Le Grand Rabbinat de Strasbourg et du Bas-Rhin
par Max Warschawski
Grand Rabbin honoraire de Strasbourg et du Bas-Rhin
Extrait de l'Almanach du KKL-Strasbourg 5752-1992 (avec l'aimable autorisation des éditeurs)


Après l’expulsion définitive des Juifs de Strasbourg, à la fin du 14e siècle, la capitale de la Basse-Alsace ne connaîtra une nouvelle communauté qu’après le décret du 27 septembre 1791, accordant aux Juifs les droits civiques.
Pendant près de quatre siècles, mais surtout entre le 16e et le 18e siècle, le judaïsme alsacien sera essentiellement rural et le nombre des Juifs très restreint.
Après la guerre de Trente Ans et la cession de l’Alsace presque entière à la France, des communautés se développèrent, rendant nécessaire une administration tant laïque que religieuse. La division de l'Alsace féodale se maintint en partie, surtout à cause des privilèges accordés aux tenants des fiefs, d’accepter ou de refuser la présence des Juifs, source appréciable de revenus.
La Basse-Alsace, devenue plus tard le Département du Bas-Rhin, se répartissait entre les seigneuries suivantes : les Comtes de Hanau-Lichtenberg, l’évêché de Strasbourg, la Préfecture de Haguenau et de la Basse Alsace.

De ce fait, la région connaîtra jusqu’à la Révolution quatre tribunaux rabbiniques chacun présidé par un Av Beth Dîn (président du tribunal religieux), officiellement investi par les autorités pour juger des litiges entre Juifs. Les rabbins exerçant dans d’autres localités n’étaient que les délégués des Présidents de Beth Dîn (commis ou substitut rabbin ).

Nous ne parlerons ici que des rabbins présidents des Batei Dîn de la Basse-Alsace. Ils étaient, en 1784, au nombre de quatre:

La Révolution française transforma la vie du judaïsme alsacien. Reconnus comme citoyens le 27 septembre 1791, beaucoup de Juifs quittèrent leurs villages ou leurs bourgades et des communautés se créèrent à nouveau dans les villes. Les anciens tribunaux rabbiniques perdirent de leur importance et les successeurs aux postes rabbiniques jadis officiels ne furent plus que des rabbins parmi les autres.
En 1806, Napoléon convoqua à Paris une assemblée de Notables pour réorganiser le judaïsme de France. Un an plus tard, le Grand Sanhédrin devait confirmer les décisions prises par les Notables et, en 1808, Napoléon signait le décret qui, pendant un siècle et davantage, allait servir de cadre à la vie des communautés juives.
Ce décret instituait des Consistoires régionaux dépendant d’un Consistoire central siégeant à Paris. Chaque consistoire avait à sa tête un grand rabbin et plusieurs membres laïcs. Parmi les consistoires figurait celui de Strasbourg qui couvrait le Département du Bas-Rhin avec une population de plus de 16000 âmes.
Ce consistoire était de loin le plus important de tous, car la population juive de la France (de l’hexagone) était vers 1808 de 55000 âmes environ.

Le rabbin de Strasbourg, David Sintzheim devenait en 1808, le premier grand rabbin du Consistoire du Bas-Rhin. C’est lui qui ouvre la liste des grands rabbins qui se succèderont jusqu’à ce jour. C’est de ces grands rabbins qu’il sera question ici.

D.Sintzheim
David Sintzheim (ou Sintzheimer)

Pages de
David
Sintzheim

Originaire d'une famille juive allemande connue par nombre de ses enfants qui occupèrent des postes de responsabilité dans leurs communautés, David Sintzheim naquit vers 1740, probablement à Trèves dont son père Isaac était le rabbin. C'est auprès de son père qu'il acquit ses connaissances talmudiques. Il a insisté sur ses méthodes pédagogiques qui suivaient un programme progressif destiné à lui faire connaître d'abord les textes, avant d’aborder les commentateurs et de se lancer dans les méandres de la casuistique.

