Mystique et Messianisme
Professeur Roland GOETSCHEL


Si on entend par messianisme : "l'attente dans le futur proche qu'un rédempteur va venir dans ce monde pour apporter la justice et la paix" (1) et par mystique juive, les différentes orientations de la kabbale, on se trouve d'abord en présence de la thèse célèbre de Gershom Scholem à ce sujet.
Pour cet auteur, l'intérêt des kabbalistes jusqu'au 16ème siècle allait à l'Origine et non à la Fin. Il écrit : "ils considéraient davantage la création que la rédemption. La rédemption devait être achevée, non en s’élançant dans une tentative pour précipiter les crises historiques et les catastrophes, mais plutôt en reprenant le chemin qui conduit aux tout premiers commencements de la révélation, au point où le développement du monde de l’histoire de l’univers et de Dieu commença à se dérouler dans un système de lois ; celui qui a connu le chemin par lequel il est arrivé peut espérer éventuellement revenir sur ses pas." et encore : "Les méditations mystiquse des kabbalistes sur la théogonie et la cosmogonie ont ainsi produit un mode non messianique et individualiste de rédemption et de salut " (2).


Gershom Scholem (1897-1982)
Ce n'est qu'après la catastrophe de 1492, de l'expulsion des Juifs d'Espagne que les éléments apocalyptiques et messianiques du judaïsme vinrent se fondre avec les éléments traditionnels du judaïsme : " Pour les exilés d'Espagne , le caractère catastrophique de la "fin" fut de nouveau très clair. La mystique juive orienta graduellement la rédemption messianique en un processus historique qui se développe comme un résultat d' un processus humain. Dans la kabbale lourianique, tout le corps des mitswot, tout le comportement éthique deviennent des instruments donnés par Dieu pour participer ou même dominer le développement mystique en agissant sur le divin en amenant ainsi les temps messianiques :
"Ce qui devait être réparé qu'après la venue du rédempteur doit être réparé auparavant sans quoi la venue du roi -messie ne saurait se produire" (3).

Ici le messie devient le peuple d'Israël entier et la rédemption nationale d'Israël va symboliser une réalité plus intérieure : "Elle figure la rédemption du monde, c'est-à-dire sa condition telle qu'elle dut être quand le Créateur décida de créer un monde parfait" (4).

Les éléments messianiques de l'ancienne Kabbale

La "neutralité" de l'ancienne kabbale à l'égard de toute tentative messianique, "tout en n'étant pas totale" nuance Scholem, a cependant été contestée par des chercheurs plus récents (5).
C'est ainsi que dans le premier document kabbalistique de Provence, le Sefer ha-Bahir, ( enviton1150) Elliot R.Wolfson, a mis en évidence plusieurs enseignements messianiques, (qu'il a rapproché de sources judéo-chrétiennes de l'antiquité) (6). Il cite ce paragraphe du Bahir :
"Et pourquoi un Mém (מ) ouvert et un Mém fermé ?
Parce que nous disons : ne lis pas Mém, mais plutôt Mayim (eaux), et parce que la femme est froide, elle doit être réchauffée par l'homme.
Et pourquoi Noun (נ) a-t-il tantôt une forme courbée et tantôt une forme allongée ?
Parce qu'il est écrit (Psaume 72:17) "Que son nom se perpétue (Yinon) tant que dure le soleil". Là les deux Noun sont présents : Noun courbé et Noun allongé parce que ceci doit s'accomplir par le mâle et par la femelle" (7).

Le Bahir a retravaillé une ancienne aggadah (commentaire) sur le terme Yinon où le messie est désigne par ce nom (8). Le texte indique que le processus de rédemption messianique implique l'union des aspects masculin et féminin du divin : le noun allongé étant l'image du masculin, le noun courbé celui du féminin.

Le second texte qui témoigne d'un spéculation messianique par les kabbalistes est un texte de R..Isaac ha-Cohen qui vivait en Castille autour de 1260-1270 (9). R. Isaac nous a transmis un écrit intitulé Taamey ha-Taamim (Les raisons de neumes). En effet, les kabbalistes, commentant le texte biblique pour y trouver un sens mystiqu,e ne s'attachaient pas simplement au texte obvie , mais aussi aux lettres de l'alphabet hébraïque, à leurs formes, aux voyelles, et aussi aux signes mélodiques qui l'accompagnaient. R. Isaac ha-Cohen trouve dans les signes des taamim une description des évènements apocalyptique futurs qui se produiront dans l'ère messianique.
R. Isaac lit les neumes comme les signes d'un combat entre Samaël, l'adversaire satanique de Dieu contre les puissances célestes qui le combattent : "Et à la fin , Samaël a l 'image d'un âne ployant sous sa charge devant la couronne de miséricorde, et il y est fait allusion dans le verset : "Si tu vois l'âne de ton ennemi succombant sous sa charge"(Exode 23:5). "Ton âne " c'est Samaël dont les camps ont l'aspect d'ânes, de chevaux et de chameaux. "Ployant sous la charge" il est des fois où il est près de sa chute, et pourtant sa chute n'est pas survenue. Il a des auxiliaires dans le ciel pour le maintenir jusqu'à que s'accomplisse la volonté du maître divin de le soumettre" (10). D'après R. Isaac, les neumes qui accompagnent le lettres de la Bible signifient un mythe dynamique entre les forces du bien et du mal qui se poursuit à travers toute l'histoire du monde jusqu'à ce que Samaël soit subjugué parles forces du bien (11).

