Jules MOCH
1893 - 1985
par Charles REICH

Né à Paris en 1893, fils de Gaston Moch officier d'artillerie (lui-même né à Saint-Cyr en 1859), Jules Moch jouera un rôle de premier plan dans la vie politique française pendant quarante ans. Sa formation de polytechnicien et d'ingénieur de la marine ne manqueront pas d'influencer sa carrière politique. Elu député de la Drôme en 1928 pour la première fois, il sera élu député pour la dernière fois en 1962 dans l'Hérault et ne se représentera plus lors des élections de 1967.

Sa famille est d'origine alsacienne. Son arrière-grand-père du coté paternel est rabbin. (Voir sur les origines familiales Eric Mechoulan Jules Moch : un socialiste dérangeant) Un autre arrière grand-père Félix avait déjà combattu sous le premier Empire. Son grand-père Jules avait réussi Saint-Cyr en 1849. Gaston Moch le père de Jules Moch était camarade de promotion d'Alfred Dreyfus à Polytechnique.

L'engagement en faveur des Juifs

Son engagement dans le judaïsme, alors qu'il vient d'une famille apparemment bien intégrée dans la société française et de tendance plutôt laïque, se situera sur plusieurs plans : en faveur des réfugiés d'Allemagne et d'Europe centrale dans les années 30, il sera dans les années 60 membre du Comité central de l'Alliance israélite universelle dont il partagera sa conception laïque et universaliste. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, comme membre de la SFIO et du gouvernement, il exercera une influence importante en faveur de l'Etat d'Israël naissant.

Il débute sa carrière gouvernementale comme sous-secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil du gouvernement de Léon Blum en 1937. En 1938, il devient ministre des travaux publics et des transports.

Président de la commission d'immigration de la SFIO en 1936, il intervient en sa qualité de secrétaire général de la présidence du Conseil la même année en faveur des réfugiés d'Allemagne et d'Europe centrale, juifs en particulier, comme le relève Pierre Weil (De l'Affaire Dreyfus à l'occupation in Les Juifs de France de la Révolution française à nos jours Editions Liana Lévy, Paris 1998) qui le décrit "comme la cheville ouvrière du réseau d'intervention en faveur des réfugiés".

Eric Mechoulan estime difficile de mesurer à quel point ses origines jouent dans sa prise de conscience du phénomène nazi et considère que sa position au carrefour du judaïsme laïcisé, du patriotisme alsacien et de l'universalisme humaniste est particulièrement inconfortable.

Dés 1933, comme député il avait interpellé le ministre de l'intérieur Camille Chautemps : " La France, j'en suis sûr voudra rester dans cette Europe en folie, le refuge de tous les persécutés. Des ordres, n'est-ce pas monsieur le ministre, seront donnés à toutes nos frontières, pour que ceux qui auront pu fuir les fusils nazis ou les mitrailleuses de la Reichswehr, là ou on en a déjà placé, trouvent cet accueil fraternel qui a été de tous temps la gloire et l'honneur de la France". (Cité par Anne Grynberg : L'accueil des réfugiés juifs d'Europe centrale en France 1933-1939). En outre, il se prononce en faveur d'un boycott économique de l'Allemagne nazie quelles qu'en soient ses conséquences.
Ses prises de position ne provoquent apparemment pas de manifestation d'antisémitisme contre lui.

Les années de guerre

La ratification des "accords de Munich" par le Parlement l'affecte douloureusement. Il vote contre ; toutefois Léon Blum obtiendra de lui par la suite une rectification de son vote au procès-verbal de la Chambre .Il participe à la campagne de 1940 et se trouve entre Toulon et Mers-El-Kébir lorsqu'il est informé de l'appel du Général de Gaulle. Il préfère se rendre d'abord à Vichy pour participer au vote qui mettra fin à la Troisième République et qui donnera tous les pouvoirs à Pétain

Bien entendu, il figurera parmi les "Quatre-vingts" qui voteront contre l'attribution des pleins pouvoirs à Pétain. Surveillé par Vichy, il est arrêté dés septembre 1940 et incarcéré dans l'Indre en compagnie de Vincent Auriol et de Max Dormoy. Libéré début 1941, il entre dans la Résistance en créant le "réseau 1793" qui organise des sabotages dans l'Aude et en Ardèche.