Lorsque Isaac Sintzheim fut nommé rabbin des Terres de la Noblesse immédiate d’Alsace, la famille vint habiter Niedernai. Une soeur de David Sintzheim avait épousé Sélig Auerbach, rabbin de Bouxwiller, et lui-même se maria à une soeur de Cerf Berr (après la mort de son père en 1767) et vint habiter Bischheim. Lorsque, peu avant la Révolution, son beau-frère y ouvrit une yeshiva, David Sintzheim en devint le directeur et le resta jusqu’au moment de la Terreur. Il dut s’enfuir au-delà du Rhin et ne revint que lorsque le calme fut restauré.

Il publia alors le premier tome et unique volume paru de son vivant de son Yad David, une vaste encyclopédie de commentaires talmudiques, collectés dans la littérature rabbinique du 17e et du 18e siècle.

David Sintzheim avait représenté, avec son beau-frère et d’autres délégués, le judaïsme d’Alsace dans les débats qui précédèrent l’obtention des droits civiques pour les Juifs. Il devint naturellement le rabbin de la nouvelle communauté de Strasbourg assisté par Abraham Auerbach, son neveu, devenu son gendre. Ce dernier quitta Strasbourg et fut un rabbin célèbre dans plusieurs communautés d’Allemagne et l’ancêtre d’une grande famille rabbinique.

Lorsqu’en 1806 Napoléon réunit à Paris l’Assemblée des Notables, David Sintzheim fut un des deux rabbins du Bas-Rhin désignés comme députés.

Ses interventions surtout dans le domaine de la halakha (la loi juive) le firent remarquer et lorsque, l’année suivante, le Grand Sanhédrin fut chargé de confirmer sur le plan de la juridiction talmudique les propositions de l’Assemblée, David Sintzheim (qui ne savait pas le français) en fut nommé président (Nassi).

Désigné automatiquement comme grand rabbin du nouveau Consistoire de Strasbourg, David Sintzheim fut nommé également grand rabbin du Consistoire central et ne put exercer ses fonctions à Strasbourg. Il délégua à sa place Jacob Meyer, jusque-là rabbin de Niedernai, mais il conserva néanmoins le titre, dans l’intention peut-être d’abandonner les fonctions parisiennes qui ne lui donnaient pas les satisfactions auxquelles il aspirait. Mais il mourut à Paris en 1813, laissant une oeuvre littéraire énorme dont hérita la famille de son gendre. Ce n’est qu’il y a vingt ans environ que ces manuscrits - ou partie d’entre eux - qui avaient été dispersés par les nazis, furent retrouvés et une dizaine de volumes publiés. Ils montrent un rabbin de l’ancienne école, mais ouvert aux problèmes de son époque. C’est grâce à lui que Strasbourg fut connu par les Juifs de l’Empire napoléonien.

Jacob Meyer
Jacob Meyer

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Jacob
Meyer
Jacob Meyer avait été de facto le grand rabbin de Strasbourg, David Sintzheim ayant été présent à la fin de sa vie à Paris. A la mort de celui-ci, Jacob Meyer fut nommé grand rabbin titulaire. Né en 1739 à Ribeauvillé, il était le petit-fils de Samuel Sanvil Weyl, rabbin de la Haute et Basse-Alsace. Son père Isaac Zekel Meyer était issu d’une famille fortunée, dont plusieurs membres avaient été présidents de leurs communautés. Isaac Meyer était lui même préposé des Juifs de Ribeauvillé (son frère Aaron Meyer de Mutzig, était un des préposés généraux des Juifs d’Alsace). Jacob Meyer étudia à Karlsruhe et à Francfort où il devint l’élève favori de Tébèle Scheuer. Il revint en Alsace et occupa d’abord le poste de substitut rabbin à Niederhagenthal. De (là, il fut nommé à Rixheim et en même temps rabbin des terres de la seigneurie de Murbach.

A la mort de Benjamin Hemmendinger, il le remplaça à la tête du Bet Dîn (tribunal religieux) de Niedernai. Il fit partie des rabbins alsaciens membres du Grand Sanhédrin et fut désigné comme grand rabbin intérimaire de Strasbourg jusqu’à la mort de David Sintzheim.
En 1813 (à 75 ans) il devint Ancien du Consistoire (président) et grand rabbin titulaire. Il occupa ce poste jusqu’à sa mort en 1830. Il avait 91 ans.

