Tout d'abord, ce petit texte ( je n'en connais pas l'auteur ) apportant quelques précisions aux plus jeunes.

« Nous sommes nés avant la télévision, avant la pénicilline, avant les produits surgelés, les photocopies, le plastique, les verres de contact, la vidéo et le magnétoscope, et avant la pilule. Nous étions là avant les radars, les cartes de crédit, la bombe atomique, le rayon laser, avant le stylo à bille, avant les lave-vaisselle, les congélateurs, les couvertures chauffantes, avant la climatisation, avant les chemises sans repassage, et avant que l'homme marche sur la lune.

Nous nous sommes mariés avant de vivre ensemble. La vie en communauté se passait au couvent. Le « fast food » pour les Anglais, était un menu de carême et un « big mac » était un grand manteau de pluie. Il n'y avait pas de mari au foyer, pas de congé parental, pas de télécopie ni de courrier électronique.

Nous datons de l'ère d'avant les HLM en barres et en tours et d'avant les pampers. Nous n'avions jamais entendu parler de la modulation de fréquence, de coeur artificiel, de transplant, de machine à écrire électrique, ni de jeunes gens portant une boucle d'oreille.
Pour nous, un ordinateur était quelqu'un qui conférait un ordre ecclésiastique, une puce était un parasite et une souris était de la nourriture de chat, un site était un point de vue panoramique, un cdRom nous aurait fait penser à une boisson jamaïcaine, un joint empêchait un robinet de goutter et l'herbe était pour les vaches, une cassette servait à serrer les bijoux. Pizza, MacDonald, Nescafé étaient des termes inconnus, le rock était une matière géologique, un gai (prononcé gay en anglais) était quelqu'un qui faisait rire et made in Taiwan était de l'exotisme.

Mais nous étions sans doute une bonne race robuste et vivace, quand on songe à tous les changements qui ont bouleversé le monde et à tous les ajustements qui nous ont été imposés. Pas étonnant que nous nous sentons parfois perdus et qu'il y a un fossé entre nous et la génération d'aujourd'hui.

Mais grâce soit rendue à D..., nous avons survécu. Nous sommes, après tout, un bon cru ! »

ENFANCE (1925-1939)

Je suis né le 5 février 1925 à sec et au forceps, vraisemblablement le matin, ce qui expliquerait que j'aie toujours encore des difficultés à me lever le matin.

Jean (chapeau) et ses soeurs avec leur nurse - été 1929
La nurse et les enfants

J'avais une nurse, avec son uniforme et son voile marine à bandeau blanc, qui s'occupait de moi et me promenait à l'Orangerie - dans mon landau toujours impeccable puisqu'elle en changeait la garniture deux fois par jour -.

C'est d'ailleurs pour garder cette nurse (mamma) - disait ma mère en matière de boutade - que naquirent successivement mes soeurs Claudine le 9 avril 1926, et Françoise le 8 octobre 1927.

Après mamma, ce fut le tour des bonnes d'enfants, d'abord mami, puis Jeanne.

Et nous, les enfants, nous prenions nos repas avec elles. Ce n'est que lorsque nous fûmes plus grands, que nous pûmes, parfois, prendre nos repas à la table des parents.

A Strasbourg avant guerre, nous eûmes trois adresses :
D'abord Rue Erckmann Chatrian : je disais « Mann Chatrinian »

Puis au 9 Boulevard Tauler (devenu depuis Boulevard de la Dordogne). C'est d'ailleurs dans ce même immeuble que j'ai trouvé, plus tard, ma fiancée. C'étaient de vastes appartements de 7 ou 8 pièces aux longs corridors, ce qui me permettait de faire du vélo tout en buvant mon biberon.

Ensuite, ce fut le 4 Rue Silbermann au 3eme étage sans ascenseur. Ah ! les souvenirs d'enfance sont liés à ce quartier car nombreux étaient les amis ou cousins qui y demeuraient. Dans le même immeuble, par exemple, habitaient Pierre et André Bloch. Et au 11 Rue Herder mes cousins Blum (Marc - qui fut arrêté dans la Résistance et déporté - Francine et Nicole) et bien d'autres encore.

Je me souviens de l'appartement de la Rue Silbermann : à l'avant, trois pièces de réception. Seul était utilisé le fumoir. Le salon et la grande salle à manger étaient réservés aux invités. Puis la petite salle à manger où nous prenions tous nos repas. Outre les trois chambres à coucher (celle de mes parents, celle de mes soeurs et la mienne) on trouvait encore une chambre de repassage, une chambre pour la bonne d'enfants et, évidemment, cuisine et salle de bain.
Ma mère avait donc besoin de pas mal de personnel pour tenir sa maison. Outre notre bonne d'enfants, il y avait la cuisinière, la femme de chambre et souvent, une femme de ménage pour les gros travaux, sans omettre la couturière hebdomadaire.
N'oubliez pas qu'il n'y avait alors ni machine à laver le linge, ni machine à laver la vaisselle et que le réfrigérateur n'existait pas.

Je suis allé au Lycée Fustel de Coulanges (lycée de garçons : les écoles, alors, n'étaient pas mixtes) de la 11eme à la 4eme. Suite à des rhumatismes articulaires aigus, j'ai manqué une bonne partie de l'année 1938, étant malade puis en convalescence au Petit Poucet à Megève. Malgré les cours suivis à Megève (Haute Savoie), j'ai redoublé ma 4eme
Je me souviens que j'étais souvent « collé » le jeudi matin - ce qui laisse supposer que je ne devais pas être trop sage, ni trop travailleur - (à l'époque le jour hebdomadaire de congé était le jeudi).

