Schevouoth, une fête sans symbole
Dr. Ernest Meyer
Article paru le 28 Iyar 5691 - 16 mai 1931


Chers amis,
Avez-vous déjà réfléchi à ce fait que la fête de Schevouoth qui va être fêtée sous peu ne comporte aucune cérémonie spéciale, aucun symbole ?
Vous n'ignorez pas que Pessach a ses trois symboles, Pessach, Mazauth et Moraur. Vous savez que Soukoth est caractérisé par la Soukoh, et les quatre espèce du Loulow. Pourquoi la fête de Schevouoth, la fête de la plus belle saison, où cependant il y a large faculté le puiser dans la nature verdoyante ainsi que parmi les multiples produits de la moisson, battant plein en Palestine, reste toujours nue, sans parure, au moins en dehors du Temple ? En réponse, je pourrais vous invoquer de multiples raisons.

D'abord la raison simple que notre Pentecôte ne remémore pas un fait historique, se rapportant à l'affranchissement d'Israël,et à sa marche dans le désert. Pour les autres fêtes, la bible nous indique ce motif.

Ensuite, nous pourrions alléguer que Schevouoth doit nous rappeler uniquement comme fait historique la révélation au peuple israélite entier, l'apparition de l'Etre suprême sur le mont Sinaï. Tout emblème commémoratif aurait pu dans la suite des temps être détourné de sa première signification et interprété dans le sens d'une personnification de cette apparition. Vous n'ignorez pas que le fait est arrivé avec le signe de la croix.

En troisième lieu, il faut prendre en considération que la fête de Schevouoth n'est pour ainsi dire que le complément des fêtes de Pâque, tout comme le Schemini-Atzereth forme le complément de Soukoth. Ce Schemini-Atzereth aurait dû tomber selon la tradition également sept semaines après Soukoth, et n'a été avancé que pour épargner aux croyants le pèlerinage à Jérusalem pendant la mauvaise saison. Comme clôture de Pâque, Schevouoth a donc pu se passer d'un symbole particulier, aussi bien que Schemini-Atzereth. Mais toutes ces raisons restent au second plan, ne pouvant nous satisfaire entièrement.

Visons plus haut ! Que signifie pour nous Schevouoth ? Après avoir compté sept jours depuis notre affranchissement physique, nous sommes appelé à fêter notre affranchissement spirituel et moral. Et cet affranchissement doit résulter de la révélation au Sinaï.

N'est pas libre l'homme qui se permet de faire tout ce que bon lui semble, qui ne craint ni la Divinité ni l'homme. S'il a l'illusion de la liberté, c'est une fausse illusion, une fata morgana. Il est plus esclave que jamais. Il est esclave de ses penchants, de ses instincts, de sa bestialité. Il est sujet à toutes les vicissitudes de la nature. Il est esclave de son égoïsme. Il reste l'esclave de ses égaux, étant à la merci du plus fort. La nature créant des chétifs et des malheureux, il n'existera pas de collectivité à leur venir en aide. En somme l'homme, tout libre et affranchi qu'il soit, serait l'être le plus malheureux qui existe. La bête qui, elle aussi, jouit de cette sorte de liberté, est toujours moins malheureuse que lui, puisqu'elle au moins n'en a pas conscience.

Il nous faut une autre liberté, non pas cette liberté quasi bestiale, mais une liberté, un affranchissement spirituel, pour ainsi dire divin. Cette liberté nous est garantie pourvu que nous suivions les sages conseils que notre Seigneur nous a donnés au Sinaï. Pour nous en convaincre analysons la portée des dix commandements.

L'Etre suprême proclame dès le début sa souveraineté absolue dans ce monde. Il se déclare libérateur du joug de l'oppression. Ainsi il nous délivre de la crainte du plus fort qui n'est lui aussi qu'un instrument dans sa main.

Il se déclare Unique, aucun être humain ne pouvant invoquer l'aide d'un autre être supérieur, lui donnant un droit sur ses semblables.

Il ne veut pas être adoré sous une forme visible, ces formes pouvant conférer au détenteur une autorité non justifiée.

Il ne veut pas être invoqué par son nom dans des buts égoïstes.

Il nous impose la sanctification du Shabath, en souvenir de la création du monde, de notre dépendance vis-à-vis de notre Créateur, ainsi que de la sortie d'Egypte. Le Shabath nous rappelle donc que nous ne sommes pas maîtres absolus de la nature, de nos biens, encore moins maîtres de nos semblables.

Il nous recommande le respect de nos parents, et le respect de leurs traditions, nous garantissant l'éducation nécessaire et indispensable pour nous permettre de vivre à côté de notre prochain.

Il nous interdit de nous débarrasser de notre prochain qui nous fait encombre, de lui ravir sa conjointe, de faire violence à notre prochain, en en faisant notre esclave, de fournir un faux témoignage contre lui pour lui arracher son bien, enfin de convoiter sa fortune, convoitise entraînant une animosité haineuse contre notre prochain.

Le vrai affranchissement de l'humanité ne se conçoit que sur la base de ces dix commandements. Quel symbole extérieur aurait pu exprimer cette vérité ?


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