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La Plume
N° spécial

Scènes Familiales Juives
par Alphonse Lévy

Introduction aux Scènes familiales juives, recueil de ses principales lithographies juives publié en 1903

Ces planches, dessinées suivant l'inspiration du moment, devaient, à mon idée, n'avoir quelque mérite que par le caractère de la scène retracée ou du type soumis au public; c'était, en un mot, purement au point de vue du dessin que je pensais les présenter. Ayant conçu quelques doutes au sujet de la compréhension de ces planches par les non-juifs, il m'a semblé utile de commenter brièvement mes dessins. Les Israélites n'auront certainement que faire de mes petits commentaires, c'est certain. Quant aux non-juifs, j'ai fait le possible pour leur faire comprendre le caractère de mes planches; cependant, ils devront excuser bien des choses, ma profession étant de dessiner et non pas d'écrire.          Alphonse LEVY.

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Frontispice.- MISRACH
On appelle Misrach (1) un tableau représentant généralement les colonnes du temple de Jérusalem au milieu de ces colonnes, sur un cartouche, est écrit en hébreu le mot Misrach. Dans les demeures juives, ce tableau est suspendu au mur qui fait face directement au point où le soleil se lève sur l'horizon c'est de côté que les Israélites doivent se tourner pour faire leurs prières ; c'est le côté de l'Orient, de la Judée, de Jérusalem. Entre toutes les invocations, il en est une de particulièrement solennelle qui impose strictement cette… orientation, c'est le Chemonah-Essrah, la prière des dix-huit bénédictions ; les Israélites disent cette prière debout, les pieds joints, la tête couverte du thaleth (2) , dans une attitude sévère de dignité et de respect.


I.- LA LEÇON D'HÉBREU
melamedMaigre, souffreteux, édenté, laid, de cette laideur que donne une existence de privations et d'obstiné labeur, le professeur d'hébreu est un déclassé qui n'a pas eu assez de science pour obtenir son diplôme de rabbin, ni assez de savoir pour avoir le titre de professeur. Cependant, il est un peu l'un et l'autre. Pour vivre sa misérable existence, le voilà contraint de courir les maisons des riches, enseigner la science hébraïque aux jeunes galopins en leur apprenant à lire dans le rituel ; il les prépare aussi à la Bar-Mitzwah (3), et c'est là que notre professeur peut développer, en même temps que sa science hébraïque, ses aptitudes musicales.
Il faut l'entendre, le pauvre homme, moduler à son jeune élève les différents airs consacrés, sur lesquels celui-ci devra réciter la Parascha (4) à la synagogue. Quelle ardeur inlassable il met à ce travail. Dix, vingt fois, il répète la même note de sa voix chevrotante ; il passe du soprano à l'alto, du piano au fortissimo, et il recommencera, pendant des semaines, tous les jours ce même travail d'hercule Oh! la dure, l'ingrate besogne! Et comme les bambins savent cruellement se venger du labeur que leur impose le pauvre talmudiste en lui jouant maints tours pendables! - Cet âge est sans pitié !


Il.- LE POISSON DU SAMEDI
dagimLe poisson a toujours été tenu très en honneur chez les Israélites. Il n'est pas de repas de vendredi soir, repas d'entrée du sabbat, sans le classique brochet ou la carpe accompagnée d'une sauce pimentée, ou d'une sauce aigre, dans laquelle le raisin de Corinthe joue un rôle prépondérant. Pourquoi celte prédilection pour le poisson ? D'aucuns disent que cette ichtyophagie est pour quelque chose dans la prolificité de la race. Peut-être ! Quoi qu'il en soit, ce soir on va manger le beau brochet en famille, et Gutel entraîne son mari près de la belle pièce afin que celui-ci puisse, par avance, s'en délecter par la vue.


III.- L'ANNIVERSAIRE
Ployé par l'âge, pauvre, minable, le voici devant la froide pierre sous laquelle repose sa femme. Il y a un an, jour pour jour, qu'il a perdu Miriam,sa compagne de soixante ans. Il ne lui reste plus rien sur terre : ses fils sont morts, sa fille est morte ; dorénavant il n'a plus que la consolation des larmes. Dans sa douleur, tout son corps est soulevé de sanglots, ses yeux se troublent de larmes, et ses mains gonflées et gourdes de vieillard ont peine à retenir son vieux livre de prières. Pauvre homme !