Le troisième témoignage d'une pensée messianique n'est autre le Zohar lui-même. Dans la partie courante du Zohar, nous avons déjà des reprises du messianisme apocalyptique. Mais c'est surtout dans les Idroth (les Assemblées) que le messianisme du Zohar éclate véritablement. Yehuda Liebes a montré que le but des Idroth était avant tout messianique Le troisième témoignage d'une pensée messianique n'est autre le Zohar lui-même. Dans la partie courante du Zohar, nous avons déjà des reprises du messianisme apocalyptique. Mais c'est surtout dans les Idroth (les Assemblées) que le messianisme du Zohar éclate véritablement. Yehuda Liebes a montré que le but des Idroth était avant tout messianique (12). Que les tikounim, (les réparations), effectuées par R. Shimon bar Yohaï et ses compagnons ne signifient pas un retour au monde tel qu'il était mais l'achèvement du monde , "l'adoucissement" du monde. R. Shimon devient une figure messianique qui par son union avec la Shekhinah (la Présence divine), non seulement amène la rédemption pour le peuple juif et le monde entier, mais opère également, par ce moyen, sa rédemption personnelle : il à la fois le rédempteur et le rédimé. En voici un passage éloquent : "Car au moment où la Dame est assise avec le Roi et qu’ils sont joints face à face, qui se placera entre eux et qui les approchera ? Ils s'adoucissent l'un l'autre, en ce jour où tout est adouci. C’est pourquoi les jugements sont adoucis l’un par l’autre et le monde supérieur et le monde inférieur sont restaurés" (13).


Représentation d'Abraham Aboulafia
Nous avons tiré nos exemples précédents de la kabbale théurgique qui s'occupe des dix sefiroth (14) et qui s'efforce d'agir sur le divin. Mais il existe au 13ème siècle, une autre forme de kabbale : la kabbale prophétique d'Abraham Aboulafia (1240 -1292) dans laquelle l'expérience mystique conduit clairement au messianisme. C'est ainsi qu'il écrit dans le Ve-Zoth Li-Yehuda : " Mais lorsque je suis arrivé à [la connaissance des] Noms [divins], en dénouant les nœuds des sceaux, le "Seigneur de Tout" m'apparut et me révéla son secret. Il me fit part de la fin de l'exil et du temps du commencement de la rédemption, et il me contraignit à prophétiser" (15). La kabbale des noms désigne la méditation des lettres de noms divins qui permet à Aboulafia de se délier des liens de l'ici - bas. A ce moment là ,il obtient une révélation qui porte sur ces temps messianiques.
D'autres textes vont dans le même sens, en voici un : "Le nom de "messie est équivoque, il s'applique à trois cas :
D'abord et éminemment à l'intellect agent qui est appelé le mashiah.
L’homme qui nous fera sortir avec force de l'exil dans l'avenir est appelé "messie" nous délivrera du joug des nations grâce à son contact (me-rob hidabbqo) avec l'intellect agent.
Est appelé "messie" l'intellect matériel humain qui est le rédempteur et il a de l’influence sur l 'âme et toutes les puissances spirituelles élevées . Il peut sauver l’âme du poids des rois corporels et de leurs peuples, c'est à dire des vils désirs. C 'est un devoir et une obligation de dévoiler à tout homme intelligent en Israël pour leur salut car il y a beaucoup de chose qui sont contraires à l’opinion des rabbins et qui diffèrent plus encore des conceptions du vulgaire" (16).
Le messie historique est au deuxième rang dans ce texte. Il est encadré par l’intellect agent d’une part, l’intellect matériel de l’autre. `
L’intellect agent est conçu comme le Messie quoique n’étant pas une personne mais plutôt une puissance impersonnelle, objective , spirituelle. Le messie est une entité transcendante qui existe préalablement à son actuelle performance eschatologique. L’union avec l’intellect agent est le sommet de l’expérience mystique.
"L’intellect matériel humain" est l’intellect après qu’il a subi un processus d’actualisation. Cette capacité de l’intellect humain d’être le messie de l’âme humaine car il sauve l’âme de puissances corporelles les "rois corporels et leurs peuples" expriment allégoriquement le côté matériel de l’homme. La vision du messie comme un intellect matériel assume le fait que le messie n’est pas seulement un pouvoir transcendant transpersonnel utilisable par chacun de nous sous la forme de l’intellect agent, mais aussi une puissance intellectuelle inhérente à chaque personne. Chacun possède le messie, au moins in potentia ; le messie est une dimension de l’homme en tant qu’homme.
Il s'agit d'une conception élitiste qui diverge des concepts admis par les rabbins et l’opinion populaire (17).