Jacob Meyer (dit Yekele Meyer) fut le premier rabbin décoré par le Gouvernement français. Nous possédons de lui (en manuscrit) un petit opuscule sur le calendrier hébraïque. La Bibliothèque de Strasbourg possède également un hesped (oraison funèbre) prononcé en 1805-1806 en hommage à trois rabbins disparus à la même époque. Selon Ginsburger, c’est le rabbin Loeb Sarasin d’Ingwiller (qui l’assista dans son travail les dernières années de sa vie) qui hérita des manuscrits non publiés et de ses oeuvres. Il y a deux ans environ, j’ai vu un merveilleux manuscrit de responsa de Yekel Dayan ! Il s’agissait des décisions hala’khiques de Jacob Meyer, durant son séjour à Hagenthal et à Rixheim.

Seligmann Goudchaux

Le consistoire désigna comme successeur de Jacob Meyer, Seligmann Goudchaux, rabbin de Haguenau. Né à Niedernai, il était le petit-fils de Jacob Gugenheim, rabbin de Haguenau (décédé à 93 ans en 1802) et le neveu de Baruch Gugenheim, grand rabbin de Nancy. Il était également l’arrière-petit-fils de Samuel Sanvil Weyl, donc un cousin de Jacob Meyer, son prédécesseur. Son père, qui avait été l’assistant de Jacob Gugenheim, était mort accidentellement et le jeune Seligmann avait été élevé par son grand-père, puis avait étudié à Phalsbourg auprès de son oncle qui en était alors le rabbin .

Après avoir poursuivi sa formation talmudique auprès des rabbins allemands qui comptaient de nombreux élèves alsaciens, Seligmann Goudchaux dirigea une école talmudique à Hechingen puis occupa successivement les postes rabbiniques de Vieux Brisach, de Phalsbourg et de Haguenau.

En 1830 il fut nommé grand rabbin de Strasbourg et sera le premier grand rabbin salarié par l’État. Il consacra la première synagogue monumentale de la communauté, rue Sainte Hélène, en 1832. D’après Salomon Wolf Klein, son élève, il s’était aussi intéressé aux sciences profanes et aux langues et avait acquis une culture générale étendue, mais il était un rabbin de l’ancienne école. Les nouveaux dirigeants du Consistoire, présidé par Auguste, puis par Louis Ratisbonne, ne partageaient pas les options religieuses du grand rabbin . Aussi lorsque le poste de Colmar se trouva vacant, à la mort du grand rabbin Simon Cahen, Séligmann Goudchaux présenta sa candidature et en 1834 quitta Strasbourg pour prendre la tête du rabbinat du Haut-Rhin. Il décéda à Colmar en 1849

Arnaud Aron
Arnaud Aron

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d'Arnaud
Aron
Pour remplacer le grand rabbin démissionnaire, le Consistoire de Strasbourg nomma le jeune rabbin de Hegenheim, Arnaud Aron. Il n’avait que 27 ans !
Né à Soultz-sous-Forêt en 1807, Arnaud Aron avait étudié d’abord auprès du rabbin de Haguenau, puis compléta ses études rabbiniques à Francfort. Eminent talmudiste et orateur brillant, il ne resta que quelques années à Hegenheim avant d’être nommé -avec une dispense d’âge - à la tête du judaïsme du Bas-Rhin. Il y demeurera presque soixante ans.

Sous son rabbinat la communauté de Strasbourg prit de plus en plus d’importance et la population juive délaissa peu à peu la campagne. Sincèrement traditionnel, Arnaud Aron essaya de concilier les tendances modernistes des responsables consistoriaux et de la classe intellectuelle avec la masse de la communauté, attachée aux coutumes du judaïsme alsacien. Il dut céder à la pression des notables et faire installer un orgue à la synagogue consistoriale, mais resta ferme pour ce qui concernait la liturgie ou l’interdiction d’un choeur mixte.

A l’inverse de ses deux collègues de Colmar et de Metz, Arnaud Aron ne quittera pas son poste après l’annexion de l’Alsace en 1870 et réussit à maintenir une harmonie dans le domaine cultuel entre les autochtones et les familles venues d’Allemagne. Il remplit même à certaines périodes les fonctions de président du consistoire. Il fut le premier grand rabbin décoré à la fois de la Légion d’Honneur et d’un ordre allemand.

Les obsèques d’Arnaud Aron, décédé à 83 ans en 1890 furent l’occasion d’un témoignage de respect et d’appréciation de la part des autorités et de la collectivité juive de toute la région.

