A l'occasion du 70ème anniversaire de l'Etat d'Israël (célébré le 19 avril 2018),
nous avons demandé à certains des "Sages" qui accompagnent notre site depuis
sa création et qui vivent désormais en Israël, de nous faire part de leur état
d'esprit face à cet événement. Nous les remercions pour leur contribution.

70 ans depuis la Déclaration d'Indépendance ….
Joë Friedemann

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70 ans, déjà ! ou seulement ! Une réalité juive et nationale,à la fois si récente, et pourtant si ancienne, porteuse d'une histoire à nulle autre pareille. Il y aurait tant à dire pour un "ancien" (!) ayant résolu, il y a 54 ans, de quitter son Alsace natale pour effectuer sa "montée" en Israël en compagnie de quelques amis du cru. Et ce, plusieurs années avant la grande mutation, au lendemain de la Guerre des six Jours.

Aucun regret depuis, d'avoir quitté la diaspora, aucune velléité d'un possible retour vers une France qui pourtant reste toujours chère à son cœur. Les vacances passées dans le terroir alpin ou vosgien, l'appartenance à une culture acquise durant des décennies en témoignent incontestablement !
Aucun regret, c'est sûr !... Pour autant, faut-il se laisser aller à un discours "tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil", dont sont friands certains journaux et autres politiques, spécialistes es-bonne conscience ? Il ne me semble pas .
Les succès d'Israël dans tous les domaines sont là, est-il besoin d'y revenir ? Ils font de nous tous des citoyens de ce pays : des citoyens dont la fidélité et la fierté ne sauraient être mises en doute.

Néanmoins, au risque d'être targué d'être un rabat-joie, ou pire "ra'hmanah litzlan", un "gauchiste" il m'arrive d'exprimer parfois des réserves. Plusieurs questions étant dépendantes de la configuration géo-politique moyenne-orientale de notre pays,  et dont Israël, à l'évidence, n'est pas responsable.
Un problème crucial parmi d'autres, semble cependant se poser à nous dans toute son acuité…. Comment pourra-t-on un jour rassembler de manière acceptable et vivable ces quatre pôles qui composent la population de notre pays : les 'hilonim… les 'haridim … les mitna'halim …. les Palestiniens ?
En évitant autant que faire se peut, la caricature et la généralisation ….Les 'haridim avec leurs exigences, leur refus galoutique de s'intégrer dans la vie de l'État …. Les 'hilonim qui se rebiffent de plus en plus devant les restrictions apportées à leurs libertés ….. Les mitna'halim refusant tout arrangement… les Palestiniens qui contestent le compromis et jusqu'à notre existence. Ces derniers constituant en outre, et quoi qu'on en ait, un péril démographique pour l'Etat juif.

Bref, la réserve est d'importance! Sa solution, me semble-t-il, tient de la quadrature du cercle !
Et pourtant ! …. Israël est notre pays, celui que nous avons choisi en toute liberté … זאת ארצנו ואין אחרת

La nostalgie de Sion ne veillait-elle pas dans nos cœurs ?
Jacquot Grunewald

Mes souvenirs ? Mais souvenirs de 48 et de notre aliya ? Mais je n'avais pas encore 14 ans à la Déclaration d'Indépendance de l'Etat d'Israël et si la chair est faible, la mémoire, en tout cas la mienne de mémoire, l'est bien d'avantage. De plus : on me demande des souvenirs "alsaciens"! Eh bien, je me rappelle mon bonheur et ma fierté quand en sortant du Lycée Gay-Lussac à Limoges, j'ai vu les piles de journaux du vendeur, de l'autre côté de la rue, posées sur le bord de la vitrine d'un grand magasin. Sur 5 colonnes à la une, Paris-Presse et France-Soir annonçaient le retour d'un Etat juif. Ils parlaient des combats, de la menace arabe…

