ETS HAIM
Au commencement était un Jardin.
Pascal Thémanlys


Et "l'Arbre de Vie au milieu du Jardin avec l'Arbre de la Science du bien et du mal" (Genèse 2:8-9).
Pour avoir goûté à celui-ci, les hommes furent éloignés de celui-là ... L'arbre de l'Immortalité, l'arbre des Vies, a été caché jusqu'au jour où la Torah fut confiée à Moïse sur le Mont Sinaï. Mais il ne suffit pas à tout pécheur de scruter le sens littéral de ces paroles pour avoir accès au jardin clos.

Le texte doit être interprété selon quatre méthodes qui en révèlent les diverses significations. Et les initiales des mots hébraïques qui désignent ces méthodes forment à leur tour le mot "pardess", paradis perdu ou jardin secret. Le sens supérieur est le "sod" ou secret, et celui qui goûte à la sagesse cachée goûte à l'arbre de Vie.

Il a été dit que l'arbre de Vie était placé au centre de l'arbre de la Science, que l'arbre de Vie était l'arbre de la bonne Science, qu'il est l'arbre de la Sagesse, et que la Sagesse appartient à qui sait mettre la Science au service de la Vie.
L'arbre de Vie est comparé au soleil et l'arbre de la Connaissance à la lune, que le soleil doit éclairer et réchauffer. Mais la lune, comme le Royaume de la terre, n'est pas toujours encore toute lumière. (Et vienne le jour où les Sages inspireront les savants et où les chercheurs assagis œuvreront pour le salut de ce monde).

Moïse avait chargé des émissaires d'aller voir si "l'Arbre" se trouvait sur la Terre Promise. Il s'agissait de l'Arbre de Vie, mais les temps n'étaient pas mûrs et certains commentateurs osent affirmer que la Terre Promise n'était pas encore digne de Moïse. Moïse était comme le soleil et Josué comme la lune, son reflet fidèle.

Bien plus tard, au temps de la Michna, lorsque quatre Sages d'une génération pénétrèrent au Pardess, seul Rabbi Akiva en sortit sain et sauf. Il devint le maître de Rabbi Shimon Bar Yohaï dont les enseignements sont consignés dans le Zohar.
En effet, la Sagesse ésotérique a été partiellement révélée dans le Zohar, le grand commentaire philosophique de la Torah. Mais les profondeurs de ce livre elles-mêmes ont été révélées à Safed par le Lion Saint, Rabbi Isaac Louria, à son disciple Rabbi Haïm Vital.
Rabbi Haïm, suivant un usage établi, a fait allusion à son nom dans le titre d'un de ses principaux ouvrages : Ets Haïm (L'Arbre de Vie), titre qui convient bien à cette somme du savoir des kabbalistes.

Sur le thème des dix Sefiroth - nombres et sphères qui manifestent l'Infini - les kabbalistes ont construit des édifices intellectuels multiples, comme les compositeurs de musique avec les sept notes de la gamme créent mélodies et symphonies. Et c'est bien à la symphonie que s'apparente la richesse des pensées qui montent comme des vagues marines sous le souffle prophétique des Maîtres.

La Kabala, posant le principe "tout est dans tout", ramène les valeurs les plus diverses à leur unité secrète ou bien multiplie et subdivise chaque valeur à l'infini.
La notion hégélienne selon laquelle toute chose contient son contraire n'est pas étrangère à sa logique mystérieuse.

L'Ets Haïm  est en quelque façon le commentaire des "Idroth" du Zohar, assemblées intimes des élèves de R. Shimon Bar Yohaï, dans lesquelles le Maître parle des visages de la Divinité et de ses attributs.

L'Ets Haïm  décrit plusieurs chutes et plusieurs rédemptions. S'inspirant d'un texte du Midrash, "Dieu construisait des mondes et les détruisait," il explique comment les réceptacles de la lumière divine furent incapables de la contenir. De ces vases brisés auxquels fait allusion le verset biblique sur les rois d'Edom, d'après la tradition, sont issues des étincelles de lumière et des écorces obscures qui les ont retenues.

Après la rédemption que représentent la constitution des divers mondes de lumière, puis l'œuvre de la Création elle-même, le rachat des étincelles se poursuit à travers les meilleurs actes de l'homme, et nous assistons à une série de chutes et de relèvements : le péché d'Adam, celui des générations du Déluge et de la tour de Babel, le veau d'or et la destruction du Temple, tandis que l'arche de Noé, la mission d'Abraham, le Sinaï et la construction du Temple sont autant d'étapes de la restitution.

L'auteur de l'Arbre des Vies est aussi celui du précieux Séfer HaGuilgoulim, Livre des Réincarnations, arbre des généalogies spirituelles, des retours, des renaissances, des révolutions de l'âme humaine.

Ce que l'on nomme le système lourianiste, la Kabala du Lion de Safed, se fonde sur l'étude des dix Sefiroth, en insistant sur cinq d'entre elles : l'Unité, la Sagesse, l'Intelligence, la Science et le Royaume (1). Car cette Science, science de vie, contient en elle-même les six Sefiroth des six jours cosmiques, et c'est pourquoi elle a pour signe le Vav qui est le six (2).

A ces cinq lumières primordiales correspondent cinq visages de la Divinité, cinq mondes dans le cosmos, cinq degrés de l'âme chez l'homme ; cinq livres de la Torah ; et la révélation de leurs correspondances est une des clés que l'Ets Haïm confère à ceux qui l'approfondissent. "Celui qui a étudié ce livre cent fois et celui qui l'a étudié cent une fois ne connaissent pas le même livre". Ce vaste ouvrage a fait l'objet de nombreux et savants commentaires. On y apprend comment l'espace, le temps, l'homme et la sagesse sont des aspects de la même réalité qui s'interprètent l'un par l'autre et se complètent incessamment.
Et l'Ets Haim explique que les rapports des attributs divins entre eux diffèrent selon les instants et selon les actes de l'homme. Aussi, loin du kqbbaliste véritable tout esprit de fixité et de dogmatisme.

 Les Hassidim affirmaient que l'âme de leur Maître, le Besht (le Baal Shem Tov), était de celles qui n'ont pas goûté à l'Arbre de la Science du bien et du mal. L'arbre, c'est l'homme, dit la Torah, et le Juste a été comparé à un palmier auprès d'une fontaine (Psaume 72:13). L'homme, avec toutes ses âmes et toutes ses descendances, s'étend comme un arbre profond et bientôt s'identifie avec l'Arbre de Vie.

Notes

  1. Il s'agit des sefiroth : Keter, Hokhma, Bina, Tiphereth, Malkhouth
  2. La sefira Tiphereth englobe ici les six sefiroth : Hessed, Guevoura, Tiphereth, Hod, Netsa'h, Yessod

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