A l'occasion de l'arrivée de nos frères d'Afrique du Nord
la création de l'A.S. Menora
par Jean Kahn


Une anecdote sur les débuts
de l' A.S. MENORA

A Strasbourg, en 1964 une petite semaine avant Pessah, la famille Lazare au complet s'est mise en route vers Bâle. L'expédition n'a rien à voir avec le sport: le premier jour de la fête, un samedi, Dani l'aîné sera Bar Mitsva et des produits "Cacher le-Péssah" (comment honorer les invités si on n'a rien à leur offrir !) introuvables à Strasbourg sont en vente à Bâle.
Au retour, au poste de douane Kehl-Strasbourg, le douanier de service stoppe la voiture et prononce la question rituelle :
"Rien à déclarer ?". Et je réponds :
" Quelques litres de jus de raisin acquis en Suisse".
- Pourquoi ?
- Ils sont produits selon les règles rituelles de la fête juive de la Pâque, introuvables ici. - Très bien, Monsieur, donnez-moi donc l'adresse à Bâle de votre fournisseur".

Il devient évident que l'ordre du jour de l'interrogatoire que m'inflige cet officier de douane n'a rien à voir avec le paiement des droits de douane en vigueur.
A mon tour alors de jouer l'interrogateur :
"D'accord, je vous donnerai cette adresse. Mais auparavant dites- moi si vous êtes inscrit à la Communauté israélite."
Le douanier balbutie : "Euh, non…pas encore…".

Il a non seulement tenu parole, mais a très vite trouvé dans la communauté l'activité qui lui convenait comme un gant : cet officier de douane réfugié juif d' Algérie est devenu l'animateur le plus zélé et le plus indispensable de l' A.S Menorah. Celle-ci avait été créée l'année auparavant par Jean Kahn, le premier ayant senti la nécessité et la vertu de cette association sportive pour une bonne intégration de la jeunesse née en Algérie.

Quant à moi qui croyais que notre expédition à Bâle n'avait rien à voir avec le sport, j'avoue humblement m'être trompé.

Lucien Lazare
Jérusalem, novembre 2018

Nos coreligionnaires, en pleine guerre d'Algérie, commençaient à prévoir leur départ. Pour certains, la priorité consistait à éloigner leurs enfants qu'il fallait mettre à l'abri.

Ainsi, avant tout songèrent-ils à leur trouver un havre d'accueil.

Sachant que la communauté de Strasbourg est une communauté pour les juifs religieux et susceptible d'offrir tout ce qu'ils étaient en droit d'attendre, beaucoup songèrent à y envoyer leurs jeunes en attendant qu'eux-mêmes puissent préparer leur départ.

Ainsi arrivèrent à Strasbourg près de 500 jeunes que la communauté présidée par le regretté Maître René Weil (za"l), décida d'accueillir : dans les internats de jeunes écoles juives telles que "les Violettes", "Beth Hillel" ou "l'ORT ".

Le Professeur André Neher (za"l) et son épouse Rina Neher s'engagèrent avec tout leur coeur pour réaliser cet accueil, estimant qu'il était nécessaire que la communauté manifeste sa solidarité à l'endroit de ces juifs persécutés pour ne pas commettre la même erreur qui fut commise dans les années 1930, au moment où arrivèrent nombre de nos coreligionnaires en provenance des pays d'Europe Centrale qui ne furent pas, on le sait, accueillis comme ils auraient dû l'être.

Les époux Neher décidèrent de ne pas partir en vacances et de consacrer leur temps à cet accueil. Ils mobilisèrent nombre de jeunes parmi leurs étudiants et leurs amis. Je fus l'un de ceux-ci et ils me demandèrent essentiellement de trouver de sains loisirs pour ces jeunes lorsqu'ils n'étaient pas scolarisés, c'est-à-dire les fins de semaines ou les jours de vacances.

Dans un premier temps, j'estimais devoir procurer à ces jeunes, la possibilité de connaître l'Alsace et donc, d'organiser des sorties pour les dimanches.

Pour cela je sollicitai tous mes amis en leur demandant de venir avec leur véhicule afin d'organiser avec ces jeunes, des découvertes. Cela fonctionna à deux ou trois reprises mais au bout de quelques excursions, la lassitude gagna les responsables et il fallut trouver une solution pour occuper les jeunes de manière permanente.



C'est ainsi que me vint l'idée de leur faire pratiquer des sports, surtout des sports d'équipe comme le football ou le basket et en 1963, un club sportif juif dénommé "l'A.S. MENORA" fut créée.

Ce club formé essentiellement à l'époque pour ces jeunes, vit nombre de jeunes d'Alsace venir les rejoindre et au bout de trois années, devint l'un des clubs les plus importants de la région.

Après avoir été engagé dans les championnats, "l'A.S. MENORA" fonctionne encore aujourd'hui même si l'essentiel des jeunes qui y pratiquent leur sport ne sont plus nécessairement d'origine nord-africaine.


© A . S . I . J . A .