Isaac Weil
Isaac Weil

Le Consistoire fit appel pour succéder à celui qui avait occupé le siège de Strasbourg depuis Louis-Philippe jusqu’au début de la dernière décennie du siècle, Isaac Weil, grand rabbin de Metz.
Né à Brumath, en 1840, le nouveau grand rabbin du Bas-Rhin avait reçu sa première éducation juive et talmudique auprès du rabbin Salomon Lévy (Reb Salme de Brumath), qui avait préparé de nombreux élèves pour le rabbinat. Il entra à l'école centrale rabbinique de Metz en 1858, et suivit l’école lors de son transfert à Paris. Il y fut le condisciple, entre autres, de Zadoc Kahn, le futur grand rabbin de France. A 24 ans il fut nommé rabbin à Seppois-le-Bas qu’il quitta quatre ans plus tard pour Lauterbourg. De là, il occupa le poste de Phalsbourg (1874-1885) pour succéder en 1886 au grand rabbin Bigard de Metz.

Il était un homme de paix, recherchant la concorde et l’harmonie entre ses fidèles. C’est sous son rabbinat que Strasbourg construisit la synagogue du quai Kléber, inaugurée en 1898.
Il mourut après une courte maladie en 1899, âgé d’à peine 59 ans.

UryAdolphe Ury

A la mort de Arnaud Aron, parmi les candidats à sa succession, figuraient Isaac Weil et Adolphe Ury. Lorsque Isaac Weil fut nommé à Strasbourg, son concurrent le remplaça comme grand rabbin de la Moselle. Il fut donc naturellement élu au poste de Strasbourg lorsque celui-ci devint à nouveau vacant.

Adolphe Simon Ury était né à Niederbronn en 1849. Entré à l’école rabbinique de Paris, il sortit, diplômé, en 1874. Pendant onze ans il fut rabbin de Lauterbourg, succédant déjà à Isaac Weil. Il fut nommé ensuite à Brumath, qu’il quitta pour le Grand Rabbinat de Metz, lorsque Isaac Weil devint grand rabbin de Strasbourg. En 1900 il fut intronisé à la synagogue du quai KIéber, où pour la première fois, les autorités furent accueillies dans une nef brillante des mille feux de ses ampoules électriques. Adolphe Ury sera un rabbin aimé et respecté par ses fidèles et apprécié des autorités locales et nationales. Il mourut en 1915.

Emile Levy
Émile Lévy

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d'Emile
Lévy

La succession au Grand Rabbinat fut âprement discutée. La communauté autochtone et les notables alsaciens soutenaient la candidature de Lucien Uhry, rabbin de Sélestat et le désignèrent comme remplaçant de Adolphe Ury. Mais le Consistoire, sous la pression des Adler Oppenheimer, fit appel à Émile Lévy, fils du rabbin de Haguenau. Émile Lévy avait fait ses études à Berlin avec la plupart des rabbins alsaciens, au séminaire de Azriel Hildesheimer. Son orientation religieuse était plus orthodoxe que celle de son concurrent, élève au séminaire de Breslau. Émile Lévy avait une forte personnalité et un charisme qui devait agir sur une jeunesse de plus en plus indifférente et l’attirer vers un judaïsme conscient, débouchant sur l’étude et sur la pratique.

Il ne resta malheureusement à Strasbourg que quatre années. Sa formation allemande - il avait exercé dans ce pays avant de retourner dans son Alsace natale - firent qu’au retour des provinces de l’Est à la France, il fut obligé de quitter Strasbourg, alors qu’il ne s’était jamais occupé de politique. Il eut peut-être suffi de l’intervention des notables de la communauté pour obtenir le maintien à Strasbourg du grand rabbin. Ceux-ci ne bougèrent pas en sa faveur et, en 1919, Émile Lévy retourna à Berlin où il sera rabbin de Charlottenbourg jusqu’à l’avènement du nazisme. Il s’installa alors à Tel Aviv où il mourut en 1953.

Strasbourg perdait avec lui le grand rabbin qui aurait pu donner un élan à une communauté que l’indifférence et l’assimilation commençaient à affaiblir, une génération après avoir rejoint le judaïsme français "de l’intérieur".