Vous me direz que ça ne compte pas puisque je n'étais pas en Alsace. Eh bien si, j'y étais! Parce qu'en 1948, j'appartenais à la "Communauté Israélite de Limoges – section de Strasbourg", dont mon père, alors, assurait la direction spirituelle.
Cette précision dépasse l'anecdote. En 1948, la Communauté de Strasbourg était en pleine reconstruction, celle de Limoges voyait ses gens partir. Mes anciens camarades devaient chanter la Hatikwa en force, à Strasbourg. J'étais, moi, le seul élève juif dans ma classe. Où sévissait pour le moins un antisémite aux cheveux blonds. Nos confrontations dans la cour de récréations n'avaient rien d'aimable. Parfois même elles étaient musclées. Déjà, le jeune Israël me venait en aide : l'héroïsme de ses combattants, après les années de calomnies sur les Juifs impotents et lâches, m'accordait une part de leur prestige.

Je me rappelle bien le nom de Latroun. La radio ne cessait de le répéter qui parlait des combats des Juifs contre la Légion jordanienne. En famille, et dans nos réunions à la Communauté, nous suivions la guerre sur tous les fronts.

Restons dans la section de Strasbourg. Dans sa synagogue, ou la salle qui en tenait lieu, rue Banc Léger, une affiche allait me convaincre, quelques années plus tard, qu'il me fallait entrer au Séminaire Israélite de France. Parce que les communautés françaises manquaient de rabbins, disait-elle. Bref, je resterai en France. L'aliya ? Le problème se posait. La solution viendrait plus tard.

Et puis, le temps a fait son œuvre… La nostalgie de Sion ne veillait-elle pas dans les cœurs ? Les départs pour Israël de Colmar, de Strasbourg, ceux de Mitsuko et d'Anatole (les Cohen-Yashar), de Louis mon beau-frère et de Monique…nous interpellaient ma femme et moi. Un autre souvenir (pourquoi juste celui-là?) : la salle des fêtes de la rue Sellénick pour la célébration du vingtième anniversaire d'Israël. La Communauté célébrait le Yom Haatsamouth. Et René Weil, le président, qui me disait: "Dans dix ans…On se retrouve en Israël"!

Ce que je peux dire sur mon aliya, en considérant les jours d'aujourd'hui… c'est qu'elle n'a pas été provoquée par l'antisémitisme. Nous n'avons pas souffert d'antisémitisme. Un seul incident à Strasbourg, aucun à Paris où nous avons passé nos quatre dernières années françaises. Ce qui nous a poussés à partir, c'est l'idée qui, il est vrai, ne m'a jamais quitté, que le destin du peuple juif s'inscrit en terre d'Israël. Ce qui m'a incité à partir, ce sont aussi les réactions à certains de mes écrits sur la politique israélienne, quand je m'entendais dire et qu'il me fallait lire : "Vous qui êtes installé dans votre fauteuil, de quel droit… etc." Je n'étais pas vraiment installé dans un fauteuil, mais finalement, je décidais de dire zut à la cantonade. L'idée me chatouillait aussi - une très mauvaise idée - que l'itinéraire de Paris à Jérusalem et retour, permettrait à Tribune Juive de servir de pont entre la France et Israël. Enfin, nos deux aînés avaient fait le pas, moi, j'avais fait mon temps. Et nous sommes partis.

Et puis… il y avait les deux boules, la rose et la blanche. Quand, après la lecture de Tazria et Metsora, (ou de Vayakel et Pekoudé), les heureux parents du Bar Mitsva vous invitaient, l'après-midi, au…dessert. Au dessert qu'ils donnaient après la seoude réservée à leurs proches. Ce dessert, une spécialité de l'Alsace ashkénaze, qui vous privait de sieste le Shabath, avant que les discours en l'honneur du Bar mitsva, sur ses hauts-faits passés et sur ses hauts-faits à venir et sur l'exemple filial qu'il allait suivre et qui étaient inscrits dans la "parsche" comme l'expliquaient d'habiles exégètes qui forçaient les paupières dans la salle du Restaurant de la Synagogue de la Paix – de la paix au Shabath arrachée – le dessert donc, quand le gentil Monsieur Beinhacker venait vous servir une boule de glace blanche et une autre de glace rose, ne vous laissait finalement pas d'autre choix que de fuir. Le pays d'accueil allait être Israël.


