Deux grandes figures de la Maison de Musique Wolf à Strasbourg : Seligmann et Lazare Wolf
par Jean Daltroff
Extrait de UNIR, mars 2003

Les Wolf appartiennent à une famille de négociants originaires de Hechingen (principauté de Hohenzollern) qui viennent s'installer à Strasbourg dans la première moitié du 19ème siècle. Ils font partie comme le souligne l'historien Roland Marx, "des immigrés allemands, du Pays de Bade, du Palatinat mais aussi des réfugiés politiques auxquels se joignent des Italiens et des Polonais qui contribuent dans une faible proportion à compenser les déficits démographiques."

Seligmann Wolf, le fondateur de la boutique rue de la Mésange et le philanthrope

magasinIl naquit à Hechingen le 25 août 1815. Il était le fils de Gerson Wolf dit Jacob négociant habitant Hechingen et de Kaulé Aron. Il épousa le 24 juillet 1844 à Strasbourg Rosalie Lévy, la fille d'un commerçant de Strasbourg. Il eut quatre enfants: Adélaïde née en 1845, Cécile née en 1847, Gustave né en 1849 - qui devait décéder prématurément à l'âge de dix ans - et Lazare né en 1852.

Fondée en 1825 par l'oncle de Seligmann Wolf dont le nom était Löb, la maison de musique de Strasbourg se trouvant "Münster Gasse", n'était à ses débuts qu'une modeste boutique.
Par la suite, Seligmann Wolf s'établit au 24, rue de la Mésange vendant surtout des cahiers de musique et au fil des années il développa les activités de la boutique, faisant de son magasin le rendez-vous des musiciens.

Les nécessiteux de tous les cultes trouvèrent en lui un généreux soutien se vouant au soulagement des pauvres honteux et en étant membre de la société de secours aux accouchées indigentes.
Il fit également partie de diverses sociétés de secours: il fut ainsi, des années durant, membre puis inspecteur de la société mutuelle israélite, la plus ancienne des sociétés de secours de Strasbourg et fut également trésorier et président de la société des "Kabranim" (fossoyeurs), la plus vieille des confréries religieuses israélites. Il fut encore membre du comité de surveillance de la maison de santé israélite. Pendant douze ans, il fut administrateur et vice-président de la Communauté israélite de Strasbourg.

Il devait décéder à Strasbourg le 13 mai 1885, laissant à Lazare Wolf, son fils, la succession du magasin.

Lazare Wolf, l'homme de l'extension du magasin S. Wolf et l'un des grands animateurs de la vie musicale à Strasbourg

Lazare WolfAprès avoir travaillé aux éditions Durand à Paris, Il prit la relève de son père, Seligmann Wolf et se maria avec Berthe Didesheim le 6 avril 1886 dont il eut deux fils, Roger en 1887 et Gustave en 1889.

Il développa considérablement l'établissement de la rue de la Mésange comprenant des magasins, des bureaux, des dépôts d'instruments et une immense bibliothèque musicale. En effet, à la vente des partitions de musique dans tous les genres - opéras, opérettes, romances, duos, chansons, air de danses, musique de chambre ou d'ensemble -, il adjoignit celle des instruments de musique. Malgré des droits de douane prohibitifs, les partitions et les instruments de musique fabriqués en France trouvèrent accès sur le marché allemand.

De plus, Il fut dans l'animation de la vie musicale à Strasbourg, un Européen avant la lettre. En 1884 déjà, le grand chef d'orchestre Hans von Bülow écrivait à Lazare Wolf, organisateur de concerts dans la capitale alsacienne, qu'il était possible de présenter à Strasbourg les œuvres les plus difficiles devant le public le plus averti et qu'on ne pouvait "infliger à Strasbourg les douches symphoniques applicables - et déjà appliquées - à des villes voisines bien plus provinciales que la résidence de sa très sublime Majesté, la plus belle cathédrale des bords du Rhin".
Les "douches" dont parlait Bülow, c'était Brahms,Wagner ou Bruckner, la "musique contemporaine" du 19ème siècle finissant.

En 1895, grâce à l'impulsion de Lazare Wolf, trois grands orchestres européens vinrent donner chacun deux concerts à la faveur de l'Exposition Industrielle et Artisanale en mai et en juin à Strasbourg: la Philharmonie de Berlin dirigée par Manstatt; la Scala de Milan dirigée par Vanzo et l'orchestre Colonne sous la direction d'Edouard Colonne. L'idée d'organiser des fêtes musicales annuelles se concrétisa. Ainsi Edouard Colonne revint avec son orchestre dès l'année suivante. En 1897, ce fut le retour de la Philharmonie de Berlin avec Nikisch. Puis ce fut le tour des concerts Lamoureux en 1900, 1904 et 1906.
En 1905, Richard Strauss retrouva Gustave Mahler en compagnie de sa femme Alma dans le magasin de Lazare Wolf, encombré de pianos, pour jouer et chanter sa dernière oeuvre, Salomé, qu'il découvrait ainsi en priorité.

La ville de Strasbourg enregistra au même moment son premier festival international avec Richard Strauss et Gustav Mahler qui dirigèrent leurs oeuvres de même que celles de Wagner, Weber, Brahms et Beethoven. Ernst Münch prépara l'orchestre municipal et des choeurs pour cette manifestation. Selon le voeu commun de Hans von Bülow et de Lazare Wolf, la capitale alsacienne était bien qualifiée pour l'organisation de grandes manifestations musicales à rayonnement international.

Lazare Wolf mourut à Strasbourg le 22 juin 1908 et fut enterré au cimetière israélite de Koenigshoffen. À ses côtés repose son épouse qui fut inhumée quelques années plus tard.



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