Isaie Schwartz
Isaïe Schwartz

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d'Isaïe
Schwartz
Le Consistoire du Bas-Rhin cherchait un successeur à son grand rabbin. Parmi les candidats possibles exerçant en Alsace figurait Ernest Weill, rabbin de Bouxwiller. Il avait été un des premiers élèves alsaciens à fréquenter le séminaire orthodoxe de Berlin et était un érudit dont la réputation dépassait sa province. Il était aussi un des rares rabbins maîtrisant la langue française et, à ce titre, avait présidé à l’une des grandes cérémonies fêtant le retour de l’Alsace à la France dans la synagogue du quai Kléber. Mais fidèle à son engagement au séminaire de Hildesheimer, Ernest Weill refusa d’officier dans une synagogue qui utilisait l’orgue les Shabbath et fêtes.

Strasbourg offrit le poste au Rabbin Liber de Paris qui, comme aumônier militaire, avait au cours de l’office de la Victoire, enthousiasmé la communauté par son éloquence exceptionnelle. Celui-ci refusa, mais proposa à Strasbourg de nommer comme grand rabbin du Bas-Rhin Isaïe Schwartz, grand rabbin de Bordeaux.

Isaïe Schwartz, né à Traenheim en 1876 était un des trois derniers élèves alsaciens ayant fait leurs études au séminaire de Paris avant le retour de l’Alsace à la France. Il quitta l’école en 1901, fut grand rabbin de Bayonne et de Bordeaux (il avait été aussi pendant quelque temps grand rabbin par intérim de Marseille).
Il prit ses fonctions à Strasbourg en 1920 et y resta jusqu’en 1939 lorsqu’il fut nommé grand rabbin de France.

Durant son rabbinat en Alsace, Isaïe Schwartz dut faire face à l’arrivée de nombreux Juifs fuyant l’antisémitisme et les conditions économiques dramatiques que leur imposait le gouvernement de la Pologne, nouvellement indépendante. Isaïe Schwartz intervint constamment en faveur de ces immigrants, souvent entrés illégalement en Alsace et obtint souvent pour eux le droit de séjour qu’ils sollicitaient.
Il en fut de même lorsque l’Alsace vit arriver en masse les réfugiés fuyant l’Allemagne nazie. Nombreux furent les Juifs qui durent aux efforts du grand rabbin de survivre à la période la plus dure que connut le judaïsme européen.

A plus de soixante ans, le grand rabbin Schwartz quitta Strasbourg pour succéder au grand rabbin Israël Lévi et dirigea le judaïsme français.

Hirschler
René Hirschler

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René
Hirschler

Le Consistoire du Bas-Rhin désirait remplacer son grand rabbin par le rabbin Jacob Kaplan qui, après avoir été rabbin de Mulhouse, avait été nommé à Paris en 1928. Celui-ci refusa le poste et devint auxiliaire du nouveau grand rabbin de France. C’est René Hirschler, rabbin de Mulhouse, qui devint grand rabbin du Bas-Rhin.

Originaire de Marseille où il était né en 1905, René Hirschler n’avait que 35 ans lorsqu’il fut installé comme grand rabbin au quai Kléber, juste avant les vacances d’été de 1939. Les discours qu’il fit à cette occasion, ses rencontres avec les responsables de la communauté et avec la jeunesse, lui acquirent immédiatement l’affection du judaïsme bas-rhinois. Beaucoup de ses fidèles l’avaient déjà connu et apprécié à Mulhouse.

René Hirschler ne devait retrouver sa synagogue qu’au cours de la guerre, lorsque, comme aumônier militaire, il passa par Strasbourg évacuée. Pendant les années de l’occupation, René Hirschler visita les communautés où étaient repliés les Juifs du Bas-Rhin en assumant en outre les fonctions d’aumônier général des camps d’internement. Il fut arrêté par la Gestapo avec sa femme en décembre 1943. Déporté, il fut battu à mort par un gardien peu avant la libération. Sa femme avait été gazée bien auparavant.

Ainsi disparut le grand rabbin Hirschler. Comme lui disparut également en déportation le Rabbin Brunschwig, réfugié à Lyon. Victor Marx, rabbin de la synagogue du quai Kléber qui dirigea pendant la guerre la communauté de Strasbourg à Périgueux, décéda en 1944.