IV.- LA FEMME AUX CUIVRES
putzBrendel est dans tous ses états ; ménagère réputée, elle tient àne pas faire mentir sa réputation ;chez elle, tout est sens dessus dessous c'est veille de fête. Avec quel zèle elle met elle-même la main au tripoli ! En sa qualité d'objet religieux, transmis par les aïeux, la lump (5) a eu les honneurs de ses premiers coups de chiffon. Voici les chandeliers, le moule au kouguelopf (6) qui, lui aussi, en raison de son importance, a été nettoyé à fond. Elle frotte ! elle frotte ! la bonne Brendel, stimulée d'une sainte ardeur ; demain elle fera à ses visiteurs les honneurs de son éblouissante cuisine, et, le regard triomphant, leur dira : "Regardez-moi cela !"


V.- LA COUR DE LA SYNAGOGUE PENDANT LE KIPPOUR
La solennelle journée du Kippour nous offre, ici son côté humoristique ; le profane ne se mêle-t-il pas toujours au sacré ? Nous sommes à une suspension d'office, un temps de repos dans la célébration du culte. Fatigués par le jeûne et par l'atmosphère surchauffée de la synagogue, les fidèles vont respirer dans la cour. Hommes, femmes et enfants affluent vers cette oasis. Là, des vieillards se traînent lourdement dans leur blanc linceul ; ici, un loustic, le chasan (7) du village, qui supporte vaillamment le jeûne, raconte un moschele (8) à deux bons vieux ; des femmes, assises non loin de là sur un banc, reçoivent les encouragements et les paroles galantes du vieux beau de la communauté; des vieillards, dans le fond, causent et prisent ; des enfants jouent - âge irrespectueux ! Plus loin, un jeune homme montre sa langue à un groupe d'incrédules, afin de bien leur faire voir que celle-ci est blanche et que, par conséquent, il jeûne... Chacun a son amour-propre !


VI.- LES BOULETTES DE PAQUE
matzeVous prenez du pain azyme que vous pilez dans un mortier, vous ajoutez de la graisse, de l'eau, dit sel, du poivre, et... vous pensez que c'est tout ?... Ah ! que non pas. Il y faut la main experte de Malke la ménagère : il faut savoir façonner cette pâte en boules régulières, il faut tant de choses pour bien réussir les matzeknepflisch (9) ! Il faut savoir les cuire avec art, ni trop molles, ni trop dures ; c'est une grave affaire ! On se répète dans la communauté le nom de la ménagère artiste, on l'envie, on la jalouse, et pour un peu la calomnie se mettrait de la partie. Oh ! Matzeknepflisch, que de vilenies on a commises en votre nom! Soyez persuadés que la bonne Malke est passée maîtresse dans l'art de les faire, et sa figure épanouie exprime la conscience de sa force.


VII.- LE JUIF A L'OIE
oie"Tu ne mangeras pas de la chair d'un animal impur ou malade", dit le texte mosaïque. Le rabbin examine scrupuleusement si aucune tare prévue par la loi ne rend la volaille, que l'on vient lui soumettre, impropre à la consommation. Le cas est grave !

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VIII.- FERVEUR
Dans leur prière du matin, les Israélites, obéissant aux prescriptions mosaïques, doivent ceindre leur front et leur bras des saints phylactères. Les phylactères sont des lanières de cuir surmontées d'un étui, également en cuir, qui contient, écrits sur duparchemin, les dix commandements de Dieu : "Tu les porteras en fronteau entre tes deux yeux, tu les attacheras commune symbole sur ton bras", dit le texte sacré. Dans le dessin, un pauvre juif se livre avec toute sa ferveur à l'accomplissement de ce devoir religieux.


IX.- KAPORA
kaparaAutrefois, en Judée, la veille de Yom-Kippour, le grand-prêtre, devant le peuple assemblé, après avoir immolé les victimes ordinaires, se faisait amener deux boucs : l'un était destiné à Jehovah ;l'autre était chargé des péchés d'Israël et chassé dans le désert : c'était le bouc émissaire. De nos jours, c'est plus simple. Le bouc est remplacé par un coq ou une poule que le père fait tournoyer au-dessus de la tête des membres de sa famille, et, dans une prière, il charge la volaille des péchés de ceux-ci. Après cette cérémonie, qui n'est pas sans effrayer les enfants par sa bizarrerie, on fait tuer coqs et poules par le sacrificateur et l'on distribue la chair aux pauvres de la communauté.


