La plaque dans le jardin

Ulmert
Ehud Ulmert, maire de Jérusalem avec Nathan Pell
pendant la cérémonie d'inauguration
Place à l'espoir
Jacquot Grunewald

      Dans les rues de Jérusalem, on entend parler français. Dans la plus vieille capitale du monde, il y a même des coins de France: une synagogue, une boulangerie, tout autre lieu où l'on sait rencontrer, retrouver des mots, des habitudes, et l'amitié de France. Le Dr. Élie Pell, un Lyonnais du genre souriant, dévoué à l'extrême, "toujours prêt" comme il l'avait appris aux E.I.F. fut le créateur et le médecin d'un complexe médical et paramédical de la rue Gaza, dans le quartier familier à la communauté française. Avec Claudine, la plus avenante des épouses et leurs quatre garçons - les deux aînés servaient déjà dans Tsahal - ils formaient une famille modèle, confiante, forte, laquelle rien ne semblait pouvoir porter atteinte.
      Le malheur frappa il y a deux ans. Avec une force inouïe qui laissa le pays entier stupéfait. Dans un moshav du Beth Shean, des centaines d'amis étaient réunis pour le mariage d'Ouri, l'aîné des enfants. Existe-il des instants plus heureux qu'un mariage en Israël ? L'orchestre jouait, on riait, on goûtait les amuse gueules, la 'houppa garnie de fleurs attendait le mari... La voiture dans laquelle avaient pris place Elie et Claudine, Ouri et deux de ses amis n'arriva jamais. Toute la nuit, et une partie de la matinée, le pays retenait son haleine. On espérait encore qu'ils... étaient pris en otage dans la zone palestinienne. Ce n'est qu'en fin de matinée, ce vendredi noir, que derrière le parapet forcé d'un petit pont, on découvrit la voiture, au toit enfoncé. Tous avaient été tués sur le coup.
      Il arrive au malheur d'être insatiable. La mort ravit 'Haïm, l'intrépide 'Haïm, le second des enfants, alors que peu de semaines plus tard, il "dévissa" lors d'une escalade dans les monts de Judée.
      Aujourd'hui, dans la rue Gaza, sous les fenêtres du Centre médical et paramédical, un petit jardin nouvellement aménagé porte le nom de Élie, Claudine, Ouri et 'Haïm Pell. Un jardin joliment arrangé pour les enfants, un jardin de vie pour une rue qui jusqu'alors connaissait davantage le passage des voitures que les jeux des bambins. Il a été inauguré par Éhoud Ulmert, le maire de Jéusalem.
     Pendant la cérémonie, Alfred Lazare, le père de Claudine a dit son émotion de voir ce coin de Jérusalem porter le nom de ses enfants. Il a remercié entre autres, la communauté de Lyon pour sa contribution. Robert Fischel, au nom de tous les amis et plus particulièrement de la Communauté de la rue Chopin, a demandé qu'on cesse de "tenter d'expliquer ce qui est inexplicable". Il a lançé le premier appel à la vie que relaie maintenant le rire des enfants sur les bancs et les balançoires hauts en couleurs, du Jardin Pell, à Jérusalem. (Acticle paru dans l'Arche en juin 1999)

inauguration
La cérémonie d'inauguration

Un jardin à la mémoire de la Famille Pell
Jacky Bronstein - janvier 1999

Le jardin restauré en mémoire de la Famille Pell
Ulmert
     Jeudi 5 Juin 97 : une date que la communauté francophone israélienne n'est pas prête d'oublier. Nous nous apprêtons à prendre part à la joie d'Elie et Claudine Pell, qui vont marier leur premier fils Ouri. Les Alsaciens en particulier sont au rendez-vous, puisque les parents de Claudine sont originaires de Mulhouse, communauté largement représentée dans notre kehila, Ohel Ne'hama.
     Le mariage doit avoir lieu dans l'après-midi, près de Tibériade. Elie, Claudine, Ouri et ses deux témoins, David Bénichou et Eyal Younian, partent à midi en voiture. Les invités suivent, quelques heures plus, tard dans deux autobus. Les invités sont au rendez-vous; les Pell, eux, n'y sont pas.
     Après-midi…soirée…nuit. L'inquiétude a vite fait place à l'angoisse, puis bientôt à la détresse. Chacun téléphone où il peut, pour aider ou pour calmer ses craintes. L'attente devient vite insupportable; personne ne parle plus; la musique a cédé la place à la récitation des Tehilim. La nuit est plus noire que d'habitude; les nouvelles les plus folles commencent à circuler. On nous demande de rentrer .
      Ce n'est que le lendemain, à 11 heures du matin, que la nouvelle tant redoutée tombe comme un couperet. L'armée, la police, les volontaires civils, après 18 heures d'intenses recherches, retrouvent au fond d'un ravin la voiture et cinq corps sans vie. Le destin des trois jeunes garçons Pell bascule dans le chaos et le drame.
      Notre communauté, ainsi que tout le pays, qui a suivi sans répit l'évolution des recherches, reste pétrifiée et sans voix. La réalité a, cette fois, largement dépassé la fiction. Jour après jour, tout s'organise pour que les orphelins et leur famille, se ressaisissent.
     Mais le drame n'était pas clos. Quatre mois plus tard, Haïm Pell, vingt ans, -qui avait décidé avec un courage et une abnégation hors du commun, de prendre en charge la vie de ses deux petits frères, Nathan et Dan, âgés de quatorze et douze ans - se tuait accidentellement, au cours d'une escalade, sport qu'il appréciait entre tous.
      Plus d'un an et demi plus tard, les plaies restent à vif, et les amis de Claudine, d'Elie, d'Ouri et de Haïm za"l ne peuvent oublier cette merveilleuse famille, originaire de Mulhouse et de Lyon.
      Le Docteur Pell, adoré de ses patients, de ses amis et collègues, a laissé un vide immense et irréparable . Sa famille et ses proches ont voulu que son cabinet continue à servir ses patients, dans le même esprit que le Docteur Pell lui avait insufflé - dévouement, compétence, chaleur humaine, et son sourire permanent. Comme il nous manque, son rire si communicatif…
      Face à son cabinet, rehov Aza, se trouve un jardin public, que nous avons décidé de rénover -en accord avec la mairie de Jérusalem - et de dédier à la mémoire d'Elie, de Claudine, d'Ouri et de Haïm Pell za"l.


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