Deutsch
Abraham Deutsch

Pages de
Abraham
Deutsch

Lors de la libération de la France, en 1944, on ignorait encore le sort des déportés. En attendant le retour du grand rabbin Hirschler, le Consistoire nomma à titre intérimaire le rabbin Abraham Deutsch, rabbin de Bischheim. Pendant la guerre le rabbin Deutsch avait dirigé la partie de la communauté de Strasbourg réfugiée à Limoges et avait fait de la région un centre de judaïsme vivant. Enseignement religieux, offices, casherouth, services sociaux, vie culturelle avaient rendu à la communauté de Limoges un lustre qu’elle n’avait plus connu depuis les 10e-11e siècles.

D’un courage intrépide, le jeune rabbin intervenait auprès des autorités pour des familles réfugiées ou pour faciliter la vie religieuse. Lorsque beaucoup de Juifs quittèrent la région cherchant un asile souvent précaire pour échapper aux rafles, Abraham Deutsch resta présent et son bureau était toujours ouvert pour ceux qui cherchaient une aide matérielle, un conseil ou un encouragement. Il avait même, dans ce bureau, ouvert en 1942, le Petit Séminaire Israélite de Limoges (le P.S.I.L.) destiné à préparer pour plus tard les jeunes candidats au rabbinat ou à l’enseignement juif. Il fut arrêté par la milice en revenant d’un enterrement et n’échappa que par miracle à la déportation. En rentrant à Strasbourg, Abraham Deutsch réorganisa une communauté détruite et fut nommé grand rabbin en titre en 1947. Il le restera pendant 25 ans.

Né à Mulhouse en 1902, Abraham Deutsch avait préparé à Burg-Brebach une carrière d’enseignant. Après la première guerre mondiale lorsque le judaïsme français cherchait des candidats alsaciens au rabbin at, Abraham Deutsch et Simon Langer, tous deux haut-rhinois, furent remarqués par le Rabbin Liber et convaincus d’entrer à l’école rabbinique de Paris.

Après un court séjour à Sarre-Union, Abraham Deutsch fut nommé rabbin à Bischheim et devint directeur du Talmud Torah de Strasbourg et professeur d’instruction religieuse dans deux lycées de la ville. Ses qualités pédagogiques exceptionnelles attirèrent autour de lui beaucoup de ses élèves, pour qui il devint un conseiller et un exemple.

La guerre lui permit de donner sa pleine mesure. Et le travail entrepris à Limoges, il le poursuivit comme grand rabbin de Strasbourg. Il y fonda la première école à la fois primaire et secondaire, réussit à regrouper les institutions sociales et organisa une casherouth reconnue par tous. Il publia pendant des années, le Bulletin de nos Communautés, devenu la Tribune Juive et dirigea, de main de maître, la communauté qu’il avait aidé à reconstruire.

Il quitta Strasbourg en 1970 pour s’installer à Jérusalem. Il avait été à la fois le rabbin, l’administrateur et le shtadlan (porte-parole) de sa communauté. Il est regrettable que le grand rabbin Deutsch n’ait pas édité le journal qu’il a rédigé au jour le jour et surtout pendant les années de guerre.

Les adjoints des grands rabbins

Il serait injuste, en parlant des grands rabbins de Strasbourg, de passer sous silence ceux qui oeuvrèrent à leur côté et les déchargèrent d’une partie de leur travail rabbinique.

Vers 1825, le Consistoire, pour soulager Jacob Meyer, plus qu’octogénaire, désigna comme second rabbin Léopold Sarasin d’Ingwiller. Il resta plusieurs années à ce poste, avant de retourner à Ingwiller. De là il accepta d’être le rabbin du Beth Hamidrasch (qui devint la communauté de stricte observance de la rue Cadet à Paris) et il y resta jusqu’en 1858.

Des années plus tard le Consistoire désigna comme adjoint au grand rabbin Arnaud Aron le rabbin de Saverne, Michel Sopher. Né à Saverne en 1818, celui-ci avait été rabbin à Surbourg et, en 1845 était devenu rabbin de sa ville natale. En l’appelant à Strasbourg, le Consistoire le chargeait spécialement de l’enseignement et de la partie culturelle de la vie juive à Strasbourg. Mais Saverne protesta contre l’absence de son rabbin et réclama sa démission. Michel Sopher accepta le rabbinat de Dijon et mourut en 1871 comme grand rabbin du Luxembourg.

