L'humour juif et la Grande Guerre
par Philippe-E. LANDAU

Extrait de l'Almanach du KKL-Strasbourg 2000

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Est-il possible de définir l'humour juif ? On risquerait de soulever une nouvelle question juive et d'avoir de multiples réponses sur le sujet car nous savons que dès qu'il y a deux juifs, on rencontre nécessairement trois avis.

Pourtant, bien des personnes autorisées se sont émues du problème sans jamais le résoudre entièrement. De Freud aux humoristes contemporains en passant par les plaisanteries de certains savants et hommes de lettres, nous pourrions publier une anthologie de l'humour juif ou plutôt de l'humour des Juifs. Cet art de rire ou de faire rire sur soi dépend néanmoins de nombreuses conditions : le degré d'intégration, la sensibilité, le contexte.... Quoi qu'il en soit, depuis longtemps, l'humour a sa place dans la communauté juive. Rabbi Shimon ben Kappara ne s'était-il pas excommunié pendant trente jours pour avoir été ironique sur le grand maître Yehuda Hanassi ? Pendant la fête de Pourim dans les communautés d'Europe de l'Est, un étudiant de yéshiva n'était-il pas chargé d'imiter ses rabbins ?

Peut-être alors que l'humour juif correspond à cette "brisure du Moi", cette possibilité d'affronter une réalité souvent tragique et de s'adapter à un éternel exil (1). Pour le journaliste Arnold Mandel, cet humour correspondrait à "... une volonté de désarmer la haine froide en l'apprivoisant par le sourire" (2). Dans les deux cas, cette attitude délibérée de rire de soi, des autres et de son peuple, résulterait alors d'un certain malaise au sein d'une société donnée.

D'une finesse raisonnée, l'humour juif a connu une profonde transformation au cours des siècles. A l'origine et jusqu'à l'Emancipation, il est plutôt d'essence religieuse. Les grands maîtres du 'hassidisme ont souvent usé de l'humour pour éduquer les fidèles (3). Par la suite, l'humour s'est étendu aux différents aspects de la vie quotidienne du Juif dans la Cité ce qui fait écrire à André Spire : "... le Juif est moqueur, comme le Français. Comme le Français, poli et plein de soi, il aime à se railler soi-même par politesse et par orgueil. Il parle de ses qualités à voix basse et à voix haute de ses travers" (4). II y aurait ainsi un humour spécifique à chaque communauté selon son origine géographique ou culturelle.

A regarder de plus près l'ensemble des histoires juives, on constate cependant que le Juif ne se prend jamais au sérieux. Abusé ou abuseur, coupable ou victime, il n'en tire pas forcément une leçon mais ne se donne jamais un rôle excessif, ce qui témoigne d'une "bonne hygiène morale" selon Pierre Aubéry (5).

Du fait de son intégration réussie, au détriment il est vrai de sa pratique religieuse, le Juif français est alors appelé à réfléchir sur sa propre identité dans un pays républicain et laïque L'humour devient. ainsi selon la conception freudienne une arme de défense et de protection tout en demeurant "le reflet d'une situation donnée" (6).

C'est dans cet objectif que nous retiendrons la présente étude en nous attachant à deux événements historiques qui ont fortement conditionné la mémoire juive la perte des deux provinces en 1871 et la Grande Guerre (7). Si les plaisanteries sont rares car toujours orales et déformées avec le temps, elles reflètent cependant un état d'esprit particulier, propre à une génération aujourd'hui disparue. Elles démontrent à la fois urie forte sensibilité patriotique et un certain cynisme quant aux Juifs allemands.

Le souvenir des deux provinces

Comme le pensait André Spire, l'humour juif est à l'image aussi du pays dans lequel les Juifs vivent. Il est. facile de limiter cet humour aux blagues aschkénases d'Europe centrale ou israéliennes (8). Il n'ernpêche que tant que la communauté originaire d'Alsace a été majoritaire en France, elle a elle aussi développé un humour qui lui était propre. Outre les blagues traditionnelles traitant du rabbin, du naïf du village ou des affaires en général, cet humour a évoqué aussi les tragédies du moment. Si l'ancien grand rabbin de Colmar Isaac Lévy fait ses adieux aux deux provinces en des termes très émouvants :

