Léon BLUM
1872 - 1950
par Lazare LANDAU
Extrait de l'Almanach du KKL-Strasbourg 5753-1993 (avec l'aimable autorisation des Editeurs)


Leon Blum Léon Blum est né le 9 avril 1872 à Paris d’une vieille famille juive originaire de Westhoffen. Son père, commerçant aisé, tenait un magasin de nouveautés très coté. Il tenait pour son fils à des études de haut niveau. Léon Blum parcourut avec brio le cursus honorum des études de Droit, à la Sorbonne. Il fit remarquer très tôt son talent littéraire et son esprit indépendant. En 1906 il publiait En lisant : réflexions critiques ; de 1905 à 1911 : Au Théâtre , en quatre volume ; en 1914, une biographie de Stendhal ; enfin, en 1907 : Du mariage qui fit quelque bruit en raison de ses idées très peu conformistes. Dans le domaine de sa spécialité universitaire, il fut admis au Conseil d’Etat où il atteignit la plus haute fonction, celle de Maître des Requêtes.

Communistes et Socialistes

Animé d’une conscience aigüe de ses responsabilités de juif, il s’engagea dans le combat pour Alfred Dreyfus dès que le scandale antisémite éclata. Entraîné par le courant dreyfusard et son admiration pour Jean Jaurès il adhéra au Parti Socialiste en 1899. Il fut élu député, pour la première fois, en 1919. Il participa très activement au Congrès Socialiste de Tours, en 1920, qui devint le théâtre d’une dramatique polémique entre socialistes fidèles à la doctrine française et socialistes convertis au communisme, sous l’influence de la révolution russe de 1917. Le Parti communiste russe avait envoyé à Tours des délégués qui y firent une active propagande. De toutes ses forces, Léon Blum combattit les communistes, tels Marcel Cachin et André Marty. Le débat s’acheva par un vote. Les communistes majoritaires mirent la main sur l’ Humanité fondée par Jean Jaurès. Ils firent sécession pour créer un nouveau parti : le "Parti communiste français". Cependant, Blum encourageait ses amis à garder leur fidélité au socialisme humaniste et réformiste. Il les adjurait de rester avec lui pour "garder la vieille maison". En 1992, après la désintégration de l‘U.R.S.S. et l’interdiction du Parti communiste en Russie, ce serait une ironie facile de souligner qui avait raison, à Tours, en 1920. Les communistes ne pardonnèrent jamais à Blum.

Le Front Populaire

Blum soutint, en 1924, le Cartel des gauches d’Edouard Herriot. Député de Narbonne en 1929, il fut réélu, brillamment, en 1932 et en 1936. Après l’émeute des ligues de Droite, le 6 février 1934, tous les partis de gauche antifascistes, s’étaient groupés dans un cartel renouvelé, le Front Populaire. Celui-ci gagna les élections en 1936. A l’intérieur de ce Front, le Parti Socialiste devançait ses associés : la direction du gouvernement lui revenait.

Léon Blum subit cette année-là, l’une des plus grandes épreuves de sa vie de juif : les partis de droite se déchaînèrent contre lui. Charles Maurras inspirateur de L’Action Française écrivit: "c’est en tant que Juif qu’il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre Blum". Ses amis firent chorus. Une tentative d’attentat confirme la violence des meneurs. D’ailleurs, tous les Juifs tremblent en France, sans qu’on puisse les taxer de lâcheté! (...) Blum ne veut pas fuir ses responsabilités ; ni le danger. Il forme son gouvernement le 5 juin et devient le premier Juif à assurer la direction du gouvernement de la France. Le 6 juin, il présente son Cabinet à la Chambre des Députés.

