Suite



C
ependant les travaux de construction avançaient et, au mois d'octobre, la synagogue était en train de recevoir sa charpente, lorsque les élections eurent lieu. Les membres de la Communauté avaient tenu à accélérer l'ouvrage, afin que le Conseil, même hostile, fût mis devant un fait accompli, et n'eût plus d'autre issue possible que d'autoriser purement et simplement le culte. Les hommes pieux -ils étaient légion en cette modeste époque- se relayaient pour soutenir les ouvriers et leur prêter main forte.
Pose de la premiere pierre
Pose de la première pierre de la synagogue de Wissembourg
coll. © A. et M. Rothé
Tout devait être prêt le jour du scrutin. Et effectivement, il n'y eut plus que la décoration interne, les vitres, et deux, trois petits détails qui manquaient lorsque le sort, aidé par maint pot-de-vin et de sensibles pression, portant à la tête du Conseil de ville, Monseigneur Antoine Aepimann, ancien bailli, suivi d'une clique d'aboyeurs gagés et de politiciens étrangers au village. Le jour même, ces Messieurs adressèrent au Roi une épître fleurie de comparaisons dithyrambiques, qu'ils jugèrent pourtant plus sage de garder dans leurs tiroirs "car Paris n'est pas sûr". Leur deuxième décision fut arrêtée le surlendemain, un samedi après la Toussaint. Elle fut immédiatement mise à exécution dans ce sens que les magistrats municipaux au grand complet firent irruption dans la synagogue neuve, au milieu de l'office du septième jour.

"Au nom du Roi", cria le maire…

Mais à ce moment, un grondement remplit la nef, et tous les hommes qui enroulés dans leur talith, ressemblaient, vus de dos, à des fantômes, se dressèrent sur la pointe des pieds comme une vague, trois fois montante, trois fois descendante. Et le corps municipal, ne voyant pas d'yeux à ce peuple compact, rebroussa chemin et s'enfuit, non sans coller à la porte de la maison la minute de leur acte qui portait que :

"… La maison de prières, illégalement élevée sur l'emplacement le plus voyant du village, à seule fin de contredire la foi chrétienne, par des juifs malintentionnés, serait confisquée par la commune et utilisée pour le bien de l'ensemble comme local officiel des réunions populaires." La prise de possession par les autorités civiles aurait lieu un mois plus tard, soit le second mercredi de décembre.

Ce ne fut dans toute l'assemblée qu'un murmure de deuil, et beaucoup d'entre les hommes durent prendre leur dignité pour s'empêcher de médire des chefs religieux qui les avaient menés à cette catastrophe. Combien d'argent avait été englouti dans cette entreprise grandiose mais avortée ! Combien d'économies chèrement acquises de colportage en colportage ! C'était la faute de ces gens qui n'avaient pas su prévoir, du rabbin Mathias "Ben Jauchenon ha-Kauhen" et de ses cinq fil, les cinq colonnes du Temple, de Léon le plus riche à Lazare le plus modeste, qui avaient tous agit avec énergie sur leurs coreligionnaires pour obtenir d'eux les énormes sacrifices indispensables à cette construction coûteuse ; Pourtant l'on sut se taire et ce fut un grand mérite.

Mais, que ne devait-on pas souffrir ? Dès le dimanche, les conseillers municipaux prétendirent apposer dans le vestibule un crucifix d'ébène, en signe des droits de la commune sur l'édifice ! Grâce à l'intervention du Curé, vieil ami moqueur mais sincère de Mathias, on put éviter ce terrible sacrilège. Néanmoins, il fut inévitable qu'on le remplaçât par une déclaration civique garnie d'emblèmes pittoresques et divers, faisant tous allusion à quelque idolâtrie, qu'on dut se contenter de dissimuler d'un voile à chaque office qu'on continuait crânement à célébrer dans la magnifique synagogue. Hélas, plus pour longtemps !

Tous les dimanches, lorsque Simon le Prêtre, deuxième fils de Mathias, venait prodiguer son enseignement aux enfants juifs dans le vestibule du temple, et que de tout son cœur il leur insufflait le sens des divines paroles, les garnement échappés de la messe envahissaient la salle de classe et, sous les regards impuissants du maître paralysé d'un bras, rossaient, gourmandaient, déchiraient les élèves, les fleurettes d'Israël, puis repartaient comme ils étaient venus et lourds de leur triomphe, en chantant : "Nous danserons dans votre Temple, race de fiers imbéciles."

… Et les larmes qui coulaient sur les visages maigres et roses des petits n'étaient que la manifestation ouverte de tant de pleurs que leurs parents cachaient.

V
ers le premier décembre, le bailli reçut chez lui une visite. C'était un jeune homme maigre et rasé, portant des luettes épaisses, les pieds pris dans des bottes de cheval, et l'habit presque mi. Il avait les cheveux coupés très courts, la chemise sans dentelle et la cravate noire sans ornement, et semblait ne rien voir à droite et à gauche qu'un rêve intérieur.

