La Synagogue Consistoriale du quai Kléber (suite et fin)

Vie religieuse et cérémonies nationales

La synagogue sur une carte postale ancienne
Alsacienne
Cette synagogue avait une capacité de 1639 places dont 825 pour les hommes, 654 pour les femmes, quarante réservées aux choristes et cent dans l‘oratoire. Cette synagogue sera le cadre d’une vie religieuse intense jusqu’en 1939. Parmi les cérémonies empreintes de dignité figuraient celles commémorant le 11 novembre 1918 et la fête nationale du 14 juillet.

Ainsi le Journal d’Alsace et de Lorraine du lundi 27 novembre 1922 (n° 328) rapporte dans une rubrique intitulée “En l’honneur de nos héros” que la synagogue du quai Kléber a servi de cadre le dimanche 26 novembre 1922 à une cérémonie annuelle organisée sous le patronage du Souvenir français assisté des Associations de la Croix Rouge. Les autorités civiles et religieuses étaient représentées et les drapeaux des Médaillés militaires, des Vétérans de 1870, des Engagés volontaires leur formaient une garde d’honneur. Devant une très nombreuse assistance, Monsieur le Grand Rabbin rappela dans son allocution le sacrifice des morts librement consenti pour l’amour de la patrie et pour le retour à la France de ses provinces perdues.

Le mardi 14 juillet 1931, la revue du défilé des troupes place de la République fut suivie de plusieurs cérémonies commémorant la fête nationale, que ce soit à la cathédrale sous forme d’un culte, ou à l’église Saint-Paul sous forme d’un service religieux avec prédication des pasteurs Boegner et Eppel. A 11 h 15 une cérémonie solennelle eut lieu à la synagogue amplement décorée de drapeaux tricolores. (6) Me Schmoll, Président du Consistoire, entouré de Messieurs Henry Lévy, Jules Kaufmann et Bernheim reçurent les autorités et les délégations de I’U.N.C et des médaillés militaires qui avaient tenu à manifester leur sympathie à la Communauté israélite. La cérémonie s’ouvrit par Yimlokh de Haendel-Frank ce qui permit à Mademoiselle Suzanne Ducas “d’égréner les notes pures de sa voix de cristal”. Monsieur le Grand Rabbin Schwartz monta en chaire et fit grande impression. Il s’inspira des difficultés actuelles de l’Allemagne pour rappeler que "si les traités ne sont pas respectés, il n’y a plus de par le monde ni foi, ni honneur, ni justice. Tant que nos voisins n’auront pas compris où se trouve la vérité et la justice il n’y aura pas de paix". Cette allocution empreinte d’un patriotisme éclairé fut suivie par la sortie des tables de la loi, la prière pour la République au cours d’une cérémonie qui se voulait d’une absolue simplicité.

La cérémonie de 1938 commémorant la victoire de 1918 fut très solennelle. Ainsi à l’issue de la revue, place de la République, un service fut été célébré le 11 novembre. Une foule considérable emplissait la synagogue. Les autori­tés militaires furent reçues à l’entrée du temple par Messieurs Georges Schmoll, Président, Henri Lévy, Conseiller général, Vice-Président, Moch de Haguenau membre du Consistoire, Lazard Blum, Moïse Heller, Ed. Weil, membres de la Commission administrative de la Communauté. Parmi les personnalités, on remarquait  Me Barraud, Sous-préfet de Strasbourg, des représentants de Monsieur Frey, Maire de Strasbourg, le Général Héring, gouverneur militaire de Strasbourg, les généraux d’Armau de Pouydraguin et Reibell, les aumôniers militaires Schuhl et Péchin, Monsieur Dresch, Recteur de l’Université, Jaeger, Président du Souvenir français de Neudorf, les Consuls de Grèce et du Portugal, Monsieur Haguenauer, le doyen des médaillés militaires et des délégations avec drapeau du Souvenir Français, de I’U.N.C., des Croix de Feu et une délégation des dames de la Croix Rouge.

Le cortège se dirigea sur l’estrade devant le tabernacle, tandis que Monsieur Rupp, organiste, exécutait un Prélude sur l’orgue. Monsieur Borin, Premier Ministre Officiant chanta d’une magnifique voix de ténor. Il était accompagné de l’orgue et du choeur dirigés par Monsieur Bochner. Après une quête au profit du Souvenir Français, le Grand Rabbin lsaïe Schwartz prononça une allocution patriotique en rappelant le sacrifice des soldats et officiers français tombés au champ d’honneur et termina par la bénédiction de tous les assistants. Les tables de la loi furent sorties et le Grand Rabbin récita la prière pour la République, qui fut suivie de la Marseillaise, exécutée sur l’orgue.

Les effectifs de la communauté juive de Strasbourg étaient passés de 4605 âmes en 1900 à plus de 9000 âmes en 1935. Or la synagogue qui ne comprenait qu’un lieu de culte, des bureaux et des appartements commençait à devenir trop étroite. La Commission administrative élabora des plans pour la création d’un centre communautaire et acheta un terrain proche du temple. Mais la montée des périls, l’arrivée des réfugiés et le coût des travaux jugés excessifs stoppèrent ce projet. Puis quelques années plus tard l’incendie du 12 septembre 1940 orchestré entre autres par les SA. et les jeu­nesses hitlériennes du pays de Bade mit fin à quarante-deux ans de vie juive à l’intérieur de la synagogue consistoriale du quai Kléber. (7)

Etapes de la démolition de la synagogue, incendiée et détruite par les nazis
Destruction1Destruction2

Notes:
  1. Journal d’Alsace et de Lorraine, 15/7/ 1931. - Retour au texte

  2. cf. Jean DALTROFF : 1898-1940, La synagogue consistoriale de Strasbourg, Editions Ronald Hirle, 1996, pp.57-58 :
    "C'est en effet un commando de la Hitlerjugend composé en partie d'Alsaciens qui participa à l'incendie de l'édifice religieux. On savait peu de choses sur les circonstances exactes de l'incendie, car la presse nazifiée avait volontairement ignoré l'événement"
    (...)
    "Dans les mois qui suivirent l'incendie, la presse nazifiée devait préparer la population à la prochaine destruction de la synagogue consistoriale du quai Kléber. On pouvait ainsi lire dans le Strassburger Nueste Nachrichten du 7 mars 1941 (...) :
    "Aujourd'hui la synagogue n'est plus prétentieuse. le portail est fermé et de la coupole n'émerge plus que la charpente. la synagogue va être rasée. Aurait-on dû la conserver pour la transformer en musée ? - Non. Elle est le témoignage d'un passé peu glorieux, et en conséquence, elle doit disparaître. Rien ne doit plus rappeler le judaïsme qui n'était pas toléré à Strasbourg, ville libre et impériale et qui avait pu s'infiltrer au 17ème siècle avec l'aide française (...)".
    "Les vestiges de l'édifice seront rasés en 1941." (N.d.l.r.) - Retour au texte
Illustrations : Collection M. & A. Rothé


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