"Ah! pauvres frères opprimés on a pu vous enlever votre nationalité, on a pu vous imposer des lois nouvelles, on peut forcer vos enfants à étudier un idiome étranger, on peut proscrire la langue et les souvenirs de la patrie, mais on ne peut pas aller fouiller dans vos âmes pour y détruire l'espérance..." (9)
le grand rabbin Simon Debré qui a laissé à son fils Robert de pieux souvenirs sur sa terre natale, s'attache à conserver le patrimoine humoristique des Juifs alsaciens souvent exprimé en yiddish-teutsch (10). L'intérêt du recueil du grand rabbin Debré réside dans le fait que la plaisanterie puise sa source dans des versets bibliques prononcés en yiddish-teutsch et interprète une attitude particulière. En voici un exemple qui démontre bien l'entrée dans la modernité de cette communauté qui en l'espace de trois générations a réussi son intégration tant sociale qu'économique :
"HAKOL HEFL", Es muss aber doch "GEHEFELL"sei.
(tout est vanité mais il faut tout de même vivre cette vanité)
"Hakol hovel", tout est vanité, ces deux mots, nous l'avons dit sont bien entrés et se sont acclimatés dans le yiddish alsacien sous la forme judéo-alsacienne "Hakol hefl".(...) Parfois, on emploie celle formule comme maxime de morale adressée à certaines gens qui poursuivent trop âprement les biens de la terre. (...) C'est comme si on fondait en français le verbe "vaniter". C'est bien vrai, tout est vanité, mais il faut tout de même "exercer cette vanité" (11).

le verset attribué au roi Salomon prend ainsi toute sa dimension dans le vécu judéo-alsacien et désigne à sa manière et avec lucidité la promotion sociale des Israélites. Parfois, c'est avec résignation que l'humour évoque l'affaiblissement de la tradition et l'attrait du londe matériel chez les Juifs alsaciens. L'expression "Aile tog Yomtef' onn nie Shaves" pour "Alle Tage Yomtov und nie Shabos" ("Tous les jours Fête et jamais Shabath") reflète bien cette inquiétude propre aux rabbins qui s'aperçoivent de la perdition des observances shabatiques au profit des affaires durant la semaine (12).

Soldats français et allemands durant la première guerre mondiale. Caricatures de Hansi

Mais à l'effacement progressif des valeurs religieuses succède aussi la nostalgie des deux provinces perdues. Avant 1870, le judaïsme français est très nettement dominé par l'élément alsacien-lorrain. Les institutions et le rabbinat sont dirigés par des personnalités originaires de ces départements. Aussi, lorsque les territoires sont annexés par le Reich après le traité de Francfort, la division forcée de la communauté renforce le traumatisme de la défaite. Jusqu'à la victoire de 1918, les Juifs d'Alsace et de Lorraine vont vivre dans la nostalgie et dans l'espoir de recouvrer un jour leur terre natale même s'ils vont s'accommoder de la présence allemande (13). Privé de ses forces vives, le judaïsme français se montre inquiet pour l'avenir d'autant plus que l'Alsace était le berceau des vocations rabbiniques. Traumatisme et craintes sont sans doute à l'origine de certains jeux de mots où le sort des deux provinces est mentionné. Si l'envahisseur n'est guère évoqué, Strasbourg et Metz symbolisent toujours la perte d'un passé. A ce titre, l'impact de l'annexion est même présent dans l'humour juif qui, parfois et surtout sur ce sujet, prend des accents nostalgiques.

Dans une mishna tirée des Maximes des Pères qui évoque les différentes étapes de la vie humaine, il est écrit que l'homme, dès qu'il a dépassé les cent ans, est considéré comme mort, comme passé, comme disparu de ce monde. Par le biais de cette sentence, l'humour alsacien peut alors traduire son désarroi face à la perte de la ville de Metz :

"Mes ofar oufot'l min hoaulem" pour "Mes ovar ouvotel min hoaulom" (Metz est passée, disparue de ce monde).
Commentant cet humour particulier, le grand rabbin Simon Debré rappelle aux lecteurs que la perte des deux provinces fut :
"... une grande tristesse pour nos pieux coreligionnaires, que de voir passer sous domination allemande, avec Strasbourg, cette vieille et belle communauté de Metz qui pendant des siècles, avait été une véritable pépinière de pieux et savants talmudistes" (14).
Ainsi, Metz qui se prononce en français "Mes" signifie aussi "mès" (de "meth" : "mort" en hébreu) en prononciaton aschkénase. Lorsque les Juifs alsaciens mentionnaient alors la bonne ville de Metz dans leurs souvenirs, ils citaient inévitablement cette partie de la mishna pour traduire, non sans humour, la disparition de la terre des aïeux.