X.- LA FEMME QUI KASCHER
casherPendant les huit jours de la fête de Pâque, il est défendu aux Israélites d'avoir dans leur maison du pain levé ; le matze, pain sans levain, est strictement de rigueur; le texte mosaïque ordonne même, afin de détruire toute trace de chometz (10), de faire passer tous les ustensiles de cuisine et la vaisselle par l'eau bouillante. C'est dans cet exercice que nous surprenons ici Beïla, la bonne et pieuse ménagère. - Ce zèle lui sera compté là-haut !


XI.- LES OEUFS DE PAQUE
oeufsCette charmante coutume des oeufs de Pâque est en honneur chez les Israélites aussi bien que chez les Chrétiens. Voici avril revenu : le printemps, le soleil, la joie règnent dans l'air, c'est Halemnoed Pesach (11) la vieille Beïli reçoit la bruyante visite de ses petits enfants qui viennent chercher les oeufs légendaires.
Les voici, tendant leurs petites mains. La vieille bonne femme, sur le seuil de l'humble demeure, est comme assaillie par cette turbulence enfantine, et, les larmes aux yeux, larmes d'aïeule! elle remet à ses chers petits des oeufs peints en rouge, en jaune et en vert. Dans le fond du logis, le vieux harle (12), rendu indifférent par l'âge et les infirmités, à ces gaies effusions, reste absorbé dans la méditation de la Bible.


XII.- LE BON KOUGUEL
kugelLe Kouguel est une sorte de galette pétrie avec du pain et de la graisse et cuite au four. Vrai brouet noir des Juifs, ce mets ancestral était le grand régal des errants de jadis, colporteurs, porte-balles, gagne-petit, tous ceux qui arpentaient monts et plaines durant toute la semaine, ceux qui peinaient le ventre creux, courbés sous le poids de la balle. Ceux-ci entrevoyaient avec délices, dans leur lutte pour l'existence, le repos du samedi ;ils se voyaient ce jour-là en famille, entourés de leur femme, de leurs enfants ;et le bon Kouguel serait là pour les restaurer d'une semaine de privations.
Tout passe! le Kouguel n'est plus guère en honneur que chez les humbles Juifs de village.
Dans le dessin, une brave ménagère amène son vieux mari devant le mets précieux ; elle découvre la marmite et, le regard tendre et interrogateur, demande : "Comment le trouves-tu ?"


XIII.- LE JUIF AU CÉDRAT
Le loulef et le esrick (13), ces deux produits d'Orient, ces emblèmes des moissons, qui servent à la célébration de la fête des Tabernacles, sont, pour la plupart des Israélites des campagnes, l'objet d'une sollicitude toute particulière. Le vrai croyant met souvent un prix fort élevé pour avoir un beau loulef bien vert, dont la cime frissonnante reste ferme dans la vibration ; il fait des folies pour posséder un esrick de belle venue et bien parfumé. Avec quel soin il nouera sa palme, comme il y fixera amoureusement les plus belles branches de myrte et de saule ! Il entourera de non moins de soins son cédrat, qu'il prétendra toujours être le plus beau de la communauté. Il aura pour ce fruit de véritables tendresses, et, tel un enfant dans son berceau, on le voit, l'office terminé, le coucher sur un lit d'étoupe dans une coupe d'or.


XIV.- LE KIPPOUR A LA CAMPAGNE
kipourNous voici au Yom-Kippour, jour terrible de jeûne et d'expiation; c'est la fête juive la plus solennelle, si toutefois on peut appeler fête un jour de contrition et de deuil. D'un coucher de soleil à l'autre, Israël s'abstient de manger ; les pratiquants ne sortent pas de la synagogue, il en est qui y passent la nuit, vêtus de leur sargueness (14) qui deviendra plus tard leur linceul ; ces hommes fantômes forment un tableau saisissant.
Dans les synagogues de campagne, les rites les plus stricts sont observés : debout, des vieillards prient avec ferveur ; l'atmosphère, surchauffée par les cierges, est brûlante ; le ventre vide, tremblants, contrits, ces fidèles resteront en prière jusqu'au soir où le son du schophar (15), après la cérémonie de Nehila (16), sera pour eux le signal de délivrance. A la première étoile apparue au firmament, ils auront le droit de rompre le jeûne.


