extraits et de leur possible exemplarité. Cette saga gaulienne avec les retombées du 18 juin, avouons-le, n'a rien de spécialement drôle .
En fait, l'objet de cette rétrospective avait un seul but. Montrer à l'encontre de certains idéologues d'une ligne "pure et dure" sans concession, qu'il pouvait y avoir aussi d'autres personnalités politiques qui, par le passé, s'étaient réclamés d'une tendance identique, mais qui sous l'emprise et la logique d'un pragmatisme non moins cohérent, avaient évolué, comme De Gaulle en son temps, d'un conservatisme peut-être problématique vers une politique différente, plus ouverte à la novation. Menahem Begin, de mémoire bénie, en est certes, un exemple probant. Il y en a d'autres, aussi bien à "gauche" qu'à "droite".
De Gaulle fut certainement, comme il le souligne dans ses Mémoires, ce politique qui, à la fois "regardait les étoiles " et était pénétré "de l'insignifiance des choses". De là, peut-être, cette hauteur de vue , cette manière si personnelle de considérer ce qui fut à ses yeux l'essence des événements sur lesquels il désirait agir.
Ai-je évité d'irriter certains lecteurs et réussi à empêcher des procès d'intention toujours possibles ? Pas sûr... je l'espère quand même..

  1. Yedioth Haharonot, fin du mois de mai 2020
  2. J.R. Tournoux, La Tragédie du Général, Paris, Plon, 1967.
Bloc-notes à l'heure de la coronavirus
(avril mai 2020)

Surtout ne pas tomber dans le spleen que la situation actuelle risquerait fort d'engendrer, si nous n'y prenons garde. C'est la raison de ces quelques notes concises et sans prétention : les unes tirées de lectures picorées presque au hasard, les autres suggérées par une réalité politique dont il est évidemment impossible de faire abstraction, en dépit d'une conjoncture peu favorable ! Passer entre les gouttes aura été le souci de chacun, avec au cœur, l'espérance de voir cette maudite infection et ses retombées désastreuses disparaître au plus tôt. Qu'on me pardonne la note d'humour ou d'ironie que d'aucuns pourront me reprocher d'avoir recours. Mais la nuance dolente, bien que fort compréhensible en pareilles circonstances, et il y en a eu hélas des tragiques, n'est pas celle, en l'occurrence, que j'ai cru bon de mettre en évidence.

7 avril
....En premier lieu , et à tout seigneur : le masque qui remporte la palme depuis bientôt deux mois, par sa présence, parfois malheureusement aussi , son absence. Le thème chevauchant toutes les époques, les citations des grands auteurs en son honneur ne manquent pas. Chacune avec sa profondeur et sa signification propre que les lecteurs pourront apprécier, si le cœur leur en dit .... "Le masque, le masque ! ...Je donnerais un de mes doigts pour avoir trouvé le masque" (Diderot)
"Je ne suis plus le même au jour de fête, et crois qu'un masque que je mets me fait une autre tête (Hugo)
"Car le dedans du masque est encore la figure" (Hugo)
"Porter des masques trop longtemps est dangereux ; ils collent au visage et deviennent le masque" (Elie Wiesel).

1er Mai
... Dans un autre ordre d'idée, sur un ton sensiblement différent. Pour marquer notre "Indépendance", en tenant compte des préoccupations du moment :
Dans l'intention louable de célébrer le Yom Haatsmaout, notre "première dame" a voulu prouver à nouveau qu'elle avait plus d'un ruban rose à son violon... Souriante comme à son habitude, elle a proposé aux téléspectateurs admiratifs avec force détails culinaires à l'appui, la recette, à ses dires, originale, d'un biscuit à la crème concocté dans les grandes occasions pour le plus grand plaisir de sa famille !
A la suite de quoi, et pour ne pas être en reste, son époux s'est évertué à démontrer qu'il pouvait abandonner ne serait-ce que quelques minutes, une cuisine politique, à ses yeux brillante, en cassant devant le public des confinés.... deux œufs destinés à la confection d'une ...omelette !...
De l'avis des spécialistes, ces deux essais gastronomiques pour originaux qu'ils soient ne se sont pas révélés particulièrement convaincants.