Magie et messianisme

C'est au 15ème siècle qu’à la suite des persécutions de 1391 que l’activité messianique connaît un rebond en Espagne. Cette fois la kabbale se fait magie. La venue du messie n’est plus conditionnée par l’accomplissement des préceptes ou par le développement de l’intellect mais par une action magique capable d’un seul coup de briser le cours de l‘histoire. C’est l’idée formulée vers 1470, dans le Sefer ha-Meshib, (le Livre de celui qui répond) et les autres ouvrages apparentés. D’après son auteur, c’est Dieu lui- même ou ses anges qui révèle des vérités au mystique.

Le livre fait une place importante à la démonologie et procède à une démonisation du christianisme . Il dénonce aussi toute philosophie et toute science colle des incarnations de Satan. C’est à l’aide de conjurations que l’on parviendra à vaincre le royaume impur . Le temps messianique est advenu mais il faut , pou r qu’il se concrétise abattre les forces du mal. Le christianisme changera complètement de nature et se mettra à prendre la défense du judaïsme triomphant . Il en sera de même pour Samaël qui se transformera d’accusateur en défenseur d’Israël . On voit que cette conception inverse la doctrine chrétienne traditionnelle qui prédit la conversion des juifs au moment du second retour Le salut proviendra non pas d’un homme isolé mais de tout un groupe de kabbalistes qui réussiront ensemble à brise les forces du mal . Les thèmes apocalyptiques font ici retour avec force et se conjuguent à celui de la magie.

Après l’Expulsion d’Espagne (1492)

Au début du 16ème siècle, R. Asher Laemmlein, kabbaliste ashkénaze influencé par Abraham Aboulafia, dont il cite avec éloge les Hayei ha-olam ha-ba ("La vie du monde à venir"), suscite entre 1500 et 1502 une agitation messianique en Italie du Nord (18). A côté de Laemmlein il y eut la grande figure d’Abraham ben Eliezer ha-Levi qui se servit de la technique de l’interprétation des rêves pour savoir quand viendrait la rédemption qu’il prédit pour1540. Inspiré par le Sefer ha-Meshib, il abandonne la voie de la magie pour prêcher le repentir en vue d’atténuer les souffrances inséparables des jours du messie (19).

Peu après David Reubeni (qui prétend appartenir à la tribu de Ruben), s’efforce d’obtenir des subsides du Pape Clément VIII et du roi de France François Ier pour armer les juifs en vue d’une croisade contre les Turcs. Son équipée finira mal puisqu’il est brûlé, probablement à Badajoz en1538 (20). En 1625 David Reubeni est au Portugal où il rencontre Diego Perez ,le secrétaire du roi du Portugal. Celui-ci se circoncit lui-même prend le nom de Salomon Molkho Il fuit le Portugal pour la Turquie où il étudiera à l’école de R. Joseph Taitatsak. Il passe auprès des contemporains pour extrêmement versé dans le domaine de la kabbale. Il retourne ensuite en Italie où il se présente à la cour de Clément VII en tant que juif. Le pape lui est favorable et le protège de l’Inquisition. Puis Salomon Molkho décide à nouveau de se confronter à l’empereur Charles Quint à Ratisbonne. Celui-ci le fait arrêter. Amené à Mantoue, Molkho refuse de se convertir et monte sur le bûcher, en martyr en1533 (21).

Le messianisme à Safed


Page manuscrite du Etz Hahaïm de Haïm Vital
Les premiers kabbalistes du centre de Safed ne sont pas spécialement intéressés par le messianisme. Moïse Cordovero (1522-1570) s’occupe de la délivrance d’Israël et de la date de l’événement, de la résurrection à venir sans qu’on sente une quelconque ferveur messianique dans ses considérations (22).

C’est avec Isaac Louria (1534-1572) et son disciple Haïm Vital (1541-1620) que le messianisme joue un rôle actif à Safed. Le messianisme concerne d’abord leur histoire personnelle. Dans la mesure où ce maître est parvenu à un niveau de connaissances qui n‘a pas été atteint depuis Simon bar Yohaï, il correspond à l’image du premier rédempteur, le messie fils de Joseph. Vital écrit : "De même que la personne malade doit supporter l'amertume des médicaments, il convient de se livrer à bien des purifications, afin de pouvoir atteindre et comprendre les choses élevées qui participent du mystère du monte et constituent la science occulte depuis les jours de R. Simon bar Yohaï , de mémoire bénie , jusqu’aujourd’hui Comme il a été dit " il n’est pas permis de le révéler jusqu’à la dernière génération, celle du roi messie.. Ce qui est notre temps, car par le truchement de notre saint divin maître R.Isaac Luria , que sa mémoire soit bénie, grâce à l’esprit de prophétie qui s’est épanché sur lui, nos yeux ont commencé à être illuminés de la lumière de cette science divine et cachés des yeux de tout être vivant pour qu’il y ait élévation et aide d’en- bas, comme ont dit les Sages , "les supérieurs ont besoin des inférieurs pour agir" (23). Et R . Simon ben Yohaï dit encore : "il est nécessaire qu’il ait une aide en bas de manière à ce qu’il y ait une aide à la venue du libérateur", que cela soit bientôt et de nos jours, car nous voyons des malheurs se succéder de jour en jour . Et tous les signes dont R. Ismaël, de mémoire bénie, que cette science est dévoilée (…). Il ne révélait aucun des secrets de cette sainte sagesse à celui dont il voyait par l'esprit de sainteté qu'il avait une blessure dans l'âme" (24).