Un certain 7 juin 1967...
René Gutman
Grand rabbin émérite de Strasbourg et du Bas-Rhin

Chacun de nous a eu un jour l’occasion de vivre une expérience fondatrice dont l’effet peut le poursuivre toute sa vie. C’est ce qui advint, en ce qui me concerne, pendant la guerre des Six jours. J’étais encore adolescent lorsque, au matin du 7 juin, je vis mon père za"l, il exerçait alors comme Rabbin à Rouen, ouvrir son transistor et entendre en direct Motta Gour crier "Har habayith beyadénou, har habayit beyadénou !" suivi immédiatement des sons stridents du shofar dans lequel le Rav Goren venait de souffler.
Et sans encore saisir toute la portée d’une telle nouvelle, je vis avec étonnement mon père pleurer.

Je compris plus tard qu’il avait réalisé que le peuple juif venait renouer avec un passé de près de mille ans, lorsqu’enfin, après des siècles d’interdit, on pouvait se retrouver avec son peuple soudain devant le Mur, le Mur du Temple, le Kotel hamaaravi. Je crois aussi que mon père qui avait survécu à la Shoah, et était revenu en France, extrêmement affaibli après avoir passé cinq ans en captivité dans un stalag en Allemagne (il y côtoya entre autres Emmanuel Levinas et le père du Rav Daniel Epstein), trouvant une synagogue détruite, et une Communauté exsangue dont près de 80% de ses membres furent déportés, lui qui, chaque année, durant le Seder, faisait mémoire de cette période en pleurant pendant l’évocation de la servitude en Egypte, avait senti qu’une époque messianique venait d’être franchie. Et c’était comme si le Kotel retrouvé, le Kotel libéré, réalisait en lui la rencontre du passé et du présent, des morts et des vivants, le retour de l’âme juive, de là où on l’avait arrachée.

Etrangement, cette nostalgie pour le Mur, qu’on appelait alors le "Mur des lamentations", ne m’était pas inconnue. Je me souviens que quelques mois avant, j’avais été fasciné par quelques ouvrages sur le Moyen Orient trouvés dans la bibliothèque municipale de Rouen, et où figuraient dans les pages consacrées à la Jordanie les photos de ce Mur, une photo identique à celle qui depuis des générations était accrochée sur nos murs comme "Mizrah" un Mur désert, abandonné et presque en ruine. Un désir fou me prit alors de pouvoir un jour réaliser ce rêve bimillénaire que nous clamons à la fin de chaque nuit pascale "leshono habau bi Yerouchalaïm".

Avec un rare pressentiment, et sans doute aussi nourri des réminiscences qu’il avait gardé depuis la Guerre, mon père, inquiet pour ses enfants, comprit, dès les premières manifestations anti israéliennes qui suivirent l’euphorie de la guerre de six jours, qu’il nous fallait quitter la France. S’il resta à son poste au côté de ma mère, (il comptait parmi ses élèves Jacquy Bronstein, Paul Zilberman et Eliane Ross, Richard Halberstam) trois sur quatre d’entre nous partirent, dès l’été 67, en Israë). Partis, nous l’étions pour continuer nos études secondaires, mais aussi pour étudier plus intensément le kodesh. Mon frère aîné et moi à la yechiva, et ma sœur aînée chez Manitou. Seuls deux d’entre nous firent leur aliya. Personnellement, je pris la décision de rester à Rouen après la mort prématurée d e mon père en février 1972, et d’y a assurer l’intérim,( je venais de recevoir ma première semih’a des mains du grand rabbin de Haifa, Rabbi Yossef Messas zatsa"l ). Puis je regagnai l’Ecole rabbinique tout en entamant des études universitaires.