Tranches d'humour dans les tranchées

Certes, comme l'ensemble de leurs concitoyens, les Juifs de France ont accueilli l'entrée en guerre avec résignation même si l'espoir de reconquérir l'Alsace et la Lorraine les animait (15).

Malgré la mort quotidienne, la faim, le froid, les nombreuses privations et l'immense détresse morale, l'humour reste encore l'intime soutien pour les combattants. Il est, avec la lecture du courrier familial, la gamelle et le tabac, l'un des plaisirs du Poilu. D'abord oral, l'humour se diffuse ensuite dans les nombreux journaux des tranchées rédigés par les soldats. Très souvent,, le cynisme et la dérision sont l'occasion d'appréhender la terrible réalité. Humour cruel mais avant tout lucide sur la condition du combattant. Cet état d'esprit n'abandonne jamais l'homme car il est son refuge, le moyen d'affirmer encore un trait de sa personnalité et de se soustraire à l'inimaginable expérience de la guerre.

Les journaux des tranchées reflètent donc l'état d'esprit des hommes qui ironisent sur leur sort pour mieux dépasser leurs craintes. Il est nécessaire d'apprivoiser la mort, ou plutôt sa propre mort. L'humour en est un moyen. Ce sujet morbide retient particulièrement l'humour des combattants car il est évident qu'il les concerne de près. Dans ce cas, autant en rire corrnne le démontre ce trait d'humour publié dans Le Cri de Guerre du 20 octobre 1916 : "A quoi bon vous creuser la tête. Un obus le fera bien" (16).

Humour noir, rire jaune alors que l'homme voit rouge dans son uniforme bleu-horizon ! En fait, la lucidité est source d'inspiration en ces moments redoutables où la mort accompagne quotidiennement la vie : "La toile de tente : sert au transport des vivres et des matériels. Remplace avantageusement le brancard. Un poilu ne s'en sépare jamais car il sait qu'elle lui procurera le dernier bien-être... le linceul dans la tombe" (I.'Indiscret des Poilus, octobre 1917).

Moins macabres et moins cyniques, les plaisanteries juives sur la guerre révélent soit l'absurdité de la guerre soit le degré d'intégration des Israélites. Il faut sans doute distinguer un humour particulier à chaque communauté car les blagues des engagés volontaires diffèrent sur le fond de l'humour des Juifs alsaciens.

Pour la plupart originaires de Russie, les immigrés ont été marqués par la guerre russo-japonaise où leurs pères ont été enrôlés de force pour intervenir en Mandchourie. Sur le front de Champagne où ils tombent par centaines lors de la bataille de Carency en juin 1915, ils transposent souvent l'expérience des aînés à la leur (17). Même s'ils sont convaincus de mener une une juste pour la civilisation, ils savent que la guerre est absurde.

Dans cette version remaniée de la guerre russo-japonaise où l'utilisation des gaz n'existait pas encore, l'humour dénonce ainsi la lâcheté - ou la lucidité - d'un Juif après une offensive ratée :

"Après une attaque manquée, l'ordre est donné de reculer. Poursuivis par l'ennemi, les soldats se replient. Soudain, un officier s'aperçoit qu'un combattant juif ne porte pas son masque à gaz.
- Qu'est-ce que ça signifie ? lui demande-t-il avec colère. Pourquoi n'as-tu pas mis ton masque ?
- C'est que je savais que l'on reculerait ! lui répond le Juif "(18)
Les Juifs immigrés se rient souvent du cas du "schlemil" (bon à rien). Mais audacieux et téméraire, ce dernier révèle ses capacités pendant la guerre. Lui qui n'a pas des vertus guerrières, le voilà promu aux plus belles distinctions par son sens de l'entreprise et par son goût du profit :
"Un véritable "schlemil" s'est engagé dans l'armée française. Affecté dans l'infanterie; il est renvoyé pour ses pieds plats. Dans l'artillerie, au premier coup de canon, il se crève un tympan. Dans l'aviation, il est refusé car il a le vertige. Il ne lui reste plus que la marine.
Là, stupeur ! Tout va bien ? Mieux ! en quelques semaines, il devient capitaine puis commandant !
Cette promotion inquiète les autorité militaires. L'amiral est alors convoqué et s'explique sur la situation de ce petit juif : "Quand j'ai vu venir ce gaillard là, j'ai pensé qu'il n'y a pas deux moyens d'arriverà un résultat. Je lui ai dit : Yosselé, je te donne un cuirassé, mets-toi à ton compte." (19)