De même, Vital écrit dans son commentaire sur les prières : "Quand on récite [la bénédiction de] "Etablis en elle [Jérusalem] bientôt le trône de David" il est nécessaire d’avoir cette intention que Shemayah et Abtalion ont révélé à notre maître un jour que nos alliions à Gush Halav pour nouz prosterner sur leurs tombes. Là, eux-mêmes lui dirent qu’il était nécessaire de placer l'intention sur ces mots, dans les trois prières quotidiennes, de concetrer l’intention dans la prière [kavanath ha-amidah] adressée à Dieu à propos du Messie fils de Joseph, pour qu’il ne soit pas tué par Armilius l’impie comme l’ont enseigné les Sages de mémoire bénie" (25).

Dans le Peri ets Hayim , il ajoute : "Comme il dit dans le Raya Mehemna ‘" Que dans l’avenir le Messie fils de Joseph mourra " .Et nous n'avons pas compris ses paroles. Dieu connaît les secrets, sa fin a validé le début, car il est mort, mon pieux maître à cause de nos nombreux péchés" (26).

Pour Haïm Vital, on a le témoignage de son journal mystique le Sefer ha-Hezionot (Le livre des Visions) qui relate ses rêves et qui laissent transparaître sa vocation messianique. D’abord parce que dans la chaîne des réincarnations, il apparaît comme la réincarnation de R. Aqiva, dont on connaît le rôle messianique auprès de Bar Kosibah ; ensuite, on sait qu’après la mort d’ Isaac Louria, il s’est à son tour considéré comme le Mashiah ben Joseph (27).

Ronit Meroz a rédigé sa thèse sur la figure du Messie chez I. Louria (28). Non seulement, comme le décrit G.Sholem c’est un mythe de l’exil et de la rédemption, mais c’est un mythe de la vie et de la mort , de la naissance et de la mort . On nous raconte que la vie est sanctification et amène la rédemption, et que la mort réside dans les klippoth (écorces) (29), est le mal et amène l'exil et l'extinction. Depuis l’origine jusqu’à la fin, la création oscille entre ces pôles en un combat perpétuel. La vie signifie élévation, union sexuelle, nouvelle naissance ; la mort nous entraîne vers le bas vers la diminution spirituelle, la désintégration, la dissociation. Jusqu’au moment de la rédemption vie et mort sont inexorablement liés ; seule leur séparation peut amener le monde vers une rédemption achevée.

R. Meroz critique G. Scholem lorsque celui-ci considère la figure du messie, comme l'aspect le plus faible du messianisme. Les tâches messianiques étendues au passé, comme au présent et au futur brouillent quelque peu la vision du personnage chez Scholem. Le Ari n'estime-t-il pas que rendre la rédemption plus proche, de la manière dont il le conçoit, n'est pas une tâche pour l'ensemble de la communauté, mais plutôt pour quelques individus doués de qualités messianiques , à savoir lui-même et Haïm Vital ? Les membres de ces confréries (havûrôt) ont aussi une tâche à remplir, mais secondaire ; quant à la communauté , elle n'a pas à faire autre chose que ce qu'elle fait traditionnellement : se repentir, observer la Torah, accomplir les mitswot (préceptes religieux).Ce sont trois cercles concentriques : intime, intermédiaire et extérieur à l’intérieur d’Israël ; Les deux premiers cercles sont sélectionnés selon "la racine de leurs âme ". D'où la conclusion importante de R.Méroz : Plutôt que d'être le dirigeant d'un mouvement. messianique, le Ari est le propagateur d'une doctrine messianique, qui fit écho, dans une certaine mesure au ferment messianique de sa génération.

Dans cette doctrine l'acte messianique central est la mort. Quelque fois c'est la mort naturelle qui élève les mondes, ainsi la mort de Joseph et de David. Mais ce qui est au premier rang est le martyre spécialement celui des assarah harugei malkhout, les dix martyrs morts sous l’occupation romaine, R. Akiva et ses compagnons. (...) La mort des dix martyrs, peu après la destruction du second Temple, inaugure une sorte de temps pré-messianique, une promesse renouvelée que le monde ne terminera pas dans la destruction, elle est comme une reprise de la promesse des origines. Leur mort fut une promesse de rédemption (...) et devient un schéma récurrent appelé à se répéter.

A un certain moment, dans l'avenir, la figure messianique mourra dans un "baiser de mort", signifiant l'entrée au jardin d'Eden et la renaissance spirituelle. Ce qui le transformera en Messie fils de David, qui sera reconnu comme tel et conduira son peuple. Mais jusqu'à là, la caractéristique essentielle de la figure messianique est la tromperie (kazab). Ceci parce que lors de ses réincarnations antérieures, le peuple n'était pas prêt pour le recevoir et que sa mort a désillusionné le peu de ceux qui avaient reconnu ses qualités et avaient cru en lui. En donnant une signification positive au terme kazab, connoté négativement, le Ari a peut-être voulu affirmer l'authenticité de celui qui est désigné comme prétendant messianique, Salomon Molkho

Les figures messianiques ainsi mentionnées ont leur origine dans le principe féminin et jaillissent des eaux féminines (mayin Nûqbîm). D'autres jaillissent du principe masculin.

