Micheline Trèves
1928 (Paris) - 2002 (Jérusalem)
par Liliane Klein Lieber

Micheline Trèves en 1988
Micheline
Une lumière s'est éteinte. Micheline Trèves, nous a quittés le 11 février 2002. Terrassée par une terrible maladie, il y a seize mois, elle était depuis lors privée de l'usage de la parole, de ses jambes et d'un bras. Seuls ses yeux d'un bleu limpide et un sourire quelques fois esquissé lui permettaient de s'exprimer et de faire comprendre son désespoir de vivre une telle dépendance, dans l'impossibilité de pouvoir communiquer.

Née à Paris dans une famille de la bourgeoisie juive française, Micheline, très jeune déjà, avait exprimé la volonté d'aller vers ceux que la naissance avait moins favorisés. Elle a onze ans lorsque éclate la seconde guerre mondiale. Elle quitte la belle demeure familiale avec tous les siens et ils pérégrinent à travers la France en quête de lieux plus hospitaliers. À Paris après la Libération, Micheline adhère au Mouvement des Éclaireurs Israélites de France dans le cadre du groupe local basé à la synagogue libérale de la rue Copernic fréquentée par sa famille.

Elle y rencontre et conquiert le cœur de Jean-Louis Trèves, l'un des chefs du groupe qu'elle épouse en 1946. De leur union naîtront cinq enfants – Daniel, Alain, Philippe, Laurence et Jean-Michel. Devenue mère très tôt, elle n'entreprend pas d'études universitaires, ce qu'elle a toujours regretté, mais consacre désormais tout son temps libre à autrui. L'exemple et l'engagement communautaire lui avaient été donnés par son père, Robert Weill (1), qui avait contribué par ses conseils et sa générosité à la reconstruction de notre communauté si cruellement éprouvée par la Shoah.

Micheline fait équipe avec son amie de longue date, Jacqueline Lévy Willard, pour organiser diverses actions complémentaires à celles des institutions de la communauté : en faveur des personnes âgées, des enfants en difficulté scolaire, pour la fourniture de layette et vêtements neufs aux plus démunis, par sa participation à l'accueil des réfugiés qui arrivaient en France par vagues successives, etc.

Puis, conseillées par Viviane Issembert qui avait l'expérience des organisations féminines juives américaines, Jacqueline et Micheline, soutenues par Julien Samuel, premier directeur du Fonds social et son épouse Vivette, assistante sociale chef de l'OSE, ont pu, avec Yvette Kalmanowitz, collaboratrice de Julien Samuel, jeter les bases d'une organisation qui devint la Coopération féminine. Leur objectif était d'organiser des actions sociales, mais aussi d'innover dans le domaine culturel. La Coopération se développe. À la même époque, elle est cooptée à la Commission sociale du FSJU qu'elle anime jusqu'en 1972. La Coopération féminine d'aujourd'hui leur doit à toutes trois d'avoir été mise sur les rails.

Micheline et Jean-Louis Trèves en 1987
Treves
Depuis la guerre des Six Jours, Jean-Louis et Micheline envisagaient de faire leur alyah. En 1972 ils quittent Paris pour Jérusalem. Là aussi, Micheline s'inscrit dans le cadre du volontariat israélien. D'abord au Bureau des Volontaires de Jérusalem. Avec son amie, Lili Weil-Topiol, elles décident d'innover car les besoins ne manquent pas.

Ce fut d'abord le célèbre vestiaire de Katamon, quartier défavorisé de la ville, puis une ludothèque. La Coopération, qui avait conservé des liens étroits avec leur amie si chère, a fourni, vingt ans durant, des marchandises pour participer à sa manière à ces créations. Cette activité est totalement prise en charge par le Club féminin de Neuilly. Puis ce fut la création d'une épicerie à prix réduit, pour les plus démunis. Toutes ces activités ont été menées avec la participation de bénévoles de Katamon, en partenariat avec les services sociaux.

Toujours avec son amie et complice Lili, elles créent, en pleine ville, un supermarché à prix réduits destiné aux nouveaux émigrants – russes en majorité –, avec l'aide de nombreux bénévoles, puis un jardin d'enfants pour les petits Éthiopiens logés avec leurs familles dans des caravanes, complété par des classes d'alphabétisation, à Givat Hamatos.

Mais le fleuron de leurs créations fut, toujours à Katamon, le superbe Centre Rennert. Il abrite une école Talmudique qui accueille 1 000 élèves par an (2), Yad Rahel, destiné à l'apprentissage de la lecture et à l'aide scolaire et psychologique pour les petits ; des classes pour jeunes Éthiopiennes en préparation du baccalauréat hébergées dans des studios. Enfin un auditorium est dédié à la mémoire de Jean Louis Trèves, décédé en 1990, et encore une cafeteria, espace d'accueil et de convivialité.

Le Centre Rennert à Jérusalem

Depuis cette époque, nombreux sont les amis de Lili et de Micheline en diaspora, tout comme les membres de la Copération féminine dans le cadre d'un projet affecté de l'AUJF, qui ont à cœur de contribuer à cette réalisation remarquable qui a fait école dans d'autres villes d'Israël.

La vie à Jérusalem avait plongé Micheline Trèves dans un milieu plus religieux que l'est Copernic, aussi s'était-elle mise avec ferveur à l'étude des textes et à la pratique des traditions.

Elle a eu le bonheur de vivre très entourée par ses nombreux amis, ses enfants et ses douze petits-enfants auxquels elle a voué une attention et une affection exceptionnelles. La naissance de son premier arrière-petit-fils fut son dernier rayon de lumière : il s'appelle Or.


Notes :
(1) Robert Weill était le fils d'Albert Weill et son successeur à la tête de la célèbre maison de prêt-à-porter WEILL (ndlr).  Albert Weill était originaire de Réguisheim (Haut-Rhin), et il fonda son premier atelier à Paris en 1892.  Retour au texte
(2) L'Institut Matan d'études juives accueille presqu'exclusivement des étudiantes de sexe féminin (ndlr).    Retour au texte

Merci aux enfants de Micheline Trèves de nous avoir confié les photos qui accompagnent cet article.


Dirigeants Personnalités Accueil
 judaisme alsacien

© A . S . I . J . A .