Lazare LANTZ
1823 - 1909

Lazare LanzLazare Lantz naît à Mulhouse le 25 septembre 1823. Il est le fils d'Elie Lantz et de Richardine Benedickt, originaire de Sarrebruck. Après ses études au collège de la ville, il entre dans l'établissement fondé par son père, qu'il dirigera avec ses frères et associés Isaac et Benoît, et son beau-frère B. Dreyfus.

Lazare Lantz se signale par l'importance de son engagement dans les institutions locales et dans la communauté juive :

À la mémoire de Lazare Lantz
Moïse Ginsburger

Lorsqu'il y a environ trois mois Lazare Lantz donnait, à cause de son âge avancé, sa démission de Président du Consistoire israélite de la Haute-Alsace, nous espérions que, grâce à sa robuste constitution, il jouirait pendant de longues années encore, du repos et du bonheùr au milieu de sa famille ; espoir qui malheureusement ne s'est pas réalisé. Une mort très-douce et très-soudaine enlevait le dimanche 31 janvier, à 3 heures du matin, Lazare Lantz, à l'affection des siens.

Lazare Lantz était né le 26 septembre 1823. Sa famille était originaire de Fröningen en Alsace, et au dix-huitième siècle déjà, l'un de ses ancêtres Hirtz Lazarus remplissait entre autres fonctions celle de membre de la commission du cimetière de Jungholz.

La famille Lantz s'établit à Mulhouse au commencement du dix-neuvième siècle. Le défunt, après avoir fait ses études au collège de cette ville, entra très jeune encore dans la maison de son père, Elie Lantz. Bientôt il prit lui-même la direction des affaires et sut par son ardeur au travail, par ses remarquables capacités, développer la maison qui acquit une grande importance.

Lazare Lantz prit de bonne heure une part active aux affaires, publiques. La première fonction qu'il remplit fut celle de membre, puis pendant plus de quarante ans de président du Conseil d'Administration de la Caisse d'Epargne. En 1860 il entra au Conseil municipal où il siégea sans interruption jusqu'en 1902 et rendit à la ville de Mulhouse de signalés services.

Le Gouvernement français l'avait nommé Chevalier de la Légion d'honneur en 1871. Lazare Lantz était Vice-Président du Syndicat des Imprimeurs alsaciens, Vice-Président de la Chambre de Commerce, Président du Conseil de surveillance de la Banque de Mulhouse, dont il avait été l'un des fondateurs et à la prospérité de laquelle il n'avait cessé de s'intéresser jusqu'à son dernier jour... Il était encore Président du Conseil de surveillance des établissements Schaeffer & Cie., Koechlin, Schmidt & Cie., Frey & Cie., Dreyfus-Lantz & Cie., Risler & Cie. à Cernay, et membre actif de nombreuses sociétés et corporations.

Lazare Lantz s'occupa avec une ardeur toute particulière et un dévouement que l'âge n'avait pas diminué, du relèvement moral et intellectuel de ses coreligionnaires, ainsi que de l'amélioration de leur condition matérielle. Pour se rendre un compte exact de l'œuvre accomplie dans ce domaine, il faut se reporter à ce qu'était il y a plus d'un demi-siècle la vie de nos communautés. Les Juifs alsaciens habitaient en majeure partie les villages et s'occupaient du commerce de biens, de bestiaux ou étaient colporteurs, sans essayer de progresser, ni de relever leur niveau. Dans les villes, telles que Colmar ou Mulhouse, les idées réactionnaires et ultra-orthodoxes régnaient presque exclusivement. On avait été jusqu'à porter plainte auprès du Ministre des Cultes de ce qu'un des rabbins les plus savants du pays eût osé enseigner la grammaire hébraïque pendant le cours d'instruction re­ligieuse et on ne demandait rien moins que sa destitution.

C'est alors qu'à l'instigation du très distingué Président du Consistoire, Léon Werth, la Société philanthropique fut fondée, société qui avait pour but le développement intellectuel, social et moral des Juifs de la Haute-Alsace.

Mais cette société n'aurait eu aucune chance de réussite s'il ne s'était trouvé un homme pour en réaliser le programme. Cet homme, dont le zèle ardent, dont l'amour profond pour ses coreligionnaires vivant dans la stagnation religieuse et économique la plus complète, ne se laissèrent rebuter par aucun obstacle, fut Lazare Lantz. Son caractère droit et ferme, ses vues profondes, sa situation sociale considérable le désignèrent pour mener le plan conçu à bonne fin. Par une heureuse coïncidence, c'est le 25 mai 1844 que parut l'ordonnance qui nous régit aujourd'hui encore, ordonnance qui accordait aux laïques des pouvoirs presqu'illimités au sein des Consistoires. Aussi, grâce à l'appui des lois, grâce surtout à ses qualités personnelles, Lazare Lantz acquit-il rapidement, malgré sa jeunesse, une influence prépondérante et sut-il amener les communautés à travailler à leur perfectionnement.

L'Ecole professionnelle israélite fut fondée à Mulhouse et nous n'avons pas besoin d'exposer longuement ici quelle sainte et saine influence elle a exercé et exerce encore sur nos coreligionnaires pauvres ou malheureux. Qu'il nous soit permis seulement d'ajouter que pendant un demi-siècle la famille Lantz consacra plus de trois millions à soutenir et à développer cette œuvre que le défunt considéra toujours comme le plus beau fleuron de sa couronne.

La création de l'Hospice-Hôpital israélite suivit de près et ses pensionnaires surent toujours reconnaître la bonté et la charité de la famille Lantz.