Ce que j’ai appris et retenu durant toute cette période, m’apparut, dans les années qui ont suivi, comme une donnée de l’existence, que mon retour en France, en 1972, et le long exil qui s’en suivit, jusqu’à notre aliya, ne firent que creuser plus encore, nous mettant, mon épouse et moi , inconsciemment sans doute, en quête d’un présence absente . C'est-à-dire avec le sentiment confus, toutes ces longues années passées dans les communautés de Reims, Besançon, Bruxelles puis de Strasbourg, qu’au cœur de cette présence, dans cette Diaspora, pouvait se lover l’absence, et que tant que le pas ne serait pas franchi, l’Israël éternel, celui de nos attentes, n’était pas au rendez-vous dans l’espérance même des temps messianiques. Même si, à l’instar de ce que nous disons notre prière pour l’Etat d’Israël, et le plaidoyer extraordinaire que le grand rabbin Abraham Deutsch écrivit en 1948 dans le Journal de nos Communautés, au lendemain de l’Indépendance le proclamait déjà (peut-être ce texte convaincra t-il les derniers indécis alsaciens !) : la Création de l’Etat d’Israël fut toujours pour nous, considérée et affirmée comme le signe concret et anticipateur des "Temps de la Délivrance" "Réchit tzemihat gueoulaténou". Conscients cependant qu’il nous appartient de prier et d’agir pour la réalisation de la Rédemption, comme l’ont dit nos Sages "Chaque génération qui n’est pas témoin de la restauration du Beth hamiqdash devrait se considérer comme ayant été elle-même témoin de sa destruction".

C’est aussi ce qui ressort du remarquable essai du Rav Soloveitchik, (traduit par Benno Gross dans l’ouvrage Le croyant solitaire) intitulé, selon le verset bien connu du Cantique des cantiques (5:3) : "Une voix : Mon amant frappe !" ("Kol dodi dofek") et où, à propos du vote des Nations Unies pour l’établissement de l’Etat d’Israël, l’auteur y décrit ce qu’il qualifie au point de vue des relations internationales, "un évènement presque surnaturel" . "J’ai tendance à croire, ajoute-il, que l’ONU fut créée spécialement pour ce but". Et il poursuit : "je ne sais pas ce que les représentants de la Presse aperçurent avec leurs yeux de chair lors de cette assemblée décisive, mais celui qui observait avec attention avec les yeux de l’esprit, aperçut le véritable président qui arbitrait les débats à la tribune présidentielle, c’était l’Ami. Il frappa de son marteau sur le pupitre et le miracle se produisit. Une voix : mon ami frappe !"

Or si ce déracinement m’a si longtemps plongé dans la spirale de la Galouth, il m’a aussi ouvert, grâce à la découverte des Œuvres du Rav Kook, d’André Neher, du Rav soloveitchik, de Manitou et de Benno Gross, au questionnement métaphysique et philosophique de ce retrait, et en même temps de l’espérance du retour. J’ai essayé de le franchir par mon engagement communautaire au nom du "ahavath Israël" enseigné par le Rav Kook, en particulier, pour qui, "l’âme collective, une fois que le sentiment national, jusqu’à présent en sommeil, se soit réveillé, est à même de projeter son rayonnement grâce au renforcement du pouvoir et du prestige d’Israël" (Les défis du peuple juif, traduction Benno Gross p. 105).

Message qui m’a servi de guide dans les différentes communautés que j’ai été appelé à servir, Communautés que je retrouve, d’une certaine manière, et avec bonheur, dans la "Diaspora" alsacienne de Jérusalem à travers ses nombreux Olim. Vous toutes et vous tous qu’il me tient à cœur, par le biais du site du judaïsme alsacien et de Michel Rothé, de remercier très chaleureusement, et d’exprimer, au nom de Sara, et de moi-même, notre vive reconnaissance, et notre gratitude, pour l’extraordinaire accueil dont nous avons bénéficié, et qui ne tarit pas, depuis notre aliya, sur cette Terre, où j’ai retrouvé les accents du même shofar qui a sonné jusque dans nos portes, un certain 7 juin 1967…


En faisant son Alya, chaque juif emmène avec lui un peu de son passé pour bâtir Israël.
Mati Obis-Weill

