Tora 'im derekh eretz
en souvenir de Jacques (Bô) Cohn.
(1916-1974)
par Eliezer Shavit


Jacques Cohn Tout paraît plus facile aujourd’hui en Israël. Mais n'est-ce point là encore une illusion ? Le nouvel immigrant, de nos jours, retrouve aussitôt sa culture une fois assis devant sa télévision. Les avions vont et viennent si vite, et de partout ! A la rigueur, on peut d’Israël, faire tourner son entreprise située à Marseille, Londres ou Genève. L’immigrant des années 50 et même 60 n’avait pas de tels privilèges.

La réalité change donc constamment. Il fallait auparavant chercher des structures d'accueil, c’est à dire : des gens en place. Peut-être sommes nous passés, surtout dans le domaine professionnel de la “protectia ” au libre marché.

Cette introduction pour en arriver à une vérité simple : chacun a des dettes de coeur, de reconnaissance, car s'ils étaient nombreux à aider du bout des lèvres, peu étaient ceux qui le faisaient du fond du coeur.

Pour ma part, surgissent deux noms, celui de Maurice Bernsohn, un ancien de Neve Ilan, et celui de Jacques Cohn, décédé prématurément, à l'âge de cinquante-huit ans à Jérusalem. Ces lignes lui sont consacrées.

Un dévouement, une fidélité sans failles envers ses amis, une détermination à aider les autres, tels sont les mots qu’on entend lorsqu’on évoque son souvenir. Un homme qui s’est dépensé sans compter pour aider les autres. Sans chronomètre en main.

Jacques Cohn est né à Strasbourg, dans une famille orthodoxe, membre de la synagogue Kagueneck. Elève brillant, il termina ses études de philosophie en 1939 à l'Université de Strasbourg juste avant la seconde guerre mondiale. Claude Lévy raconte encore avec émotion comment Jacques Cohn, son ami de toujours, le recruta pour Yeshouroun, au grand dam des E.I.et de Chameau. Mais en réfléchissant un peu, on peut comprendre que les jeunes de la Kagueneck étaient plus proches de l’idéologie du mouvement Yeshouroun, Tora 'im derech Eretz (Torah et ouverture au monde) que du scoutisme.

Très actif, Jacques Cohn le fut toujours, tout au long de sa vie, travaillant avec méthode et imagination. Très actif pendant la guerre : il donna et fit circuler des cours de matières juives, notamment sur la “Parasha” de la semaine, pour les jeunes d'Alsace réfugiés en Haute-Vienne et en Dordogne. Mais surveillé par la censure, il sera mis en résidence forcée. Actif, il le sera aussi dans le cadre de l’O.S.E. (Organisation de Secours aux Enfants) avec une participation au Maquis E.I. de la Montagne Noire.

Chameau, dans son livre Souviens-toi d'Amalek écrit notamment : "la guerre terminée, Jacques Cohn reprendra sa place à l'O.S.E. mais cette fois à Paris. Il n'est plus seul. Il a connu dans la clandestinité une des collaboratrices de l'O.S.E. de Lyon, Margot Kahn, qui fit merveille dans l’équipe du circuit Garel (dispersion des enfants)".

Claire Lévy, qui fut pendant trois ans sa secrétaire, d'abord à Limoges, puis à Paris, a gardé pour son premier patron une grande admiration. A la tête de l'O.S.E. comme directeur pédagogique, il a compris très rapidement qu'il fallait mettre tout en oeuvre pour que les enfants sans parents puissent réapprendre à vivre, pour qu’ils soient orientés vers des professions qui les intéressent. Et d’ajouter : "il a eu des traits de génie en plaçant a la tête des maisons d’enfants des directeurs de valeur, tant sur le plan religieux qu’humain, tels que les Samuel à l'Hirondelle et les Goldschmidt à Versailles, pour exemple".

Au début des années 50, Margot et Jacques Cohn montent en Israël avec trois jeunes enfants. C’était à la fois un recommencement, tant les possibilités du pays étaient limitées, qu’une reprise de son travail pédagogique au sein de l’Alyat Hanoar (le Département de l’Alyah des Jeunes de l’Agence juive). Quant à Margot Cohn, elle devint la secrétaire du grand philosophe Martin Buber.

Articles de Jacques Cohn sur notre site :
En Israël comme en France, Jacques Cohn travailla avec la même intensité, en innovant toujours. Binem Wrzonsky apporte un fervent témoignage, d’abord comme adolescent, rescapé de Buchenwald, puis en tant que moniteur à l’O.S.E. et enfin comme directeur d’un grand établissement de l’Alyath Hanoar et du Ministère de l'Education en Israël. "Jacques Cohn m’a beaucoup impressionné, dit-il, aussi bien en France qu’en Israël par cette volonté de changer les habitudes, les normes en vigueur. Il avait une attitude révolutionnaire qui l’amenait à voir en premier lieu le bien de l’individu, à s’intéresser à lui en tant qu’individu en le sortant du groupe. Il refusait l’idée qu’un enfant de l’Alyath Hanoar n’ait le choix qu’entre le kibboutz ou le moshav. D’où son souci constant, nous rappelle Binem d’un dialogue avec les directeurs, les moniteurs et les enfants. Et parfois même, pour mieux observer, il passait la nuit au Mossad. Toutes ses observations, il les notait dans son célèbre petit carnet noir." 

Animateur de jeunesse, directeur pédagogique de l’O.S.E. en France, Inspecteur pédagogique de l’ Alyath Hanoar en Israël, Jacques Cohn a su donner un sens profond à sa vie. Conseiller, aider, orienter, avec tact et intelligence dans l’esprit de Yechouroun : Tora im derech Eretz. Nous sommes nombreux à le remercier encore pour le temps qu’il nous a consacré, sur le compte de son temps libre, et celui de sa famille. Plus de vingt ans après sa disparition, son souvenir reste très vivant.


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