Ronit Meroz distingue cinq stades dans les textes d’ Isaac Louria.
Dans les textes du troisième stade, Moïse tire son origine du phallus d’Abba (le père primordial), et c'est un descendant de ce principe qui reviendra et conduira le peuple .

Dans les textes du quatrième stade, la figure messianique d'origine masculine aide à la naissance de l'âme du "fils de David" à partir de la sefirah (14) féminine de Malkhouth. A ce stade, une figure messianique féminine fait son apparition qui forme un couple avec la figure masculine, réincarnation du couple pécheur d' Adam et d'Eve. Une autre figure féminine est celle est la mère, tant physique que spirituelle du messie. La mère céleste apparaît sous deux aspects : la pure âme du "fils de David” en partie à partir des eaux féminines, en partie à partir de l'utérus de Malkhouth. L'anti-messie naît à partir de la semence impure de Lilith. Curieusement la mère terrestre du messie est vue sous un jour négatif : comme la mère terrestre de l'anti-messie, elle est dite avoir conçue lors de ses menstrues. ceci ressort peut-être du motif de la "sainte tromperie" Car la guerre sainte contre les écorces doit être menée par tous le moyens y compris la tromperie et la tricherie. Dieu peut permettre à une étincelle (nitsots) d'une envergure comme elle du messie de pénétrer profondément dans l'écorce. Les forces du mal peuvent penser que là Dieu a perdu la partie, et qu'elles peuvent puiser à partir de sa force, mais en fin de compte cette étincelle les détruira et rédimera le monde.

Dans la cinquième strate , la figure messianique se trouve fortement liée à la sefirah(14) masculine de Yessod. Dès les premiers temps de l' histoire de l'humanité : certaines parties de l'âme cosmique de l’Adam Qadmon ( la configuration de l’Homme Primordial qui contient toutes les âmes d'Israël) s'est détachée et est allée se loger dans les écorces (29). Ceci est arrivé à cause de la faute de l'onanisme : de cette manière , les meilleures étincelles (nitsotsoth) ont été perdues pour l'âme cosmique. Au début, Lilith les a recueillies et en a fait des démons et des fantômes. Mais peu à peu, les âmes vinrent se loger chez les hommes malfaisants, les idolâtres, le ‘erev rav (la foule indistincte) de l'Exode, puis parmi les gerim (convertis au judaïsme), enfin parmi les juifs. Ceci explique pourquoi les juifs furent dispersés parmi les gentils et pourquoi des parties du peuple furent plus tard perdues , comme les dix tribus et les ’Anusim (conversos d'Espagne). Ils seront à nouveau rassemblés : ceux qui ont perdu leur âme juive se convertiront et feront retour au bercail. Le "Messie fils de Joseph" en particulier, est le rédempteur de ces crypto-juifs. Étant la réincarnation de ce pécheur qui déversa sa semence en vain , il expie en rassemblant les étincelles perdues et en convertissant les crypto-juifs .

Si les figures messianiques se trouvent liées aux principes masculin et féminin et au féminin en tant que tel, le motif de la conversion pointe vers une troisième direction : celle de la connaissance, de l'enseignement de la Torah et particulièrement de l'instrument .du nouvel enseignement messianique. Les figures messianiques sont qualifiées pour enseigner parce que leurs âmes proviennent des niveaux les plus élevés ( ruah ,neshamah) et participent de l'esprit divin et prophétique. la connaissance qu'ils détiennent les rend capables de diffuser un nouveau contenu qui en lui-même rapproche la rédemption. Le Messie fils de David, qui unifie en lui toutes les âmes partielles dans la sienne, sera le prophète-roi, chef spirituel et temporel d'un peuple inspiré .
Les récipiendaires du nouvel enseignement sont les membres de la confrérie(havourah) qui ensemble avec le messie réalisent la réparation (tikoun) de tous les mondes ; leur dissension produit l'opposé. La confrérieest structurée hiérarchiquement : le plus jeune doit respecter l'aîné et tous le père. Le père et le frère aîné ( Ari et Haïm Vital) dispensent leur flux aux autres les enseignement ,leur influencent et le cas échéant les réprimandent.
Les écrits du cinquième stade opèrent la synthèse de tous ces motifs. Un seul fondement est posé pour l'action du fils (descendant) de David et ses associés, qui amènent la rédemption et le fils de David qui la complète.

On voit combien est grandiose et complexe l’enseignement lourianique concernant la messianité ; il n'était certainement pas à la portée du simple fidèle.