L’Alsace et Israël ? Deux pays qui fondent mon identité juive. Enfant, mon rapport au judaïsme était lointain. Je n’ignorais pas être Juif mais vivant en dehors de toute communauté il se résumait surtout pour moi à la grande sensibilité de ma mère lorsqu’on évoquait le sujet de la Shoah, et à son rejet viscéral de l’extrême droite et de tout acte raciste.
Ce n’est qu’adulte que j’ai pu découvrir autrement le judaïsme. La pratique religieuse, les fêtes, bref la culture juive. Ce rapprochement je le dois à la fois à un long travail sur ma généalogie qui m’a conduit à renouer avec mes origines lsacienne et également à mon Installation en Israël.
Grâce à la généalogie, j’ai pu retrouver la piste de mes ancêtres enracinés en Alsace depuisplusieurs siècles et ce, bien avant la révolution. Ici un rabbin à Saverne, là un sho’heth à Jungholtz ou un colporteur à Bollwiller, parfois aussi la figure marquante d’un “préposé de la nation Juive” appartenant à l’une des grande famille juive Alsacienne comme les Netter de Rosheim.

Cette recherchede mes origines juives, qlsaciennes m’a rapproché de la culture et de la religion et m’a conduit à découvrir Israël en 2005. J’y arrivais alors, en imaginant l’Israël des années 50 et je me trouvais propulsé en plein 21ème siècle. Un aéroport ultramoderne, un périphérique à trois voies... là où J’imaginais des routes à peine goudronnées. A Tel Aviv, Je pensais trouver des petites maisons blanches comme sur les cartes postales et c’est Manhattan que je découvrais! Ce fut un choc. Israël m’apparut alors pour ce qu’il est, un pays moderne et dynamique et un pays vivant, tellement plus vivant que la veille Europe. Un pays de brassage avec des juifs originaires du monde entier.

J’aimais Israël et le pays me tendais les bras. Habitant dans le sud de la France, je n’y voyais pas d’avenir pour les juifs : la communauté était vieillissante et l’assimilation y faisais des ravages. Tous ces efforts pour retrouver mon identité juive ne pouvaient être vains. Mon avenir et celui de mes enfants ne pouvait être qu’en Israël.
En juin 2006, je m’installai donc en Israël.
J’ai aujourd’hui 45 ans et je vis ici depuis 12 ans. Je m’y suis marié, mes enfants y sont nés et sont de véritables sabras, ils maitrisent l’hébreu mais aussi le français (cher à mes ancêtres alsaciens). En Israël, Ma vie est enfin réglée sur les fêtes juives. Manger casher est simple, la peur de l’antisémitisme n’existe pas. Israël, c’est chez moi.

Mais en Israël, je n’oublie pas pour autant l’Alsace, car là sont mes racines. L’Alsace, je la transmets à mes enfants : pas de fêtes, sans Butterkuche (petits gâteaux à la cannelle), pas d’hiver sans au moins une bonne choucroute et un Kougelhopf ! Et que dire du seder de Pessah : aurait-il le même charme sans ses airs Alsaciens ?

En faisant son aliya, Chaque juif emmène avec lui un peu de son passé pour bâtir Israël. Ce qui rend ce pays si attachant c’est ce mélange de cultures : du Marocain de Sefrou au juif de Sibérie en passant, parfois, par l’Alsace.

Nous lançons un appel au peuple juif de par le monde
Baruch Lior

L'Etat d'Israël fête son 70ème anniversaire. Être septuagénaire relève d'un symbolisme qui va bien au-delà des festivités…. Selon nos Sages, dans le Traité de Avoth (Pirkei Avoth 5:21) , soixante dix ans est un signe de "vieillesse", (séva), mais il ne s'agit pas d'une vieillesse chronologique, d'un déclin physique, puisque cette même michna enchaîne sur l'éloge fait à celui qui atteint l'age de 80 ans et lui attribue la faculté de "gvouroth", de bravoure et de vaillance. Donc à 70 ans, on est plein de forces et de dynamisme, comme un sportif s'entraînant pour faire preuve de ses forces, dix ans plus tard .