Le bailli ne quitta plus sa maison ; on dit qu'il était malade.

Un dimanche, le tambour de ville roula plus tôt que de coutume, et appela la population devant le perron de l'Hôtel de Ville. A dix heures sonnantes, l'inconnu entrouvrit la porte massive au marteau de fer ouvragé, s'avança seul jusqu'au balcon de fer vêtu de vigne vierge, et, tirant un papier de sa poche, en fit timidement la lecture.

Les paysans, dont beaucoup ne comprenaient qu'à peine le français, se pressaient pour mieux entendre, ou attendaient la fin avec résignation.

La déclaration était ainsi conçue :

"Nous, Brutus Thouvenot, représentant extraordinaire de l'Assemblée législative, en mission en Alsace, faisons connaître à tous, et en premier lieu aux citoyens de la Commune de Wintzenheim, que le Conseil Municipal de ladite Commune est dissous, que le Maire sera accusé de complot contre la Sûreté de la Nation devant le Tribunal départemental de Colmar et qu'il sera requis cotre lui la peine de mort ; invitions tous ceux qui auraient eu vent des agissements anti-révolutionnaires du sieur susdit, d'en aviser les autorités judiciaires, comme il est de leur devoir, et assumons personnellement la charge de l'administration municipale jusqu'à l'élection d'un nouveau Conseil, qui est fixé au premier dimanche de janvier." (…)

L'enthousiasme fut à son comble chez la plupart lorsqu'on apprit que le rabbin Mathias était cité comme témoin à charge et qu'il pourrait ainsi participer à la publication de la vérité en racontant ce qu'il avait souffert. L'ennemi du peuple élu serait puni comme il convenait, des cruelles supercheries dont il s'était fait l'auteur. Car il ne fallut pas beaucoup de temps pour qu'on se rendît compte que l'inique décret dont il avait fait montre pour justifier sa persécution n'était qu'une grossière falsification commise par le nommé Charles Werner, ancien aumônier des Armées de Bouillé, et résident à cette heure sur l'autre bord du Rhin, dans la cité germanique de Coblence, où il encourageait les hordes d'immigrés à la lutte fratricide contre les patriotes. En fait, un édit royal du 13 novembre avait proclamé l'égalité complète de tous les Français de religion juive avec leurs frères des autres confession, sans qu'il fût encore question d'éliminer de ce droit les Alsaciens ou d'autres israélites, moins fortunées que les négociants de Bordeaux ou d'Avignon. (…)

Le vieux rabbin lui-même semblait changé par le rôle qu'il était appelé à remplir. Lui, d'habitude si méditatif et si grave, il riait souvent avec les enfants dans la rue, et pour les amuser dessinait sur la terre avec la point de son bâton des caractères hébraïques. Le bonheur de se présenter un jour comme le Libérateur de son Peuple, commeun autre Pinches (Pin'has), perçant devant la multitude les entrailles du blasphémateur, l'avait animé d'une ardeur nouvelle.
Cerfberr
Cerfberr

Peu de jours avant le procès fixé au premier lundi de décembre, il reçut une lettre du grand Cerfberr, qui le félicitait de la chute des ennemis de leur foi et lui disait son intention de venir personnellement à Colmar pour entendre sa déposition, le jour où la justice civile châtierait sans égards les privilégiés qui avaient abusé des faibles. "Ce jour-là sera pour tout le monde civilisé une date de lumière et de splendeur. Et cela réjouira le cœur de voir enfin un juif, monté du banc des accusés, sur lequel nous avons dû jusqu'à présent nous taire tendre un index veneur du haut de la barre des témoins, sur l'un des tortionnaires de sa race."

A
l'aube du lundi suivant, le vieux rabbin, emmitouflé dans sa pèlerine râpée, abordait le champ de neige sur le seuil de sa maison et s'en allait tout seul sur la grand-route blanche pour atteindre le chef-lieu du département. Les sapins penchaient leurs branches jusqu'à terre et parfois, laissant tomber un paquet floconneux, se redressaient brusquement. La lune brillait encore car elle était près de son dernier quartier. Le vieillard marmonnait des prières en fichant courageusement ses bottes dans le tapis moelleux qui s'affaissait sous son poids menu.

La salle de justice était sombre et grande. Antoine Aepimann avait l'air triste et découragé ; un bouton d'or manquait à sa veste. Le président du Tribunal était grognon et pressé. Le procureur énuméra son réquisitoire, toutes les incartades de paroles et de gestes que s'était permises l'accusé, concluant que son attitude anti-révolutionnaire était indéniable. Quant aux faits précis qu'on pouvait lui reprocher, cela se réduisait à sa collusion avec le ci-devant aumônier Werner, traître à sa patrie, collusion prouvée par l'emploi d'un faux décret contre les citoyens de confession judaïque. La mort sur l'échafaud devait sanctionner cet odieux forfait, et servir d'exemple à toute la population alsacienne.