C’est Xavier Vallat, député de Droite, proche de l’Action française, qui lance l’attaque la plus blessante :

"Votre arrivée au pouvoir marque incontestablement une date historique. Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain va être gouverné par un juif. J’ose dire à haute voix ce que le pays pense en son for intérieur ; il est préférable de mettre à la tête de ce pays un homme dont les origines appartiennent à son sol... qu’un subtil talmudiste."
Blum n’avait jamais lu une seule ligne de Talmud, mais il réagit vivement à l’outrage. Blême, il veut d’abord quitter la salle. Ses amis le retiennent. Il répond, plus tard, qu’il ne se targue, ni se cache d’appartenir à "une race" qui doit à la Révolution française la liberté et l’égalité humaines.

La guerre et le procès de Riom

Après une année très difficile, Blum démissionne le 21 juin 1937. Il revient à l’Hôtel Matignon, pour une présidence éphémère en mars 1938. C’est l’époque de l’Anschluss. Nul ne paraît en mesure d’arrêter les progrès d’Hitler triomphant. En 1940, après le désastre militaire qui frappe la France, le gouvernement de Vichy le défère à la Cour de Justice de Riom en qualité de "responsable de la défaite". Devant ce tribunal créé contre lui, il confond le Maréchal Pétain.

Celui-ci décide, par "décision" du 7 avril 1942, de suspendre les séances de la Cour de Riom, et, en même temps condamne Léon Blum à la prison à vie. D’avril 1942 au 31 mars 1943, il sera détenu à la maison d’arrêt de Bourrasol. Fin mai 1943, des officiers allemands pénétrent dans sa cellule. Vichy le livre à Hitler : il est déporté au camp de concentration de Buchenwald. Survivant par miracle, il accueille les libérateurs américains en mai 1945. Le cauchemar hitlérien est fini.

Septuagénaire, il revient au pouvoir en 1946 et gouverne à nouveau la France pendant un mois. Son rôle essentiel consiste alors à négocier aux Etats-Unis un important crédit pour assurer le relèvement du pays.

Il se retire ensuite à Jouy-en-Josas près de Versailles où il mourra le 30 mars 1950 à l'âge de 78 ans.

Leon BlumSolidarité juive et sioniste

Constamment absorbé par la politique intérieure française, Léon Blum n’a jamais négligé la solidarité juive, particulièrement vis-à-vis du mouvement sioniste.

En 1928, en coopération avec de grands dirigeants inspirés comme Arthur Rubinstein et Edouard Bernstein, il a créé le "Comité Socialiste pour la Palestine". Sur l’initiative de Haïm Weizmann, il entre au Comité élargi de l’Agence juive et y prend la parole à Zurich en 1929. Dès 1919 il s’était entremis auprès de son ami Philippe Berthelot pour obtenir la levée de l’opposition française au mandat anglais sur la Palestine.

En 1937, il accepte que son nom soit donné à une localité juive en Palestine : elle s’appelle Kfar Blum. En novembre 1938 à la demande des organisations sionistes il prononce devant la LICA un réquisitoire contre la doctrine hitlérienne. En 1947, il agit auprès des dirigeants travaillistes anglais pour obtenir, en Palestine, une décision favorable aux Sionistes. A Georges Bidault, Ministre des Affaires Etrangères, il écrit le 25 novembre 1947 une lettre pressante pour demander un vote favorable de la France pour la création de l’Etat Juif.

Si nous cherchons une profession de foi de Léon Blum nous la trouverons dans son hommage à Haïm Weizmann :

"Juif français, né en France d’une longue suite d’aïeux français, ne parlant que la langue de mon pays, nourri principalement de sa culture, m’étant refusé à le quitter à l’heure même où j’y courais le plus de dangers, je participe cependant à l’effort admirable miraculeusement transporté du plan du rêve au plan de la réalité historique, qui assure désormais une patrie digne, également libre à tous les Juifs qui n’ont pas eu comme moi la bonne fortune de la trouver dans leur pays natal. J’ai suivi cet effort depuis que le Président Weizmann me l’a fait comprendre. Je m’en suis toujours senti fier et j’en suis plus que jamais solidaire".

Que dire de plus ? Tout commentaire affaiblirait la portée d’un tel texte, symbole de foi d’un grand Juif, d’un grand Français.


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