Lise HANAU


Biographie

Les deux
feuilles
(récit)

 


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Les deux feuilles…
Lise Hanau (Schlanger)

 

Elles sont là… dans mon appartement à Beit Bart… Elles sont toutes deux encadrées dans un même cadre simple et blanc.


Ces deux feuilles ont une place spéciale dans ma chambre. Une place spéciale dans mon cœur. Ces feuilles faisaient partie d'un livre de Seli'hoth (1). Un livre de Seli'hoth qui se trouvait dans la grande synagogue de Strasbourg, située au quai Kléber – depuis 1898 jusqu'au 12 décembre 1940, date à laquelle elle fut incendiée et rasée par les nazis qui ont à ce moment occupé la ville de Strasbourg et toute l'Alsace. Dans la ville, il ne se trouvait (à ce moment-là) aucun Juif. Ils étaient tous dispersés à travers la France, pour la plupart en Dordogne, mais ils étaient tous au courant de cette tragédie : l'incendie et la démolition de leur grande synagogue. Et dans leurs cœurs ils savaient qu'avec l'aide de D. ils la reconstruiraient plus belle qu'avant.

Après la guerre de 1939-1945, je ne suis pas retournée à Strasbourg. j'avais vu tant de choses pendant cette guerre en France que j'ai décidé de partir en Palestine, pour aider à construire un Etat où les Juifs seraient chez eux et ne subiraient plus jamais le sort qui avait été pour beaucoup d'entre eux la déportation et la mort.

Je suis donc partie en juillet 1945, par le premier bateau qui quittait l'Europe pour la Palestine, avec les premiers Olim (immigrants), parmi lesquels un groupe de jeunes rescapés du camp de Buchenwald, dont faisait partie un tout jeune garçon, il s'appelait Israël Meïr Lau… par la suite grand rabbin de Tel Aviv (2) !

Je me suis vite et bien adaptée dans mon pays, et l'hébreu est facilement devenu ma langue.

Deux ans après, en août 1947, je reviens à Strasbourg pour assister au mariage de ma jeune sœur Odette za¨l. Il faut bien sûr que j'assiste à la joie familiale, la première rencontre avec toute la famille après la guerre, et ce furent d'heureuses retrouvailles.

C'est pendant ce séjour à Strasbourg que je rencontre en ville une ancienne camarade de classe, Athénée Pallass. Elle est aussi heureuse que moi ! Aussitôt après les premières minutes d'émotion et d'embrassades elle me dit : "Lise, j'ai quelque chose pour toi – pouvons-nous nous rencontrer demain ? Même heure, même endroit !" Le rendez-vous est pris.

Le lendemain nous nous retrouvons. Athénée est très émue… Elle ouvre son sac, en retire une enveloppe qu'elle me tend, et me dit : "J'ai de tout mon cœur espéré te rencontrer, te revoir vivante après cette terrible guerre. Tu sais que la grande synagogue a été incendiée, saccagée par les Allemandes… j'en étais si malheureuse pour toi, pour tous les tiens… Le lendemain, je suis retournée sur les lieux… je voulais trouver quelque chose que je puisse un jour te remettre, quelque chose de "ta" synagogue", me dit Athénée, "et voilà cette enveloppe pour toi". Je l'ai prise, le cœur battant.

Dans l'enveloppe se trouvaient ces deux feuilles, ces deux pages de Seli'hoth… pages partiellement rongées par le feu mais encore bien lisibles. Pages fragiles mais si éloquentes. Elles ne m'ont plus quittée. Elles sont pour moi aujourd'hui, comme lorsque je les ai reçues, la preuve que l'Eternel ne se laissa pas détruire, que Sa Parole reste vivante et vraie malgré le feu et la cendre.

Merci aussi à mon amie pour son grand courage et son amitié.

Lise Hanau
Jérusalem, avril 2007
Notes :
  1. Les Seli'hoth sont des prières pour implorer le pardon, qui sont dites au mois de Tishri et pendant les jours de jeûne.    Retour au texte
  2. Le Rabbin Israël Meïr Lau a été également grand rabbin d'Israël entre 1993 et 2003.    Retour au texte


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