Le 70 ème anniversaire de l'Etat d'Israël est donc l'opportunité d'un bilan des réalisations et de ce qui reste à accomplir.
Pour ceux , qui comme moi, sont nés après la création de l'Etat d'Israël, et étaient adolescents à la guerre des Six Jours, l'existence de l'Etat d'Israel est une évidence, et ses réussites en termes de sécurié, d'économie, de développement industriel et technologiques, d'agriculture et encore dans de nombreux autres domaines sont à inscrire dans les colonnes positives de ce bilan. Il reste certes beaucoup à faire dans le domaine des lacunes sociales et de l'éducation, face aux grands clivages de société et aux crises identitaires de nombreux jeunes israéliens.

Pour moi, Israélien depuis près de 50 ans, originaire de France, et actif professionnellement face aux communautés et aux instances du Judaïsme français , je voudrais à l'occasion de cet anniversaire me focaliser sur le premier et le dernier paragraphe de la Déclaration d'Indépendance de l'Etat d'Israël :

Premier paragraphe : Dernier paragraphe :
« Eretz-Israël est le lieu où naquit le peuple juif….. C'est là qu'il réalisa son indépendance…
Contraint à l'exil, le peuple juif demeura fidèle au pays d'Israël
à travers toutes les dispersions, priant sans cesse pour y revenir,
toujours avec l'espoir d'y restaurer sa liberté nationale…..
Nous lançons un appel au peuple juif de par le monde à se rallier à nous dans la tâche d'immigration
et de mise en valeur, et à nous assister dans le grand combat que nous livrons
pour réaliser le rêve poursuivi de génération en génération : la rédemption d'Israël….".
(la traduction est du ministère israélien des Affaires étrangères).

Les fondateurs de l'Etat d'Israël, signataires de cette déclaration, hommes et femmes de droite et gauche, religieux ou athées, ont cerné le plus grand défi de l'Etat d'Israël au 20ème siècle : "…nous lançons un appel au Peuple Juif de par le monde à se rallier à nous…". Aujourd'hui au 21eme siècle et il semblerait à première vue que la réalité ait changé : il n'existe aujourd'hui presque plus de communautés en détresse, et bien au contraire en Europe, aux Etats-Unis et ailleurs fleurissent des communautés juives fières et en plein essor (tout au moins apparemment..). De plus en plus, se multiplient les tentatives de reformuler les rapports Israël-Diaspora et la dialectique Babel-Jérusalem est de bon ton : deux pôles équivalents qui assureraient l'avenir du Peuple juif.

Une analyse plus précise de la démographie juive révèle une situation beaucoup plus complexe, celle d'une mise en danger de l'avenir de la Diaspora. Bien qu'à la veille de son 70ème anniversaire, Israël n'ait pas encore réalisé une des tâches essentielles que ses fondateurs lui ont voué, il n'en reste pas moins que comptant plus de six millions de Juifs , Israël est la plus grande communauté juive au monde. Cependant si les démographes comptent aujourd'hui un peu plus de 14 millions de Juifs dispersés à travers le monde, la majorité vivent donc hors d'Israël qui n'a pas encore accompli ce qui a été défini par ses fondateurs comme son ultime tâche : rassembler le Peuple Juif, ou tout au moins sa majorité, en Terre d'Israël.

Israël 6,335,000
Etats-Unis 5,700,000
France 460,000
Canada 388,000
Royaume Britannique 290,000
Argentine 181,000
Russie 180,000
Allemagne 117,000
Australie 113,000
Telles sont en effet les statistiques du démographe Pr. Sergio de la Pergola sur la situation du Peuple Juif en fin 2015 (tableau de droite) :
Néanmoins la balance démographique pèse de plus en plus en faveur de l'Etat d' Israël, aussi bien du fait de la aliya que de la dynamique et étonnante démographie interne en Israël, mais malheureusement aussi à cause de la disparition par assimilation d'une large couche de la population juive des moins de trente ans en Diaspora.