XV.- LES VERMICELLES
frimzelL'usage, chez les Israélites, de la soupe aux vermicelles le vendredi soir se perd dans la nuit des temps. Il n'est pas bien prouvé que la manne du désert n'était pas déjà du vermicelle donné par le bon Dieu ! Le vermicelle donc, dont, entre parenthèses, on a fait frimsel (qui n'est autre chose que le mot corrompu de vermicelle), est un mets juif classique, étiqueté, catalogué, à l'égal du kouguel, du poisson et du schalet, et il n'y a que les amharatzim (17) qui n'aiment pas ce potage. - Sous l'oeil curieux de son énikle (18), une vieille grand'mère découpe en fines lanières la pâte qu'elle vient de pétrir elle-même. Ce soir, après l'office, la frimsel soup fera son entrée dans le monde et apportera avec elle la joie et la bonne humeur.


XVI.- LA BONNE PRISE
priseHorreur et profanation ! Itzik, le gros boucher du village, n'a pas sitôt déposé son thaleth après l'office de Rosch-Haschanah (19), que, sans respect pour le saint lieu, sans considération pour les vêtements de deuil dont il est couvert, il va droit à la rencontre de Yegolf, le courtier, et lui demande une prise de son bon tabac de Paris. Yegolf, goguenard et bon enfant, ne se fait pas prier; il ouvre largement sa tabatière où ce gros lourdaud d'Itzik puise une formidable prise afin de satisfaire son appétit nasal. - Horreur et profanation !


XVII.- LE JUIF AU BABA
kouglofIl vient de faire sa prière du matin, et, attiré par un agréable fumet, il se rend furtivement dans la salle à manger ou un plantureux kouguelhopf (6) offre à sa gourmandise la rutilence de sa croûte dorée. N'est-ce pas grand péché, monsieur le Rabbin, de donner cours à des penchants si matériels, alors qu'on est revêtu encore du saint thaleth ?


XVIII.- LE PLAT DE PAQUE
plat du SederLa Pâque juive est instituée en commémoration de la sortie d'Égypte (20) ; pendant les deux premières soirées de la fête (qui dure huit jours), on célèbre la cérémonie appelée Séder. La bonne femme nous montre le plat de Pâque ; sur ce plat en cuivre sont groupés les différents mets et condiments destinés à symboliser les souffrances endurées par les Israélites sous le joug des Pharaons. Le raifort, l'oeuf, le vinaigre représentent l'amertume de la servitude; une sorte de pâte faite avec des pommes et de la cannelle figure l'argile et le mortier avec lequel les Israélites travaillaient aux constructions égyptiennes ; un os, avec un peu de chair, tient la place de l'agneau pascal. - Cette cérémonie du Séder, une des plus belles du culte israélite, revêt surtout toute sa poésie dans les familles des humbles campagnards.


XIX.- LE DEUIL
Quand la mort est entrée dans une maison juive, les membres de la famille déchirent leurs vêtements en signe de deuil ; pendant sept jours, ils restent assis par terre, se nourrissant à peine d'œufs et de pain. On prie, on fait l'aumône, c'est le grand deuil. Nous voici dans une vaste chambre aux volets clos; des femmes affalées sur le plancher s'abandonnent à la douleur ; un rabbin psalmodie dans un coin les prières d'usage, pendant qu'une visiteuse vient porter aux éplorées ses muettes condoléances.


XX.- LA RENCONTRE DU RABBIN
jingeleC'est jour de Sabbat. Le vieux rabbin du village rencontre, accompagné de sa mère, son élève favori qu'il prépare à la Bar-Mitzwah (3) ; il lui donne une petite tape amicale en disant : "Voilà sur ma foi un bon petit garçon."

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XXI.- LE JUIF A LA PALME
loulavBien cassé, bien vieux il lui est donné de pouvoir célébrer encore une fois le Soukoth (21) : armé de la palmeet du cédrat, il fait sa prière du matin ; la bonne odeur d'un baba, que la sollicitude de Beïla, sa ménagère, a préparé tout proche, sur la table, à son intention, ne peut le distraire. Il croit, il prie, et, de cet homme chétif, de cet ascète, s'élève vers Dieu une invocation sincère et passionnée !


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