Y-a-t-il eu dix plaies avant la "Sortie d'Auschwitz" ?
Alain Kahn


A PESSAH, la Pâques juive, on peut faire le lien avec YOM HASHOAH, le jour de la commémoration de la Shoah, qui est célébré dans la semaine qui suit la fête de la "Sortie d'Egypte". Il s'agit de rappeler la terrible catastrophe qui a pris fin, symboliquement, avec la "Sortie d'Auschwitz" puisque Auschwitz était le centre névralgique de la "olution finale" réservée aux juifs par les nazis. Pharaon voulait faire disparaître toute trace des enfants d'Israël, finalement ils ont pu rejoindre leur terre ; le Führer voulait massacrer le peuple juif, l'effacer de la surface de la terre, finalement ce peuple a pu renaître de ses cendres et se reconstruire.

N'est-on pas sorti chaque fois d'un esclavage, d'une menace d'anéantissement ? Les dix plaies infligées aux égyptiens ont abouti à la "Sortie d'Egypte" qui a été un tournant dans l'histoire d'Israël. Ne peut-on pas également déterminer parallèlement dix plaies qui ont empêché les nazis d'atteindre leur but funeste et ultime ? N'ont-elles pas abouti à la "Sortie d'Auschwitz" qui a été aussi, tragiquement à nouveau, un tournant dans l'histoire du peuple juif ?

1. Les eaux du fleuve avaient été changées en sang :
"Le Nil fut nauséabond, et les Égyptiens ne purent boire des eaux depuis le fleuve" (Exode 7:14-25).
Les nazis massacrèrent les juifs dont le sang s'écoulait dans les rivières lors de la "Shoah par balles" et dans les camps de concentration et d'extermination, le sang dans les rivières, dans les caniveaux n'interpelèrent pas une population locale qui avait perdu tout discernement tant elle avait été manipulée de l'enfance jusqu'à la vieillesse, tant elle s'était laissée façonner à l'image des bourreaux. L'écœurement, la révolte gagnaient malgré tout les esprits sans pourtant oser l'exprimer haut et fort …

