Liliane KLEIN-LIEBER
par Barbara Weill
1924 - 2020


Liliane Lieber naît en 1924 à Strasbourg dans une famille juive de vieille souche alsacienne, originaire à la fois du Haut et du Bas-Rhin : sa mère, Germaine, née Wormser, était née à Colmar et son père, Ernest Lieber, né à Barr quitte la campagne pour s’installer à Strasbourg. Ils se marient en 1919, et sa sœur Jacqueline naît en 1920.

La famille appartient à la grande communauté juive consistoriale, mais sa pratique du judaïsme relève d’avantage de ce que l’on appelle, de nos jours, le judaïsme libéral. "Nous nous considérions alors comme de bons Français israélites, devenus, au fil des ans et des événements, Français juifs et enfin Juifs français."

Sa mère suit de très bonnes études primaires, secondaires puis de secrétariat-comptable, étant parfaitement bilingue-français-allemand, elle entre rapidement dans la vie professionnelle.
Son père est un travailleur acharné, qui crée un important négoce de grains, une malterie et une vinaigrerie. Ses qualités ayant été reconnues par ses pairs, il est nommé Juge au Tribunal de Commerce de Strasbourg. Homme rigoureux et de devoir, il est d’une grande générosité en faveur des œuvres juives et locales, agissant avec une extrême discrétion.

Au début des années 1931, Liliane adhère au Mouvement des Éclaireurs Israélites de France (E.I.F.), où elle reçoit le totem de "Luciole".
"Je leur en serai éternellement reconnaissante, car nos chefs étaient des femmes et des hommes de grande valeur, dont les noms se retrouvent à travers l’histoire de la seconde guerre mondiale. Ils nous ont enseigné, par l’exemple, ce que signifient les mots : fraternité, solidarité, hospitalité, courage."

Les années de guerre

Après l'évacuation de Strasbourg (3 septembre 1939), Liliane se réfugie à Vichy avec sa mère et sa sœur. Son père est mobilisé dans l'Armée française. Puis la famille se déplace à Grenoble, alors que le père est parti pour les USA et ne parviendra pas à obtenir qu'elles le rejoignent.

En août 1942, lors des rafles en zone sud, Liliane, cheftaine chez les EI est recrutée par Henri Wahl et Robert Gamzon pour participer à la "Sixième", le réseau clandestin issu des Eclaireurs israélites (EIF). Sous le nom de Lyne Leclerc, elle devient assistante sociale pour la région de Grenoble cache les adolescents en danger, et leur procure de faux papiers. Une de ses tâches essentielles est de maintenir avec les jeunes "planqués" un contact permanent, pour prévenir chez eux tout sentiment d'abandon, ainsi que pour assurer le maintien de leur identité juive.
"Filles et garçons nous arrivaient de divers côtés. Les uns nous étaient adressés par le réseau Garel, d’autres par les organisations Juives des deux zones ; d’autres encore nous étaient confiés directement par des parents juifs étrangers qui avaient pris la décision courageuse de se séparer de leurs enfants pour les mettre à l’abri du danger. Hélas, plus d’un enfant sauvé s’est retrouvé orphelin à la Libération. La proximité de Grenoble nos a rapidement amenés à organiser des convois jusqu’à la frontière et au-delà, afin de faire passer les enfants en Suisse, notamment avec le concours de Georges Loinger", écrit-elle.


Liliane Klein-Lieber pendant la guerre
Lors des vacances d'hiver 1943-44, Liliane a la possibilité d'organiser avec Moussia Rubel et et Théo Klein un inoubliable séjour à la neige, dans une maison du Sappey (Isère), louée par les EIF. Il lui arrive aussi de se rendre au camp d'internement de Rivesaltes, où Andrée Salomon, internée volontaire au titre de l'OSE, lui confie des enfants afin de les amener à Moissac.

Au printemps 1944, Liliane et sa mère passent en Suisse. A la Libération, elle revient en France et retrouve les adolescents, dont elle a eu la charge et pour beaucoup devenus orphelins. Elle continue à les accompagner pour qu’ils entrent dans les meilleurs conditions possibles dans la vie active.

Installée à Paris, elle passe les baccalauréats et suit une formation au secrétariat. En décembre 1944 elle épouse Théo Klein, qu'elle a rencontré dans la Résistance ; le couple aura trois fils (et sept petits-enfants).

La Coopération féminine

Liliane Klein-Lieber reste en contact étroit avec les EIF. C’est dans ce cadre qu'elle se lie avec de nouvelles amies, parmi lesquelles Jacqueline Lévy-Willard, Micheline Trèves et Aline Munnich, avec lesquelles elle s'investit très activement dans la vie associative. Cet engagement aboutit en 1965 à la création d’un mouvement de femmes bénévoles : la Coopération Féminine.

Le mouvement est affilié au Fond Social Juif Unifié. Il a pour objectif d’agir au profit des Juifs en difficultés diverses et de tout âge, rescapés de la Shoah notamment, et, dès 1962 en faveur de l’arrivée massive des Juifs d’Afrique du Nord. "Je finirai bientôt par m’investir totalement dans la vie associative qui me passionne. L’attention portée tant aux personnes âgées isolées, à l’enfance et l’adolescence en difficultés scolaires, ainsi qu’aux jeunes retraités afin de leur procurer activités et formations diverses : aux langues, au bridge, au scrabble etc. et encore, des visites aux détenus, et puis la création d’une association de familles de handicapés, toutes activités exercées par les bénévoles après une formation adaptée." Mais elle considère que le plus beau joyau, créé en 1991 par la Coopération Féminine, est un Centre d’Aide par le Travail, un CAT, appelé désormais ESAT, Les Ateliers de la Coopération, qui accueille, à ce jour 67 travailleurs handicapés mentaux légers.

En 2003, ayant accompli trois mandats de cinq ans en qualité de présidente de la Coopération féminine, elle la quitte, mais reste active par le biais de l’Association des Amis du CAT, dont l’objectif est de fournir, aux Ateliers de la Coopération et à ses travailleurs, ce qui ne peut être pris en charge par les Pouvoirs Publics : bourses de vacances, organisation de fêtes, aide financière à certains travailleurs en voie d’autonomisation, financement d’activités artistiques, culturelles et de plein air, primes d’encouragement, et au besoin, travaux de remise en état de leurs lieux de travail .

Liliane Klein-Lieber a représenté le scoutisme féminin à l’UNESCO ; elle a siégé au Conseil National des Femmes Françaises (CNFF). Dans les années 2000, elle a présidé l’Association des Enfants Cachés, créée en 1991. C'était aussi une membre active des Anciens de la Résistance juive en France.
Elle était chevalier de la Légion d’honneur et titulaire de la croix de Combattant volontaire de la Résistance.
Liliane Klein-Lieber meurt le 8 juillet 2020 à l’âge de 96 ans.

Lire l'autobiographie de Liliane Klein-Lieber
sur le site de l’Association des
Amis de la Fondation de la Résistance
Mémoire et Espoirs de la Résistance.

Liliane Klein-Lieber raconte ses souvenirs de guerre aux membres du AG des EEIF
13 septembre 2014

Le 5 juillet 2021, une plaque en l’honneur de Liliane Klein-Lieber a été dévoilée devant son domicile, square Moncey dans le 9ème arrondissement,
en présence de représentants de la Ville de Paris et de représentants des EEIF- documents fournis par Jérémie Haddad
 


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