7 Mai
...Certaines lectures ne laissent pas d'être édifiantes. D'autant que notre passage dans les écoles de la République a creusé un sillon qui ne peut être ignoré.Ci-dessous, un extrait en français du 16e siècle (qu'on me pardonne ! ), d'une œuvre universellement reconnue, celle de l'illustre François Rabelais, moine et médecin à ses heures.En le citant, loin de moi d'avoir vouloir cibler un public quel qu'il soit. Toute ressemblance avec des événements récents ne serait que le fruit du hasard, et non d'une intention délibérément moqueuse, ou malveillante. "Soudain, je ne sais comment (...) Panurge, sans autre chose dire, jette en pleine mer son mouton criant et bêlant. Tous les autres moutons, criants et bêlants en pareille intonation, commencèrent à se jeter et à sauter en mer après, à la file. L'empressement était à qui premier y sauterait, après leur compagnon. Impossible de les en empêcher, comme vous savez être du mouton le naturel : toujours suivre le premier, quelle que part qu'il aille (...)
Le marchand tout effrayé de ce que devant ses yeux périr voyait, et noyer ses moutons, s'efforçait de les empêcher et de les retenir de tout son pouvoir, mais c'était en vain. Tous à la file sautaient dedans la mer et périssaient ."

13 Mai
.... Aucune allusion évidemment à l'anniversaire du coup de force des Algérois d'origine européenne en 1958, à l'origine de la chute de la quatrième république. Le mauvais esprit en effet, a ses limites ! Pourtant, les événements peu reluisants il y a quelques jours, à Meron, et dans certains quartiers de Jérusalem (des événements ayant une fâcheuse propension à se répéter ces derniers temps !) (1), m'obligent, contre mauvaise fortune, à faire un rapprochement dénué hélas, de tout humour décapant !...... En 2002 avait paru en France sous la plume de gens fort sérieux, un ouvrage sur Les Territoires perdus de la République .... Vous avez dit "rapprochement " ? .... La pente serait-elle chez nous, à ce point glissante ? Je n'insisterai pas trop sur ce point ... Que le Seigneur nous préserve !

18 Mai
..... " Masque de Rabelais sur la face de Dante", dirait le poète ! .... Qu'on me permette pour terminer, et en toute modestie, un commentaire sans prétention herméneutique ! Selon une légende talmudique fort connue, chaque génération donne naissance à 36 Justes, les Lamed Vav, permettant au monde de subsister, de résister envers et contre tout, aux déboires qui ne cessent de l'assaillir depuis l'orée des temps.
Au su et au vu des rebondissements politiques dont nous avons été récemment les témoins bien involontaires, la nomination de 36 ministres par les hautes instances ne peut être considérée comme le fruit du hasard. Il est de ces coïncidences !... 36 ministres, et pas un de moins,à l'image de ces Lamed Vav talmudiques, qui feront de nous vraisemblablement, tôt ou tard, les spectateurs de l'un des étalages les plus éclatants en matière de "36 chandelles" qu'on puisse imaginer ! A moins que pour éviter ou minimiser certains développements inattendus (!), il ne vienne à l'esprit du Grand Timonier, sous l'emprise d'une volonté bien calculée, de "moucher" plusieurs de ses 36 "chandelles", arrivées au terme fixé par lui,de leur mission respective! ....
Ce qui indubitablement, mais en harmonie avec la Légende susdite, ne pourrait que mettre en danger l'équilibre si instable de notre astéroïde !

  1. Le lundi 12 mai, veille de la fête de Lag Baomer, et le mardi 12 mai, la police a arrêté plus de 300 personnes qui s'étaient infiltrées sur le Mont Meron (lieu de la tombe de Rabbi Shimon Bar Yochai), en dépit des restrictions mises en place afin d'enrayer la propagation de la coronavirus. De plus, des centaines de personnes se sont rassemblées autour de feux de joie dans le quartier de Mea Shearim à Jérusalem ansi que dans d'autres quartiers ultras à Beith-Shemesh et à Bnei Brak, violant ainsi les mesures d'urgence imposées par le Gouvernement (n.d.l.r.)


Personnalités  judaisme alsacien Accueil

© A . S . I . J . A .