Le messianisme de Sabbataï Zewi


Représentation de Sabbataï Zewi
On ne saurait passer sous silence dans une réflexion concernant le messianisme et la mystique, le mouvement messianique qui s'organisa autour de Sabbataï Zewi (1626-16760 )
Deux faits paraissent établis en ce qui le concerne :
En premier lieu, Sabbataï Zewi n'a pas connu la kabbale d'Isaac Louria . Il n'a étudié que le Zohar et d'autre part le Sefer Qanah et le Sefer Peliah dans lesquels se trouvaient des citations copieuses d'Aboulafia . C'est Nathan de Gaza, son prophète, qui a relu les paroles de Sabbataï Zewi en termes de kabbale lourianique .
Le deuxième point est la caractère personnel du Dieu de Sabbataï Zewi sur lequel a insisté Yehuda Liebes. Le messianisme sabbataïste est en profondeur un messianisme spirituel qui se préoccupe des mystères de la foi et de la nature divine. C'est ce qui explique qu'il ait réussi à surmonter son fiasco sur le plan de l’histoire.

La croyance de Sabbataï Zewi en sa messianité reposait sur sa conviction profonde d'avoir pénétré profondément dans le secret de la divinité, il se donnait le titre de "Messie du Dieu de Jacob". Il concevait Dieu comme un Dieu personnel auquel il s'adressait en tant que "Dieu de Vérité " ( Elohei Emeth) ," Dieu de ma foi " (Elohei Emunato) , et parfois comme "Dieu de Sabbataï Zewi" (Elohei Sabbataï Zewi) ". Sa vie fut consacrée tant à la rédemption de sa propre âme, l'âme du messie prisonnière des klippoth que de Dieu lui-même. Ainsi que l'a écrit Nathan de Gaza : " Notre seigneur , notre roi , que sa gloire soit magnifiée, s'est dépensé concernant cette foi jusqu'à ce que le roi soit réinstallé sur son trône ."

C'est cette conviction d'entretenir une relation personnelle à Dieu qui persuade Sabbataï Zewi que son échec à convaincre le sultan et sa conversion à l'islam étaient une expression de la volonté du "Dieu de vérité".

Messianisme et Hassidisme

La place du messianisme dans le monde hassidique est aussi un objet de controverse. Les uns soutiennent que les premiers maîtres de la hassidisme avaient une forte conscience messianique, cependant que les autres parlent d’un effacement, ou comme G. Scholem, d’une “neutralisation” du messianisme après l’aventure sabbataïste.
Tous s’accordent cependant sur l’existence d’une interprétation spiritualiste du messianisme. (...)

Le hassidisme connaît toutefois par la suite plusieurs figures messianiques, parmi lesquelles se détache R. Nahman de Bratslav (1772- 1810). Celui-ci est identifié avec le Messie fils de Joseph. C'est ainsi que l'on trouve dans le second enseignement de ses Likkutei Marahan : "l'arme principale du Messie est la prière",
et plus loin : "cette épée, il est nécessaire de la recevoir par la modalité de Joseph qui a gardé l'alliance"
et encore : "celui qui atteint l'épée doit savoir se battre avec elle, il ne doit se tourner ni à droite ni à gauche, mais frapper sa cible et ne pas la manquer ".
Il ajoute qu'il y parvient par la modalité du jugement (mishpath) qui est le pilier central des sefiroth (14). Il doit se lier au Tsaddiq ha-Dor (le «juste de la génération »), de même que Moïse a rassemblé toutes les prières d'Israël et, à partir d'elles, a construit le sanctuaire, symbole de la Shekhinah (la Présence divine) (30).

Un autre texte du milieu de l'été 1803 vient corroborer cette identification de R. Nahman avec le Messie fils de Joseph : "Un jour, nous étions en train de voyager sur un navire et nous avons vu un poisson sortir sa tête de l'eau. Ses yeux étaient comme deux lunes. Et l'eau jaillissait de ses deux naseaux aussi fournie que les deux rivières de la Syrie" (31). Dans Hayyei Moharan figure le commentaire suivant : "Le matin, lors du petit déjeuner, il donna l'enseignement que voilà : 'ses yeux ressemblaient à deux lunes', comme il dit, il y a soixante-dix nations comprises dans Esaü et Ismaël [la chrétienté et l'islam]. Chacun des domaines en comprend trente-cinq. Dans l'avenir, ils seront conquis par les deux Messies : le Messie fils de Joseph et le Messie fils de David. Et il est un tsaddiq (un juste) qui associe les deux Messies. Il dit encore d'autres choses qui n'ont pas été imprimées. À ce moment, la table se brisa à cause de la foule qui se pressait autour de lui. Il les admonesta en disant : "Y a-t-il des gentils assis près de moi à. cette table ? Sommes-nous aux jours du Messie, où les gentils s'approcheront du Messie, comme il est dit: "Et toutes le nations y afflueront" (Isaïe 2:2) ? (32) La signification du passage est claire. Quand R.Nahman dit : "Et il est un tsaddiq qui associe les deux messies", les disciples ont compris que ce tsaddiq n'était autre que Nahman lui-même (33).

D'autres hassidim déclarèrent plus tard avoir hérité de l'âme du messie fils de Joseph, ainsi R. Isaac Judah Yehiel Safrin de Komarno (1806-1874) qui a laissé le récit de ses visions dans sa Megillath setarim (Rouleau des secrets), encore intitulé Sefer ha-hezyonoth (Livre des visions) reprenant le titre du livre autobiographique de R. Haïm Vital (34).