Le public, composé de gaillards hirsutes et de femmes aux yeux rouges, poussa des cris de haine à l'audition de cette requête et applaudit à rompre les voûtes.

On fit enter le témoin principal. C'était Mathias le prêtre, enroulé dans son châle blanc, les lanières de cuir rituelles lacées autour des bras et sur la tête, spectacle si touchant qu'on oublia de le trouver ridicule. Il parla dans un français échevelé, mais spirituel ; sa langue, trop habituée au judéo-alsacien, donnait à chaque mot la couleur d'un terme hébraïque ou germanique. Voici les paroles qu'il prononça :

"Nebouzaradan, général en chef de l'armée des Chaldéens, après avoir pris d'assaut notre Sainte Ville de Jérusalem à l'époque du premier Temple, fit venir devant lu les Sages les plus estimés de la capitale et leur demanda pourquoi une flaque de sang, dans la cour du sanctuaire, bouillonnait sans relâche. Ils expliquèrent que leurs ancêtres avaient tué, dans un mouvement de rage, un pontife qui dans ses prophéties leur reprochait leurs mauvaises actions.
"Eh bien, dit le chaldéen, je vais voir si je ne puis calmer ce sang assoiffé de vengeance." Et saisissant les magistrats, il les égorgea tous sur la tache sanglante."

Le Président fit un geste d'impatience, mais le vieillard ne parut pas le remarquer.

"Le sang ne cessa pas de bouillonner.
Il fit alors amener tous les prisonniers. Il sacrifia tous les jeunes gens, le sang bouillonnait encore ; toutes les jeunes filles, le sang bouillonnait encore. Il fit massacrer tous les enfants ; le sang ne cessa pas de bouillonner. Il se dit alors :
"Devrais-je les tuer tous, pour que ce meurtre soit expié ?"
Alors le sang devint tout-à-coup calme. Nebouzaradan comprit que cela venait de D.eu. Il pâlit, tourna les talons et s'enfuit. Il se convertit au judaïsme et fut couvert des ailes de la Protection divine.
Pourquoi cette histoire, me demanderez-vous ? C'est que cet homme qui avait assassiné des centaines de milliers de juifs, put recevoir le pardon divin, parce qu'au fond de lui-même, il n'était pas méchant. Il croyait que c'était son métier et sa mission de les tuer.
Messieurs, je ne suis pas ici pour défendre ce bailli incapable. Mais il convient à ma religion et à mon ministère que je prononce enfin une parole de pitié dans ces débats. Le monde est fondé sur la bonté. Nabouzaradan avait supprimé des vies humaines. Aepimann a convoité des pierres. Pierres sacrées, il est vrai, pierres tout de même. On ne décapite pas un homme pour avoir convoité des pierres. Il serait néfaste pour la France et pour l'Humanité que la Révolution, qui est venue améliorer les humains, commence sa tâche par de telles exactions. Si vous me disiez : "Il agit par perversité. C'est un personnage dangereux", je le livrerais sans hésiter à votre vindicte. Mais ce n'est pas vrai, il n'est pas méchant. Il est bête, si bête qu'on ne saurait imaginer pire. C'est son défaut, et c'est à la fois son excuse.
On lui a répété mille fois que nous, juifs, avons mis son dieu à mort. S'il n'est pas assez sage pour s'élever au-dessus de cette fable, nous le lui pardonnons. Pourriez-vous être plus sévères ? Pour moi, je n'ai qu'un mot à lui dire, ce sera toute ma vengeance : D.eu est le gardes pauvres d'esprit."

A la suite de ce témoignage, l'accusé Antoine Aepimann fut acquitté du point de vue pénal et condamné au paiement d'une forte indemnité à la communauté juive. Certains disent que le pauvre homme doubla spontanément le chiffre de sa peine.

C
e ne fut pas le seul résultat de cette affaire. Brutus Thouvenot, constatant la popularité que le rabbin s'était acquise au village, l'invita à faire partie de la nouvelle municipalité. Cette proposition fut formulée un jeudi. Le vieil homme demanda deux jours pour réfléchir. Le soir même commençait parmi les juifs la fête de Hanouka ou de la Purification du Temple par les Hasmonéens, qui coïncidait précisément avec l'inauguration définitive de la synagogue, enfin délivrée de toutes les menaces de profanation.