Bien évidemment, les volontaires plaisantent aussi sur les motivations de leur engagement dans les régiments de Marche étrangers. Ils n'évoquent jamais la raison de la "gamelle" comme l'estiment pourtant les antisémites de l'époque. L'écrivain Blaise Cendrars a d'ailleurs rendu hommage à ces immigrés qui librement sont venus défendre la France en danger : "...il y avait chez nous des étrangers qui s'étaient engagés par amour pour la France plus que par haine pour l'Allemagne. (...) Tous n'avaient donc pas obéi à des sordides intérêts d'ordre alimentaire ou de basse police..." (20) S'ils ne s'intéressent guère aux attaques incessantes dont ils sont l'objet de la part de leurs supérieurs et de la presse nationaliste, ils préfèrent s'amuser sur les raisons de leur volontariat :

"Deux engagés volontaires causent ensemble :
- Dis-moi, Moïchelé, qu'est-ce que tu fais ici dans l'armée française ?
- C'est simple, j'étais célibataire et j'aime la France. Et toi, alors que tu as une famille ?
- Moi, eh bien, j'ai une femme et j'aime la paix : alors je me suis engagé !" (21)

L'humour judéo-alsacien est à l'image de l'israélisme. Il exprime à travers certaines situations cocasses la réussite de l'intégration et le souci permanent de démontrer une forme exacerbée du patriotisme. Certes, les stéréotypes ne sont pas toujours absents et quelques histoires évoquent des Juifs rusés et sensibles au gain. Mais la morale patriotique demeure. Il est alors possible d'aider la France tout en veillant à ses intérêts. A ce titre, la blague qui suit témoigne d'une solidarité entre les Juifs alsaciens, qu'ils soient du côté français ou du côté allemand :

"C'était au début de la guerre. Le Matin avait promis cinq mille francs au soldat qui prendrait le premier drapeau allemand. Lévy pensait :
- Si seulement je pouvais en prendre un !
Les hasards de la guerre le mirent devant son cousin Hirsch de Strasbourg, qui servait chez les Allemands. Lorsqu'il l'aperçut :
- Eh, Hirsch ! As-tu lu Le Matin ?
- Non!
Lévy lui lance lejoumal ; Hirsch le lit, comprend et vient dans nos lignes avec son drapeau.
- Bonjour, Lévy !... Et maintenant, part à deux ! (22)

L'humour ne se soucie guère de l'authenticité historique. Dans le cas des histoires judéo-alsaciennes sur la guerre, la dérision est absente. De même, si les Juifs immigrés mettent en scène des Juifs affectueusernent avec leurs prénoms, les Juifs alsaciens préfèrent utiliser toujours les patronymes les plus portés : Bloch, Blum, Dreyfus et Lévy.

L'objectif est sans doute d'affirmer l'attachement à la patrie même si le contexte est parfois scabreux. Servir la France, montrer que l'on est un bon soldat et un excellent patriote, telles sont les motivations qui engendrent cet humour particulier qui, dans de nombreuses occasions fait fi de l'aspect fratricide du conflit.

Dès le début de la guerre, les Juifs français ont pourtant eu conscience que des coreligionnaires pouvaient se trouver dans la tranchée d'en face. Mais emportés par leur patriotisme et déculpabilisés par les déclarations rabbiniques qui affirment que "... les protestants de France ont bien pris les armes contre ceux d'Allemagne..." (23), il leur est aisé de considérer les Juifs allemands comme des ennemis.