Sionisme et messianisme (35)

Pour les premiers sionistes, l'idée sioniste ne prend pas la place de l'attente messianique, pas plus qu'elle n'aspire à la réaliser, l'éliminer ou en être l'héritière. Le sionisme offre une solution incomplète et relative, hic et nunc, qui fonctionne dans un monde non repenti et n'entre pas dans la sphère de l'absolu et de la totalité, de la rédemption ultime. Un sioniste religieux tel que Isaac Jacob Reines (1839-1915) déclare en 1899 : "Il n’y a rien dans cette idéologie qui s’apparente à l’idée de messianisme rédempteur. Dans aucune de leurs actions ou aspirations, les sionistes ne font la moindre allusion à la rédemption future. Leur seule intention est de modifier les conditions de vie du peuple d’Israël, de rehausser son honneur et de l’habituer à une vie de bonheur. Quel rapport peut alors avoir cette idée avec l’idée traditionnelle de la Rédemption ?" (36) Il y a donc séparation de deux sphères : d'une part la sphère de l’histoire humaine, à laquelle appartient le sionisme ; d'autre part la sphère de l’anticipation miraculeuse de la rédemption, de la fin des temps, la sphère de la croyance pure, la sphère du Messie.

Cependant la séparation des deux domaines était difficilement soutenable. Trop d’éléments de la vision sioniste et de sa réalisation touchaient à la sphère messianique : le rassemblement des exilés, la libération de la tutelle étrangère, la justice sociale, les arbres de la terre d’Israël qui portent ses fruits, pour que la conscience religieuse opère une séparation méthodique des deux sphères.
De l’autre côté, trop d’éléments lançaient un défi à la croyance messianique classique : la séparation de la Rédemption d’avec le repentir religieux, la sécularisation, les processus terrestres et naturels, "la violation des serments" de ne pas forcer la fin des temps prématurément, pour que la conscience religieuse puisse éluder la question de savoir quelle relation existe entre l’historique et l’utopique, le naturel et le miraculeux, le politique et le spirituel, l’entreprise laïque et la rédemption religieuse.

Deux réponses ont été données à cette question.
Selon la première, le sionisme et l’avènement de l’Etat est un processus anti-messianique conçu et née dans la transgression, une entreprise désespérée, condamnée dès le début, quels que soient nos actes. C’est la conception de la Edah haredith (Communauté des craignant Dieu) de Jérusalem, à laquelle appartiennent les Netourei Karta ( Gardiens de la cité) et, les hassidim de Satmar (37).

La seconde réponse est que le sionisme est considéré comme un accomplissement messianique. C’est ce que pensent les tenants du Gush Emounim ( Bloc de la Foi). Elle considère le sionisme et l’État d’Israël, par définition, comme une réalisation messianique connue et née dans une sainteté qui garantit le succès total et la Rédemption finale, le repentir spirituel et le retour.

L’historiographie messianique


Rabbi Abraham Yithzaq ha-Cohen Kook
Cette historiographie attribue un début différent au sionisme moderne, et tend à souligner des évènements que d’autres ne jugeraient pas déterminants pour le développement historique. La rédemption n’a pas commencée avec l’avènement du sionisme politique, ni avec la première alyah. Le "commencement de la Rédemption" s’est produit lors de l’immigration en terre d’Israël au 19ème siècle de disciples du Gaon Eliahou de Vilna (élèves de R.Menahem Mendel de Shklov , guidés par l’attente du Messie attendu pour 1840 (38). On y promeut une conception activiste de la rédemption : nous vivions dans un temps de grâce, mais le peuple juif doit d’abord se réveiller d’abord par un réveil spirituel et en "montant" en terre d’Israël pour la reconstruire . Puis vint la phase suivante avec les rabbins Kalisher (1795-1874) et Alkalaï (1798-1878), les "messagers de Sion" (Mevasrei Zion) qui enseignaient que la rédemption n’est pas un évènement soudain mais un processus humain qui doit être bien préparé auparavant par l‘activité humaine dans le monde naturel d’ ici-bas..LaTeshouvah (repentir) est interprétée comme retour à la terre d’Israël. Ces "messagers de Sion" ne sont pas seulement pensés comme les messagers mais comme les instigateurs du sionisme.