Dès 7 ans, j'entrais aux Eclaireurs de France (Mouvement scout laïque), d'abord en tant que louveteau puis éclaireur à la Horde de l'Eléphant Blanc.
Nous partions « en sortie » presque tous les dimanches. Et, avec les éclaireurs, un des buts de prédilection était le Château du Landsberg. Ah ! les belles batailles de foulard, les écorchures que notre chef de troupe, Mohammed Ben Choukri Pacha, un étudiant en médecine égyptien, badigeonnait largement de teinture d'iode.

Nous partions en vacances, l'été à la mer ou en montagne et l'hiver au ski. Ce furent des hôtels en Bretagne (La Baule, Trestraou, Cabourg), en Suisse (Spiez), généralement avec le chauffeur et la bonne d'enfants.

Une année - vers 1930-32 - il y eut une épidémie de poliomyélite à Strasbourg. Ma mère et ses amies restèrent à l'hôtel au bord de la mer avec tous les enfants (je crois que ce fut à la Baule ou à Cabourg) durant plus de deux mois.

Plus tard, nos parents nous envoyèrent en maison d'enfants. Mes soeurs allaient souvent « chez tante Flora » à Gstaad (Suisse) (je n'y suis allé qu'une seule fois). Pour ma part, je me souviens surtout du Kinderheim de Frau Wild à Klosters (Suisse) où je suis allé skier durant 3 années (1934, 35, 36). Les deux premières années avec Pierre et André Bloch. La troisième année, avec mon cousin Tiennot Klein et Claude Bloch-Berthié, n'a pas dû se passer à la convenance de Frau Wild puisqu'elle nous a mis à la porte ou plus exactement nous a prié de ne plus revenir.

Vous serez peut-être intéressés par les voitures que nous avions à l'époque.

la citroen C4 - modele 1930
c4

Après avoir eu une Citroën B2 je crois - celle vraisemblablement immatriculée 118 J 4, numéro que portait fièrement ma voiture à pédales -, mon père eut une Citroën C4, voiture carrée et haute sur pattes avec marche-pied et petit vase pour les fleurs (pour aller en Bretagne, la C4 voyagea un jour sur une plate-forme de train et au retour, elle était agrémentée de ficelles auxquelles pendaient les serviettes de bain à sécher).

Pour les vacances, nous nous servions également - avec le chauffeur Charles - de la grosse voiture de l'affaire. Ce fut, d'abord une Voisin 12 cylindres moteur d'avion dont je ne me souviens pas. Puis la belle Delage 8 cylindres 40 CV qui consommait 40 litres d'essence aux 100 kms.

Panhard Levasseur X74
conduite au milieu
panhard

Vers 1938, elle fut remplacée par la Panhard et Levassor (conduite au milieu - soupapes remplacées par des chemises de cylindres mobiles). Cette voiture -que j'ai longtemps conduite après guerre- ne consommait que 13 litres (et un litre d'huile aux 1000).

 

Bar Mizwah - 15/1/1938
bat mizwah

En janvier 1938, je fis ma Bar-Mitzwa en la somptueuse synagogue consistoriale du Quai Kléber - incendiée et anéantie par les nazis en 1940 -. Les cours préparatoires étaient dispensés par le `hazan-chef (ministre officiant), Monsieur Kauffmann, qui arrivait précédé de son ventre. Pour le grand jour, j'étais habillé en Eton : pantalon de flanelle grise, gilet et spencer noirs, col dur et cravate blanche, le tout surmonté d'un chapeau melon.

Quelques souvenirs que j'ai de cette époque< Je me souviens très bien de quelques faits marquants, en particulier les suivants :

Alors que Lindbergh avait traversé l'Atlantique dans le sens Amérique - France en 1927, il a fallu attendre 1930 pour que, pour la première fois, un avion franchisse l'Atlantique dans le sens Paris - Amérique. Ce, par Costes et Bellonte (à la même époque Nungesser et Coli avaient tenté l'aventure et avaient disparu en mer). Après leur exploit, Costes et Bellonte sont venus poser leur avion « Le Point d'Interrogation » au Polygone. Et je me souviens que, lorsque la foule se précipita vers l'avion pour saluer les héros, des quantités de lapins sortirent de leurs terriers et coururent, affolés, devant la foule. Etant donné mon âge à cette époque, je crois que j'ai été plus intéressé par les lapins que par l'avion.

Je fus très marqué par la mort du Roi Chevalier Albert 1er de Belgique qui dévissa en faisant une ascension dans les Ardennes, par celle de sa belle-fille, la Reine Astrid de Belgique, épouse du Roi Léopold III, tuée dans un accident de la route à Kussnacht au bord du Lac des 4 Cantons en Suisse et par celle de Mermoz, l'archange, disparu avec son avion dans le Pot au Noir, le Pot au Noir tristement célèbre par les tempêtes qui ravagent le centre de l'Atlantique Sud. Je me souviens également de l'assassinat du Roi Alexandre de Yougoslavie, assassiné dans sa voiture sur la Canebière, voie principale de Marseille, avec le Ministre Barthou également tué. A leurs côtés, il y avait le Général George qui a été sauvé par sa plaque de la Légion d'Honneur que sa femme avait cousu à un mauvais endroit : la balle y ricocha.

Je me souviens bien également des événements très marquants de l'époque, la guerre d'Ethiopie (on disait aussi Abyssinie) qui fut envahie par les Italiens et surtout par l'horrible guerre civile d'Espagne (entre les républicains et Franco). II y eut également l'invasion de la petite Albanie par l'Italie et je peux raconter que le Roi Zog et la Reine Géraldine ont dû fuir alors que la Reine avait omis de payer la facture de son fourreur.

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