C'est encore à la même époque que Lazare Lantz considéra comme un impérieux devoir de rétablir par une administration énergique et sage, l'ordre et l'union dans les communautés juives alors profondément divisées. On a parfois reproché à Lazare Lantz d'avoir été trop loin, on a trouvé qu'il aurait dû donner aux communautés plus de liberté, plus d'indépendance, plus d'autonomie. Ce reproche n'est pas fondé, car il a fallu pendant les premières années appliquer un régime sévère et plus tard Lazare Lantz ne se crut pas autorisé à accorder des droits en contradiction avec les lois.

C'est certainement à son grand âge que nous devons attribuer le fait qu'il n'a pas été possible d'obtenir son appui pour la réorganisation si désirable de notre culte, car il est hors de doute que Lazare Lantz était libéral, au sens le meilleur et le plus profond du mot. Il détestait toute tutelle, il honorait et appréciait toute conviction sincère, fût-elle même en contradiction avec son opinion personnelle et jamais il n'eût songé à reprocher à un rabbin ou à tout autre fonctionnaire du culte, ses idées particulières. C'est ce point de vue qui explique la satisfaction de Lazare Lantz lors de la fondation de la "Wochen­sdrift". Il en suivait les progrès avec la plus vive sympathie, était heureux de son succès et nous savons qu'il se faisait apporter le journal dès son arrivée et demandait souvent qu'on lui copiât de longs articles qui l'intéressaient tout particulièrement.

L'étude de l'histoire des Juifs d'Alsace fut aussi pour Lazare Lantz un plaisir délicat et il soutint toujours avec empressement ceux qui cherchaient et glanaient dans le passé. Aussi la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace-Lorraine l'avait-elle, il y a quelques années, choisi comme Président d'honneur et lui avait-elle dédié l'histoire des Juifs de Rouffach, écrite par son secrétaire.

L'amélioration du sort des fonctionnaires du culte fut encore une des constantes préoccupations de Lazare Lantz. Il avait créé dans ce but, une Caisse de secours pour les veuves et orphelins des rabbins et des ministres officiants, ainsi qu'une Caisse de retraite et ce fut pour lui un vif regret de n'avoir pu, avant d'abandonner ses fonctions au Consistoire, achever l'accord avec le Gouvernement au sujet de l'augmentation des traitements des rabbins et des ministres officiants.

Il sentait que ses forces commençaient à décliner, il sentait la nécessité de restreindre le champ de son activité et voulait se consacrer davantage au cercle plus étroit de sa famille. Le Tout-Puissant ne lui a pas permis de goûter longtemps un repos si mérité. Lazare Lantz a dû se soumettre à l'appel du Maître des Mondes : "Raw Loch" Assez ! Mais si ses restes mortels nous ont été enlevés, son nom restera dans notre histoire comme celui d'un Juif religieux, d'un bon citoyen et d'un homme de noble caractère. Puissent ses enfants à qui nous envoyons nos profondes condoléances, trouver dans ces souvenirs apaisement et consolation.

Les obsèques ont eu lieu le mardi 2 février 1909 à 2 h. 1/2.
Les enfants de l'Orphelinat de la rue du Bourg, conduits par des sœurs de Niederbronn et les élèves de l'Ecole professionnelle israélite précédaient le corbillard. Après la famille, suivait un imposant concours d'amis, de représentants du Commerce, de l'Industrie, du Gouvernement, du Conseil municipal, du clergé des différents cultes, de nombreuses sociétés et corporations.
Le cortège funèbre se dirigea par la Place de la Réunion - où par une touchante pensée, l'Administration avait désiré que Lazare Lantz passât une dernière fois devant la mairie et la maison Lantz frères, auxquelles il avait consacré tant d'années de sa vie - vers la Synagogue décorée simplement, mais avec goût.
Après des psaumes chantés par le premier Ministre-officiant Kahn, accompagné par le chœur, le Grand Rabbin Weill de Colmar et le Rabbin Blum de Mulhouse prononcèrent l'oraison funèbre du défunt.

Le cortège se rendit ensuite au cimetière. Devant la tombe ouverte M. Eugène Favre prit la parole en qualité de Président du Conseil de Surveillance de la Banque de Mulhouse et rappela les services rendus par Lazare Lantz à cette institution.
M. Théodore Schlumberger, au nom de la Chambre de Commerce, retraça tout particulièrement la grande part prise par Lazare Lantz à l'élaboration des tarifs douaniers après la guerre. Après lui, M. A. Haas, Président du Comité de direction de la Banque de Mulhouse dit un dernier adieu ému à son collaborateur de tant d'années. Monsieur le maire Klug parla principalement de l'activité de Lazare Lantz au Conseil municipal, de ses vertus ci­viques, des services rendus à la ville, de la part prise, en compagnie d'hommes éminents, aux négociations avec Bismarck et Thiers en 1871.
M. de Lacroix, au nom de la Société Industrielle ; M. Alph. Gintzburger au nom de la Communauté israélite et de la Caisse d'épargne ; M. Sylvain Bernheim au nom de la Commission de l'Hôpital israélite, rappelèrent les services rendus par Lazare Lantz. M. Th. Boch, dans un discours de forme élégante et de fond solide, parla du libéralisme et du rôle politique de Lazare Lantz. Enfin M. Aron Mook, au nom du personnel de la maison Lantz frères, dit un dernier adieu au chef aimé et vénéré qui, jusqu'à son dernier jour, avait .été l'âme de la maison.

Des allocutions de M. J. Gintzburger, Président du Consistoire de la Basse-Alsace, des Grands Rabbins Uhry de Strasbourg et Netter de Metz précédèrent les prières rituelles. Puis le cercueil descendu dans la tombe, la cérémonie était terminée et l'assistance émue quitta le champ de repos, tandis que nous songions à la phrase du poète :

Ah ! vous avez enseveli un homme bon
Pour nous il était plus encore.
Qu'il repose en paix !          


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