Néanmoins, à leur égard, les histoires ne sont jamais cruelles ni haineuses. Une relative bienveillance s'exerce dans les propos. Aussi la mort de l'ennemi, qu'il soit juif ou chrétien, n'est-elle pas mentionnée. Mieux, le Juif allemand apparaît toujours comme le frère d'une communauté religieuse et, souvent, c'est par un motif religieux que le Juif français réussit à le dominer, en l'occurrence à le faire prisonnier. La dernière forme de solidarité qui peut encore exister entre les combattants juifs demeure justement la religion, alors que celle-ci est très rarement mentionnée dans les blagues judéo-alsaciennes. Elle reste l'unique moyen pour approcher l'ennemi et confirmer dans ce cas un patriotisme outrancier :

"Le caporal Isaac Dreyfus vient d'être décoré. Il a eu droit à tous les honneurs car à lui seul, il a réussi, sans sortir de la tranchée et sans tirer un seul coup de fusil, à capturer douze soldats allemands !
Le général, fort intrigué par un tel coup d'éclat, lui demande les raisons de sa réussite. Embarrassé au début, le caporal lui répond :
- C'est bien simple, mon Général ! J'ai regardé ma montre et j'ai vu que la prière du soir allait bientôt commencer. Devant réciter la prière pour les morts, il me fallait au moins neuf coreligionnaires. De ma tranchée, j'ai donc crié "Minyan (quorum nécessaire pour faire la prière), minyan !" Aussitôt, douze allemands sont venus. Après avoir récité la prière en commun sans leurs armes, il m'a été facile de les capturer et de les remettre à ma compagnie." (24)

"Les Germains aperçoivent l'Alsace de l'autre côté du Rhin"
Caricature de Hansi
Cette histoire est suffisamment éloquente pour témoigner du patriotisme des Juifs alsaciens. Ici, pas de pitié pour le coreligionnaire ! Mieux, la religion se met au service de la cause française.

La victoire de 1918 est pourtant l'occasion de rendre hommage au judaïsme allemand. Si l'ennemi d'hier n'est pas encore oublié, les Juifs de France prennent conscience très tôt du réveil nationaliste d'Outre-Rhin qui rend les Juifs responsables de la défaite et de l'avènement de la république honnie de Weimar. C'est alors l'occasion pour les Juifs de France d'évoquer le patriotisme sans faille de leurs coreligionnaires et leur fidélité à la terre des droits de l'homme.

"Quelques jours après la chute de l'Empire, Guillaume II alors en exil, reçoit la visite de son ancien conseiller économique, le magnat juif Albert Ballin.
Après avoir évoqué tous deux le sort de l'Allemagne, l'Empereur demande à Ballin :
- Connaissez-vous la raison militaire qui nous a fait perdre la guerre alors que notre armée était la plus puissante et la mieux préparée ?
Ballin réfléchit, puis sans hésiter répond :
- Oui, Sire ! Si nous avons perdu la guerre, c'est à cause des Juifs !
Surpris, l'Empereur attend de nouveaux arguments.
- Bien sûr ! Nous avons perdu la guerre à cause des généraux juifs !
Encore plus étonné, l'Empereur s'exclame :
- Comment est-ce possible ? Il n'y avait pas de généraux juifs dans nos armées !
C'est alors que Ballin lui rétorque :
- Justement, Sire, nous n'avions pas de généraux juifs mais la France, elle, en avait depuis longtemps !"(25)

Il est possible que cette histoire provienne des milieux judéo-allemands mais elle s'est très vite propagée dans les foyers qui tirent une certaine fierté d'être français et victorieux malgré le lourd sacrifice consenti.

Si les combattants juifs ont su se moquer un peu de leur condition d'existence, les civils ont eux aussi entretenu un humour à l'arrière. Tristan Bernard qui ne négligea pas cet art au cours de la Grande Guerre et qui se fit remarquer au cours de l'Occupation par de nombreux jeux de mots dont les plus célèbres sont encore présents dans la mémoire collective : "On bloque les comptes et on compte les Bloch" ou bien "Je n'ai jamais eu si peu d'occupation dans un pays si occupé", devait participer à ce trait d'humour juif. Nous lui laissons donc lemot de la fin :

"A la fin de la guerre, un journaliste de l'Action française est reçu par Tristan Bernard et le félicite pour l'attitude patriotique de ses coreligionnaires. Agacé, l'humoriste lui répond avec sérieux :
- Ne vous étonnez point, Monsieur, ils ont agi en Juifs et non en Français car cette guerre était juive.
Interloqué, le journaliste antisémite ne comprend pas. Tristan Bernard surenchérit :
- Mais oui ! Ils n'ont fait que leur devoir car vous savez comme moi que cette guerre était une guerre d'usure !" (26)

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