Il rejoint Londres en 1942 et n'est pas enthousiasmé par la personnalité du Général de Gaulle. Il s'engage en raison de sa formation d'ingénieur de la marine dans les forces navales de la France libre en 1943 et participe au débarquement de Provence en aout 1944.

Son fils André, ancien élève de Saint-Cyr, entré tôt dans la Résistance est tué le 12 avril 1944 par des miliciens en uniforme à Bouquéron dans l'Isère.

Le soutien à l'Etat d'Israël

A la Libération, il devient membre successivement de l'Assemblée constituante puis nationale et devient en 1945 ministre des travaux publics et des transports et en 1947 ministre de l'Intérieur. En cette qualité, il aurait donné l'ordre à Maurice Papon, préfet de la Corse, de faciliter sur l'ile les escales des avions américains qui transportaient des armes pour la Haganah et de réaménager à cet effet des pistes d'atterrissage . (Dominique Richard dans Sud-Ouest 20 octobre 1997). La rumeur, à cette époque , lui attribue également "un transfert" d'armes destinées à l'Irgoun au profit des forces régulières du futur Etat. De façon générale au cours de cette période, il n'hésite pas à "donner un coup de pouce" aux juifs en transit en France sur le chemin de la Palestine, ce qui contraste avec la position du Quai d'Orsay beaucoup plus réservé et attentif à ménager la "politique arabe" de la France dans cette région .

Eric Mechoulan relate un déjeuner organisé par Moch avec Robert Schuman président du Conseil et Haïm Weizman portant notamment sur la libre circulation des pèlerins chrétiens et l'accès aux Lieux Saints. Schuman serait sorti rassuré de ce déjeuner, lui qui était en retrait sur la question, en raison des réticences du Vatican.

Jules Moch deviendra célèbre à partir de cette année 1947 pour avoir contribué à la création des CRS. Comme ministre des transports et des travaux publics, il s'est attelé à la reconstruction des chemins de fer, des ponts et des routes. Ministre de la Défense en 1950, il modernise l'armée française et organise sa participation à la guerre de Corée. Il est chargé de la modernisation de l'armée et de la mise en œuvre de l'Alliance atlantique.

N'étant plus membre du gouvernement à partir de 1951, il devient à l'assemblée nationale à la commission des affaires étrangères, rapporteur du projet de loi sur le Traité instituant la Communauté européenne de défense. Il se prononce contre ce Traité en raison de ses craintes liées au réarmement de l'Allemagne.

En 1956, il condamne la "Campagne de Suez" menée par Guy Mollet en considérant que Nasser n'est pas un nouvel Hitler alors que quelques années auparavant, il pensait qu'il ne convenait pas de ménager la Ligue arabe qui soutenait le FLN et qu'au contraire il fallait appuyer et aider l'Etat d'Israël.

De 1951 à 1958, il n'exerce plus de fonction ministérielle, à l'exception du gouvernement Pflimlin dans lequel il fut ministre de l'intérieur du 17 au 31 mai 1958. Battu aux élections législatives de1958, il retrouvera un siège de député en 1962 dans l'Hérault son département d'élection depuis 1937. En 1967, il décide de ne pas se représenter et abandonne peu à peu sa carrière politique.

La Guerre des Six jours, le conduit à se montrer sans état d'âme aux côtés d'Israël et à s'opposer au Général De Gaulle d'une part et aux "tiers-mondistes " de son parti d'autre part.

En désaccord avec la politique du Parti socialiste en particulier sur la question de l'union de la gauche avec le Parti communiste, il quitte sa vieille formation au début de 1975 après s'être maintes fois opposé à François Mitterrand.
Il décède le 31 juillet 1985, dans sa propriété du sud de la France ou il s'était retiré, à l'âge de 92 ans.


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