A mon sens, ces données nous illustrent ce que devrait être la stratégie de l'Etat d'Israël à l'heure actuelle :

  • D'une part, fixer le 80ème anniversaire comme date de changement radical de la démographie juive mondiale : un majorité incontestable des Juifs devra vivre en Israël. Pour cela il faut mettre sur pieds une stratégie d'aliya , qui sera commune à l'Etat d' Israël et aux communautés juives de Diaspora. Les communautés seront partenaires actifs , dans le domaine de l'éducation , de l'aide sociale et financière, d'un plan concret d'aliya mondiale.
  • En parallèle, un combat contre l'assimilation côte à côte avec les Communautés de Diaspora, en particulier au sein des communautés qui "se rétrécissent". L'Etat d'Israël se portera responsable, en partenariat avec les Communautés de la lutte contre l'assimilation.

    Ces deux buts peuvent être atteints, mais cela implique une mise en pratique du principe "kol Israël arevim ze laze". Il doit y avoir une prise de responsabilité commune de ces deux facettes de l'avenir du Peuple juif : d'une part renverser le courant de l'assimilation et d'autre part renforcer la priorité de l'Etat d'Israël, comme unique moteur de croissance et de vitalité.

    A tous et toutes, un très joyeux Yom Haatsmaouth, dans l'attente d'un bilan encore plus positif pour nos 80 ans. H'ag Sameah' !


    Je suis rentré à l'intérieur de mon Mizrah

    Il y a 35 ans que je suis venu en orient vers ce Mizrah vers lequel je me tournais lorsque je priais en Alsace. Et c'est à Jérusalem que s'est déroulée la plus grande partie de ma vie.
    C'est en orient , que j'ai construit ma famille et que j'ai réalisé mon parcours professionnel.
    C'est en orient que nous avons vécu toutes sortes d'événements joyeux ou douloureux , bien des espoirs et de désillusions..
    C'est en orient que j'ai retrouvé les Juifs de l'Est, ces Juifs d'URSS pour la libération desquels je m'étais battu lorsque j'habitais Strasbourg.
    C'est en orient que j'ai retrouvé une communauté alsacienne qui était venue comme moi s'installer au pays de ses ancêtres.
    C'est en orient, depuis Jérusalem, que j'ai pu faire connaître dans le monde entier la culture de ma terre d'origine, l'Alsace et celle de sa sœur, la Lorraine.

    Alors, suis-je aujourd'hui un oriental ou un occidental ? Suis-je un Alsacien ou un Israélien ?
    Ce qui est sûr, c'est que je ne connais pas le déchirement de Yehuda Halevi : "Mon cœur est à l'Est et moi je suis à l'Ouest". Même si j'ai parfois la nostalgie de mes racines en occident, je suis devenu un homme doté d'une seule âme, prêt à m'engager pour que le pays vers lequel les Juifs se sont toujours tournés dans leurs prières, puisse devenir un jour le paradis qui nous avait été promis.
    Certes, j'ai réussi à rentrer à l'intérieur de mon Mizrah, mais ce Mizrah a encore beaucoup de chemin à parcourir.


    Les traditions juives alsaciennes sont toujours présentes à mon esprit
    Liora Kahn Roitman

    Je me suis mariée en 2005en Israël et nous nous sommes installés d’abord à Tel Aviv et puis à Raanana. Nous nous sommes très vite bien intégrés à la vie trépidante israélienne malgré le changement que cela représente lorsqu'on a vécu auparavant à Strasbourg. D'ailleurs de nombreux amis sont également d'origine française et alsacienne et j'ai gardé des attaches avec cette région car mes parents habitent à Strasbourg.
    Les traditions juives alsaciennes sont toujours présentes à mon esprit et sur le plan culinaire j'ai su faire apprécier à mes proches et à mes amis la véritable choucroute alsacienne ...
    De plus mon aînée, Tali, est scolarisée dans une classe où quatre de ses amies ont également des parents d'origine alsacienne ce qui renforce ce lien que nous entretenons avec le judaïsme alsacien et ses traditions !


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