Bernard PICARD
(1925-1998)
par Eliezer Shavit

Bernard Picard On peut aimer son ancien directeur, ou pas.  Et avec les années en garder un souvenir  qui va en s’estompant.

Mais, tous les directeurs ne se ressemblent pas. Quand Bernard Picard est mort, subitement l’année dernière à Jérusalem, il s’est passé un phénomène étonnant.   Une foule immense s’est rendue à l’enterrement, alors qu’il  n’était en Israël que depuis peu. Et l’impact n’a cessé de grandir…Cette foule, c’était les anciens élèves qui se manifestaient. Alors la  question s’est posée : pourquoi donc lui, qui n’avait pas cherché  les honneurs, ni écrit une oeuvre, ni  passé des heures devant les médias?  La réponse est  simple:  il a été des années durant, un directeur d’école, accessible aux élèves, proche des parents.

Il a su écouter, expliquer et comprendre.  Et sans concessions, conseiller .

Il a pris le temps de faire son métier. Comme l'écrit Shlomo Balsam dans le Jerusalem Post du 22.12.98 : Monsieur Picard était ce qu'on appelle un Mensch.

Bernard Picard est né à Colmar en 1925 dans une famille juive  traditionnelle, mais la rigueur de la foi, il la doit à Bernard Rowinsky, hélas déporté avec ses frères, au rabbin Brunschwig, à Samy Klein et Marc Breuer rencontrés à Lyon pendant l'occupation. La nostalgie de Sion lui fut transmise dès 1938 par le grand rabbin Fuchs, alors rabbin de Wintzenheim. Dans la préface de son livre Amos, André Neher écrivait : “ je dois beaucoup aussi à un groupe d'amis qui ont été parmi mes élèves engagés, maintenant sur des chemins divers : Benno Gross, Théo Dreyfuss, Bernard Picard, Lucien Lazare retrouveront, je l'espère, dans cet ouvrage, l'écho de ce que leurs questions m'ont appris .”

Aussi il ne faut pas s’étonner si on retrouve, très jeunes, ces noms à la tête des écoles juives, qui à Paris, comme Théo Dreyfuss et Bernard Picard, qui à Strasbourg, comme Benno Gross, ou à Bruxelles comme Lucien Lazare.  Toute énumération est certes incomplète. Il faudrait ajouter, mais sur un autre plan, Andre Neher, Emmanuel Lévinas et Manitou qui ont eu une influence décisive sur les futurs intellectuels juifs. Certes, il faudrait citer beaucoup d’autres, mais en associant à Bernard Picard ses amis intimes, nous pouvons rendre hommage à ceux qui ont compris que le renouveau juif passait par un enseignement différemment orienté : juif et laïque à la fois. Aujourd’hui, tout  paraît normal, mais rappellons que Benno Gross a commencé son école avec quelques élèves, dans un appartement, et le soir, marteau à la main, il réparait les bancs et les tables  cassés.  Pour réussir le renouveau il a fallu convaincre, se battre. Il fallait y croire fortement.

L’école Lucien deHirsch, communément appelée Secrétan est un bon exemple. Créée par le Baron de Hirsch, l'école devait faire des petits enfants juifs polonais de parfaits français sans accent. L'enseignement juif y était donc assez secondaire. La plaque apposée sur la façade de l'ecole rappelle la  déportation d'une centaine d'entants emmenés avec leurs professeurs. Cette plaque est à elle seule une leçon d'histoire, parmi les plus tragiques.  L’école Lucien de Hirsch existait donc bien avant la guerre, mais il a fallu toute la patience, la cordialité, le respect de l’autre, la volonté de Bernard Picard  relayé  par la suite par Marianne Picard pour convaincre les notables de la communauté  et notamment la famille Rothschild. Rien n’était assuré d’avance. Aujourd’hui, le succès paraît normal.

Mais l'essentiel de sa carrière, Bernard Picard l'a fait à l’école Yavné, dont il prit la direction  en janvier 1965. Quand il la quitta, en juillet1992, le nombre des élèves en avait pratiquement doublé. 700 élèves donc, qui inaugurent les nouveaux bâtiments de l’école, projet dans lequel Bernard Picard avait mis toute son énergie et toute son imagination. L’inauguration à laquelle il put participer fut une immense joie pour l’ancien directeur qu’il était devenu. 

Depuis sa disparition, les témoignages des anciens élèves ne cessent d’affluer. Un témoignage aussi, l’inauguration d’un Sepher Tora à sa mémoire, lors d’une cérémonie à la synagogue de l’école Yavné, fin janvier 2000.

la forêt AVIV à la mémoire de Bernard Issachar Picard za”l  a été inaugurée Le vendredi 31 mars 2000 – 24 Adar 5760, dans la forêt du Keren Hakayemet de Maalé Adoumim.
Sa formation philosophique, fortement influencée par Jean  Beaufret  à Lyon et Georges Canguilhem a Strasbourg,  lui permit d’être un interlocuteur de qualité face à des centaines de lycéens parfois pris de doutes. L’humain, dit de lui  Ariane Kalfa, une ancienne élève aujourd’hui agrégée de philosophie, voilà comment definir cet homme. Une âme et un  langage, là où l’intelligence humaine coïncide avec une generosité exceptionnelle. On pourrait ajouter avec la chaleur de son sourire. Comme l’écrit F. Rausky dans Actualités, l’idée force de Samson Raphael Hirsch Thora im Derech Eretz la synthèse de l’étude du judaïsme et l’ouverture  à  la culture universelle lui semblait un idéal ambitieux et magnifique.

Bernard Picard est mort à Jérusalem trop tôt. Il voulait encore enseigner à ses petits enfants  un peu de cette philosophie qui manque tant aux jeunes israéliens. Il rêvait aussi, lui qui aimait la vie, le dialogue, le rire, d’un petit atelier où il pourrait peindre à son rythme, peut-être les arbres des Vosges de sa jeunesse.

Dans le fond, une forêt à son nom est un bel hommage à sa mémoire.

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