Après le repas de fête, le fils aîné de Léon remit à son grand-père en guise de cadeau une poésie qu'il avait composée lui-même sur la fête, en français. Le vieux rabbin la jeta dans sa poche. Il se la fit lire dans la soirée, près de la cheminée brasillante, par sa femme qui avait appris la langue vulgaire pour faire ses comptes avec les fournisseurs.
Elle épelait lentement :
Synagogue de Wintzenheim
La synagogue de Wintzenheim
"La neige a recouvert le sol d'un tapis blanc,
La chute des flocons continue en tremblant,
Et la nuit doucement, se répand sur la terre…
Chacun sent, dans son cœur, un chagrin solitaire,
Chacun presse le pas pour gagner sa maison,
Qui derrière ses murs, peut braver la saison,
Là, devant le foyer, où le bois sec grésille
Les pantoufles…
- Pantoufles ?
- Oui, ce sont les chaussures de laine, comme en ont les riches.
- Bon. Continue.
Les pantoufles en files attendent la famille
Et sur la longue table, un goûter délicat,
Brille amoureusement : CAR VOICI HANOUKA !"

Pour tout compliment, et reprenant la feuille d'un air bougon des mains de sa compagne, il la froissa dans la poche de son habit.

Le lendemain soir, après l'office d'entrée du Shabath, il monta en chaire et dit d'une voix tranquille :

"Voici le jour que l'Eternel a fait pour que nous nous y réjouissions et nous y égayions…
Nous sommes sortis de l'ombre et entrés dans la lumière, grâce à la volonté de D.eu. Car nous vivons libres au milieu d'une population bienveillante. Les nuages de la haine se sont dissipés, nous pouvons manger tranquillement notre pain et boire de bon cœur notre vin, car l'Eternel a favorisé nos actes.
Et je continue avec le Roi David, que la paix accompagne son souvenir : … De Grâce, mon D.eu, secours-nous !
Au milieu de cette fête chaleureuse, j'interromps l'entrain de chacun, et j'invoque sincèrement la protection divine. Cela a-t-il son bon sens, suis-je un prophète à la bile noire ?
Non, échappés du danger nous courons vers la mort.
Nos corps peuvent succomber aux blessures du destin, nous ne saurions mourir, car là où une victime s'abat, mille héros se relèveront. La mort que nous devons craindre, c'est la mort de l'âme, la mort de la pensée, la mort du judaïsme. Sachons garder nos âmes aussi bien que nos corps !

Lorsque les cinq fils de Mathatias eurent mis en déroute les armées innombrables des tyrans de la perse, et qu'ils entrèrent victorieux à Sion, alourdis des trophées de leurs triomphes, aucune solennité ne fut instituée. La capitale était reconquise, le temple libéré, les juifs sauvés, le monde tremblait au récit de la vaillance des Hasmonéens. C'était bien, cela valait des remerciements à D.eu ; cela ne valait pas de gaieté pour les hommes.
Mais lorsqu'une petite cruche d'huile sainte suffit par miracle pour entretenir huit jours la flamme du candélabre à sept branches, les Sages virent dans ce petit fait un symbole. L'esprit d'Israël persistait, et survivrait à l'éclat étincelant de la pensée grecque. Antiochus n'était rien. Il ne pouvait que prendre nos vies qui sont multiples et par là, immortelles ; le gymnase, la danse, la sculpture, l'oisiveté, le libertinage et l'épicurisme pouvaient s'emparer de notre âme qui est une, donc infiniment vulnérable. Que nos Pères, malgré les épreuves, aient conservé la Torah, cela méritait une fête plus lumineuse que toutes les autres.

L
a Révolution est belle. Les Français sont généreux, mais tout ce qui fait leur valeur est emprunté à notre patrimoine, s'ils sont si grands c'est qu'ils s'inspirent de nous. Les apparences nous séduisent, mais nous avons plus à leur enseigner qu'ils n'ont déjà appris de nous. S'adonner à leur civilisation, en laissant de côté la nôtre, c'est perdre la trace du cerf pour poursuivre le lièvre. Prenons garde !
Introduisons nos enfants dans le respect des lois et des personnes de leurs compatriotes ; mais sachons quels jeux périlleux nous jouons au milieu d'eux. Prêtons-leur toutes nos valeurs, mais gardons-en le capital !
Aussi la bonne voie me semble d'assister sans nous y mêler à la recherche d'une vérité que nous avons déjà trouvée. C'est pourquoi, je ne puis siéger dans la commission communale.
On me jugera différemment. Que D.eu me pardonne mes erreurs ! je ne désire que la paix, mais cette paix ne se trouve pas dans les tentes de Jafeth ; elle réside majestueusement dans le sein de la Torah, et si nous savons l'attendre, elle nous enverra son Prince, le fils bien-aimé de Jessée pour ranimer les flammes éteintes et porter au coeur de chaque homme l'amour de l'humanité."

Extrait de Légendes dorées du peuple juif, Moché Catane - Editions Gallia, Israël,
avec l'aimable autorisation de Madame Choulamith Catane


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