2. Les grenouilles :
"Les grenouilles montèrent et recouvrirent l'Égypte" (Ex. 8:1-25).
Les nazis inculquèrent la haine au peuple allemand et elle se répandit comme ces crapauds qui, inlassablement, coassent et assourdissent les esprits sur les territoires qu'ils envahissent de tout leur poids. L'engrenage exterminateur ne fut pas enrayé, et l'aveuglement a conduit tant de gens à considérer des hommes, leurs semblables, comme des bêtes, à les abattre comme des chiens, à ne rien ressentir même devant la pureté d'un enfant. Pourtant les coassements des "crapauds", ces appels récurant à l'intolérance, devenaient insupportables à bien des égards puisqu'ils n'empêchèrent pas les "Justes" d'accomplir leur devoir, à l'âme humaine de résister malgré un épouvantable "bourrage de crâne", malgré un asservissement des esprits, malgré le bâillonnement de tant de populations !
3. Les poux :
"Toute la poussière du sol se changea en poux" (Ex. 8:16-19).
Les nazis crachèrent leur venin partout n'hésitant pas à dénoncer les innocents, à les isoler, à les abattre à bout portant, à les laisser crever dans les pires conditions ou à les conduire dans les horribles dédales de leurs unités d'extermination spécialement conçues à cet effet. La spirale infernale s'étendait sous l'égide de la Wehrmacht et des S.S. comme une invasion de poux qui progresse et qui infecte chaque endroit qu'elle atteint dans une indifférence coupable à tous les niveaux. Les poux finirent par atteindre, par ravager ceux-là même qui les avaient répandus car leur œuvre destructrice devait inéluctablement aboutir à leur propre destruction …
4. Les bêtes sauvages :
"Des bêtes sauvages en grand nombre entrèrent dans tout le pays d'Égypte" (Ex. 8:20-32).
Les armées des alliés, qui mirent tant de temps à régir contre l'innommable, déferlèrent sur l'Allemagne pour arrêter le massacre, pour empêcher in extremis que le projet d'assassiner onze millions de juifs en Europe ne puisse aboutir, l'industrie de la mort en avait déjà liquidé plus de la moitié ! Les chars s'engouffrèrent en pays nazi, les avions de chasse descendirent du ciel pour mettre fin à la plus grande catastrophe que le monde ait connu ! La bête immonde était traquée mais elle n'abdiquait toujours pas …
5. La mort des troupeaux :
"Tous les troupeaux des égyptiens moururent" (Ex. 9:1-7).
La famine s'abattit sur le pays car les denrées alimentaires étaient pulvérisées et les troupeaux n'étaient pas épargnés. Les forces de la liberté n'avaient plus d'autre choix que de s'attaquer à l'édifice imaginé, réalisé et "mis en service" pour la plus grande honte de l'Humanité ! Mais les tenants de l'horreur ne renonçaient pas à accomplir le pire ; les corps décharnés, anéantis, qui allaient être découverts dans les camps, révélèrent le traitement réservé jusqu'au bout par les assassins à leurs malheureuses victimes car la famine et la maladie, la terreur et l'effroi régnaient dans les camps et dans les ghettos en maîtres ; les suppliciés avaient été arrachés à leurs familles, à leurs racines, dans un tourbillon blafard, glacial, sordide et sanguinaire.
6. Les ulcères :
"Gens et bêtes furent couverts d'ulcères bourgeonnant en pustules" (Ex. 9:8-12).
La vermine s'était infiltrée partout dans les ruines et dans les âmes car le Mal avait été érigé système, il avait été imposé à un peuple contre le peuple juif martyrisé comme aucun autre peuple ne l'avait jamais été. Les ulcères, les pustules que les nazis avaient laissé se développer dans les camps et dans les ghettos et qui les laminaient à leur tour au moment du crépuscule, auraient dû provoquer une lueur salvatrice, las ! Le tourbillon meurtrier et aveugle continuait, il fallait "terminer" le travail au plus vite pour avoir le temps d'effacer toute trace de cette abomination ...
7. La grêle :
"D. fit tomber la grêle sur le pays d'Égypte" (Ex. 9:13-35).
Les bombes qui tombaient du ciel, ou qui étaient lancées des canons, terrassèrent les aryens dans une panique extrême, les chars crachaient un feu salvateur : il était tellement nécessaire d'arrêter le pire cauchemar que le monde ait connu, au fur et à mesure que la riposte dévastatrice s'abattait sur les nazis. L'espoir revenait et les yeux s'ouvraient pour constater la catastrophe, pour appréhender l'ampleur de la Shoah. Même devant l'évidence, même face à l'enfer sur terre qu'ils avaient établi, les nazis n'avaient aucune limite, au contraire : leur folie meurtrière les conduisait à vouloir coûte que coûte réaliser complètement l'œuvre funeste qu'ils avaient entreprise, rien ne devait les arrêter tellement la haine les habitait !
8. Les sauterelles :
"Elles couvrirent la surface de toute la terre et la terre fut dans l'obscurité" (Ex. 10:13-19).
L'inhumanité avait desséché le monde des nazis, la mort régnait partout par la violence, la fraternité avait disparu, la joie de vivre n'existait plus tant les âmes avait été dépouillées de leur humanité, tant la noirceur avait recouvert les espaces où régnait l'infamie. Les armées alliées libérèrent les allemands de leur joug ignoble, leurs avions, comme des sauterelles, submergèrent l'antre du Mal qui pourtant s'accrochait toujours à ses chimères, à ses phobies, à son instinct de mort. Le ciel s'assombrissait cette fois pour permettre que la lumière puisse à nouveau éclairer le monde !
9. Les ténèbres :
"Il y eut d'épaisses ténèbres" (Ex. 10:21-29).
Les immeubles s'écroulèrent dans une nuée intense qui devait repousser la noirceur nazie, il fallait préparer la libération des âmes, il fallait redonner leurs lettres de noblesse aux pays conquis, asservis, dépouillés et torturés. Mais l'âme si sombre du nazi ne voulait pas s'éclaircir, ne voulait pas renoncer à son entreprise sauvage et immonde. Même devant les champs de ruine qui apparaissaient lorsque les nuages de poussières s'estompaient, il proférait encore ses appels à poursuivre le massacre, sa soif de sang restait intacte, il avait inversé les valeurs fondamentales de l'Humanité puisque le Mal, à savoir le rejet de l'autre, était devenu pour lui le "Bien" et le Bien, à savoir le respect de l'autre, était devenu à ses yeux le "Mal" !
10. La mort des premiers-nés :
"Tous les premiers-nés mourront dans le pays d'Égypte" (Ex. 12:29-36).
Le cœur endurci des nazis provoqua une hécatombe pour les allemands. Tant de foules avaient vénéré ceux qui avaient suscités tant de haine, ceux qui avaient organisé et mis en œuvre un massacre systématique, avec ses constructions de camps, ses usines de la mort qui bafouaient la moindre parcelle d'altruisme, qui avaient été réalisées par une autorité publique, avec l'aide d'un rouage administratif chargé de ces réalisations. Il fallait s'assurer que tous ces criminels puissent répondre de leurs massacres dès lors que leur œuvre funeste avait été stoppée, dès lors que leur entreprise de destruction du peuple juif commençait à être annihilée, dès lors que leur lâcheté apparaissait au grand jour … c'est dans ce contexte que la "Sortie d'Auschwitz" put enfin avoir lieu !


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