Annakut et la fête des lumières dans l'hindouisme
par Nicolas Merlet

Divali, fête des lumières dans l'hindouisme [1], présente des similarités plus ou moins surprenantes avec 'Hanouca. Son nom provient du sanscrit "Dipavali", Dipa voulant dire "lumière" et Avali "rangée". Il signifie donc littéralement "rangée de lumières".

L'année hindoue comporte douze mois lunaires et un mois est rajouté tous les sept ans pour compenser le retard par rapport au soleil. Les deux calendriers utilisés placent le nouvel An en Mars-Avril pour le sud de l'Inde et en Octobre-Novembre pour le nord. Le nouvel an du nord s'appelle Annakut – 'Hanouca ? - et la fête de Divali s'étend sur cinq jours : le jour de Divali a lieu le troisième jour, à la nouvelle Lune, et Annakut le quatrième. Comme 'Hanouca, Divali est donc en Automne, et s'étend sur une période de part et d'autre de la nouvelle Lune.

Divali symbolise pour les hindous la victoire du bien sur le mal, de la lumière sur les ténèbres, de la connaissance sur l'ignorance, de la joie sur la tristesse. Ses significations sont multiples et varient suivant les régions. Les principales sont la victoire de Krishna sur un démon, et de Rama sur un autre démon. La religion sikh dérivée de l'hindouisme commémore également Divali mais lui donne d'autres significations : d'une part la libération de cinquante-deux princes hindous prisonniers d'un tyran étranger en 1619, d'autre part la pose de la première pierre du Temple d'Or en 1577. Enfin, chez les jains, il s'agit de fêter l'apothéose spirituelle de deux gourous [2]. Cela rappelle un peu certains thèmes de 'Hanouca : la victoire des Maccabées, la fin de la construction du Tabernacle (voir lectures de 'Hanouca), et les dimensions à la fois nationales et spirituelles.

Pour la fête de Divali, les hindous allument des lumières à l'entrée de leurs maisons et dans leurs temples. L'allumage a lieu de nuit et de préférence avec de petites lampes a huile, munies de mèches de coton, mais dans les grandes villes des bougies et ampoules électriques sont également utilisées. Tôt le matin de Divali les fidèles prennent un bain d'huile, lié à une des significations de la fête. Les enfants reçoivent des cadeaux et des sucreries. Les jeux de hasard sont recommandés, en particulier les jeux de cartes et de dés. A mettre en parallèle avec la toupie de 'Hanouca... Le quatrième jour, pour le Nouvel An hindou, des prières sont dites pour la prospérité de la nouvelle année, les commerçants ouvrent un nouveau livre de comptes, et le lien avec le signe du zodiac de la balance est souligné [3,4].

Beaucoup d'autres coutumes sont en revanche entièrement étrangères et même antithétiques au judaïsme, comme les offrandes aux diverses divinités. D'autre part, l'allumage des lumières de Divali est sensé attirer la protection de la déesse de la prospérité, alors que celles de 'Hanouca (comme les autres mitsvot) n'ont aucune fonction utilitaire ou mercantile – le bénéfice de la mitsvah est la mitsvah elle-même.

Ces similarités et différences nous amènent à nous poser des questions de fond. Y-a-t-il un lien entre ces deux fêtes des lumières, et si oui, quelle est sa nature ? Compte tenu de la variété des religions, des fêtes religieuses et des pratiques religieuses, compte tenu des variations régionales, de la multiplicité des sens et de l'imprécision des correspondances, il est parfaitement admissible de considérer les correspondances décrites ci-dessus comme le fruit du hasard et d'une sélection orientée par un apriori culturel, la célébration proche de 'Hanouca. On analyserait ainsi une coutume étrangère à travers ses propres œillères : "c'est comme chez nous!".

Une autre approche est également permise, celle de voir un lien réel entre ces deux fêtes. Le judaïsme et l'hindouisme sont les deux plus anciennes religions existantes de nos jours, apparues il y a plus de quatre mille ans. Ce sont également les deux religions génératrices de la plupart des religions modernes, puisque les religions chrétiennes et musulmanes dérivent du judaïsme tandis que le bouddhisme, le sikhisme et le jaïnisme ont leur source dans l'hindouisme. Paradigme du monothéisme et de l'unicité face au paradigme du polythéisme et de la multiplicité. Une première hypothèse serait de supposer un fond psychologique et religieux commun chez tous les êtres humains, issus d'Adam Harichon. Ce fond aurait conduit à des célébrations semblables. L'approche de l'hiver et la réduction de la durée des jours auraient créé un besoin de fête des lumières. Dans une optique religieuse, la Tora n'a-t-elle pas été donnée en soixante-dix langues pour que tous les peuples l'entendent [5] ?

Peut-être pourrait-on également envisager des influences moins directes. Quels cadeaux spirituels Abraham a-t-il donné aux enfants de ses servantes, partis vers l'orient [6,7] ? Y-a-t-il eu des échanges commerciaux entre l'Inde et les royaumes d'Israël [8] ? Où les dix tribus perdues ont-elles abouti après la destruction du premier Temple ? Et le royaume perse d'Assuerus, dont une partie de la population se "fit juive" [9], ne s'étendait-il pas de l'Inde à l'Ethiopie?

Sources et compléments:
  1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Divali
  2. http://hinduism.about.com/
  3. http://www.diwaliutsav.com/
  4. http://www.diwalifestival.org/
  5. Midrash Tan'houma Chemot 25 http://kodesh.mikranet.org.il/tan/b0013.htm#25
  6. Genèse 25-6 http://www.sefarim.fr
  7. Sanhedrin 91a http://www.mechon-mamre.org/b/l/l4411.htm
  8. Michne Torah, Hilkhot Klei Hamikdach, 1-3 http://www.mechon-mamre.org/i/8201.htm
  9. Megilat Ester, 1-1 et 8-17. http://www.sefarim.fr
  10. Sur les allusions à 'Hanouca dans le pentateuque, voir le Sefer Hatodaa de Eliahou Ki Tov:
    http://www.breslev-midot.com/chanukkah10.asp#&5

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