Mais le Gush Emounim s'appuie surtout sur l’historiosophie messianique du R. Abraham Yithzaq ha-Cohen Kook (1865-1935), grande figure de la mystique contemporain. Le Rav Kook a considéré le sionisme comme une réponse à un appel du ciel, à une démarche divine qui ne dépend pas de sources humaines. Pour lui, ce qui de l’extérieur apparaît comme une démarche audacieuse des hommes est un réveil d’en-haut. Le Juif agit mais ne crée pas. Il s’agit des signes révélés de la “Fin”, conformément au Talmud : “Il n’y a pas de meilleurs signes révélés de la fin que ceux-ci, comme il est écrit : (Ezéchiel 36:8) ) : Mais vous, ô monts d’Israël, vous enverrez vos arbres et vous porterez vos fruits à mon peuple Israël car il est près d’arriver". Selon le Rav Kook, on doit clairement distinguer entre les intentions subjectives des individus dans l’histoire et le résultat objectif de leurs actions, entre tendance et fin. Même ceux qui n’ont pas conscience du but ultime de l’édifice qu’ils construisent ils peuvent en transporter les pierres. Ironie de l’histoire, ils ne savent pas eux-mêmes ce qu’ils veulent : le retour à Sion, la renaissance nationale,le travail pionnier et les réformes sociales sont des éléments d’un processus de retour à la source.
Les concepts de repentir et de sainteté s’appliquent à des actes et des démarches qui n’étaient pas accomplis dans le but conscient d’atteindre à Dieu. Ce sont là les chemins qui mènent à la rédemption plutôt qu’à la rédemption ultime elle-même, car celle-ci exige une conscience religieuse totale ; elle exige qu’une qualité naturelle d’Israël soit élevée au niveau du libre choix.

Il n’y a pas de doute sur l’interprétation des enseignement du R. Kook par la seconde génération de ses disciples en Israël : ce qui était de l’ordre de la croyance et de l’aspiration, ils l’interprètent comme appartenant à la connaissance et à la certitude. Notre temps est le temps du Messie, dont le commencement garantit l’aboutissement. Sa réalisation ne dépend pas du comportement humain.
Pourtant, deux générations après le Rav Kook ses aspirations dans le domaine politico-laïque ont été davantage réalisés que dans la sphère spirituelle et religieuse. Le pays est devenu dix fois plus grand, l’indépendance a été réalisée sur de larges segments de la terre d’Israël. Mais sur le plan religieux la majorité de la population n’a pas répondu à l’appel, et n’a pas accepté le fait que son identité nationale trouve sa source dans la Torah, la foi, le repentir. Et même sur le plan du comportement moral, les aspiration et les espoirs ont été frustrés. Le retour physique révélé est devenu de plus en plus révélé lors que le retour spirituel caché est devenu de plus en plus caché.

Résumons-nous :
Les deux vues radicales (le sionisme messianique et les Neturei Karta) partagent certains choix théologiques : ils confèrent tous les deux une signification religieuse - positive pour les premiers, négative pour les seconds - à l’Etat d’Israël. Toutes deux rejettent tout retour qui ne serait pas messianique, final et total.
Tous deux partagent clairement une conception clairement déterministe du processus : la Rédemption est à la portée de la main et elle sera révélée prochainement, soit sur les ruines de l’Etat sioniste comme expression de négation et de ruine de cet Etat (Neturei Karta), soit comme point culminant de l’entreprise sioniste, comme expression de sa réalisation et de son accomplissement.

Le hassidisme de Habad

(...) [Les hassidim de Lubavitch] comme la plupart des orientations hassidiques, mettaient l'accent dans leurs écrits sur la rédemption intérieure, psychologique, la restauration mystique de l'âme. Quand le sionisme débuta, la tête du Habad (39)de l'époque, R. Shalom Dov Baer Schneersohn (1860‑1920), s'opposa farouchement à ce mouvement. Il écrivait en 1904 : "Les sionistes n'arriveront jamais à s'unir [en Terre sainte] par leurs propres forces. Tout leur courage, leurs stratagèmes, leurs efforts ne serviront à rien et ne réussiront pas contre la volonté de Dieu" (40).

Quarante ans plus tard, les événements de la première guerre mondiale, la révolution bolchevique et ses persécutions, puis la Shoah provoquent un changement d'orientation. R. Joseph Isaac Schneersohn (1880-1950) déclare la rédemption toute proche : "La rédemption, tout de suite". On est passé d'une conception intérieure de la rédemption à une conception collective. Il écrit : "Il est impossible que la consolation ne vienne pas, les souffrances étant insupportables".

Mais c'est avec le dernier rabbin de Lubavitch, R. Menahem Mendel Schneersohn (1902-1994), que ce messianisme a atteint son sommet. Il prêchait : "Le Roi Messie peut advenir incessamment en un clin d'oeil [...]. Et parce qu'il peut venir incessamment, il viendra sans nul doute à tout moment. Et parce que c'est ainsi, il est évident que le Roi Messie est déjà présent dans le monde [...]. Plus encore, sa présence est attestée comme celle d'un grand [...], comme un roi de la maison de David versé dans la Torah et attaché aux préceptes, comme son ancêtre David. C'est pourquoi dans notre génération, il y a lieu de mettre l'accent exclusif sur la foi dans la venue du Messie et l'attente de sa venue, foi et attente qui envahissent toute l'existence de l'homme, toutes les forces de son âme" (41)
Rien d'étonnant dès lors à ce qu'on se soit mis à identifier le Messie avec le R. Menahem Mendel. Même sa mort n'en dissuada pas certains qui y croient encore. Étonnante force de la conscience messianique capable de soulever l'enthousiasme de certains "en ces jours, en ce temps-ci " ! (42)

Conclusions.

Quelques remarques pour terminer :


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