Ce n’est qu’en 1910 qu’un poste de rabbin adjoint fut officiellement créé à Strasbourg. Il est vrai que le gouvernement avait supprimé une quantité de postes rabbiniques dans la région. Victor Marx, rabbin de Westhoffen en fut le premier titulaire. Sa modestie n’avait d’égale que son érudition. Il sera l’adjoint de quatre grands rabbins successifs et mourra, en 1944, à Périgueux où il avait, pendant les années de guerre, dirigé la partie la plus importante de la communauté de Strasbourg évacuée.

M. Warschawski
Max Warschawski

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Max
Warschawski

Le poste de rabbin de Strasbourg fut offert en 1954 à Max Warschawski, rabbin de Bischheim. Né à Strasbourg en 1925 il avait été le disciple du rabbin Deutsch avant la guerre et le premier élève du P.S.I.L. à Limoges. Il suivit pas à pas la carrière de son maître : nommé rabbin de Bischheim après ses études au séminaire de Paris, puis au Jews’ College à Londres, il sera pendant 20 ans directeur de l’enseignement religieux de Strasbourg. Rabbin de Strasbourg en 1954, il fut nommé grand rabbin adjoint en 1961, pour accéder au Grand Rabbinat du Bas-Rhin en 1970. C’est durant sa carrière à Strasbourg que la communauté connut l’arrivée, d’abord d’étudiants d’Afrique du Nord, puis de familles de plus en plus nombreuses au cours des années soixante.

La communauté de Strasbourg, dont la majorité des familles étaient issues du terroir, mais qui s’était enrichie à la fin du 19e siècle par l’apport des Juifs venus d’Allemagne puis de l’Europe de l’Est, vit s’injecter un sang nouveau par des centaines de familles arrivées du Maghreb. Le rite alsacien connut à ses côtés les minhaguim (traditions) du judaïsme hassidique dit "sfard" et des oratoires de Sefaradim s’ouvrirent dans le centre et la périphérie de la ville.

Le grand rabbin Warschawski lutta pour conserver l’unité de la communauté en respectant la diversité de ses traditions. Ainsi Strasbourg, à l’inverse de la plupart des communautés en France demeura - en superficie - une communauté unie, placée sous l’autorité du Grand Rabbinat du Bas-Rhin et de son Consistoire. Le dynamisme de nombre d’étudiants, puis d’intellectuels qui avaient enrichi leurs connaissances juives acquises souvent au Maghreb, auprès des maîtres strasbourgeois et des institutions toraïques qu’ils animèrent, ont développé une vie culturelle d’une intensité que l’Alsace juive n’avait plus connue depuis des générations. Le nombre des écoles a augmenté, sans parvenir à arrêter l’assimilation d’une partie de la population juive.
Des oratoires et des synagogues ont essaimé dans divers quartiers, complétés souvent par des petits centres communautaires - Beth Hamidrash.

Après quarante ans d’activités à Strasbourg, dont 18 ans comme grand rabbin du Bas-Rhin, Max Warschawski, comme son prédécesseur, monta à Jérusalem.

Rene Gutman
René Gutman

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René
Gutman
Le Consistoire du Bas-Rhin et la Communauté de Strasbourg désignèrent comme nouveau grand rabbin René Gutman, anciennement rabbin de Reims, de Besançon et de Bruxelles. II est le douzième grand rabbin du Consistoire du Bas-Rhin. Son activité à Strasbourg n’en est encore qu’à ses débuts.

Entretemps le grand rabbin Deutsch est décédé à Jérusalem (en 1992). René Gutman, intronisé en 1987 comme grand rabbin du Bas-Rhin, s'est bien intégré dans la communauté. Il joint à ses qualités de rabbin un talent d'orateur et une érudition qui en fait un des rabbins promis à un grand avenir.

Peut-être l’almanach du K.K.L. complètera-t-il d’ici très longtemps la liste des grands rabbins de cette région en y faisant l’éloge de celui qui mènera sa communauté vers le 21e siècle!!

Ici s'arrête l'article du grand rabbin Warschawski. Le grand rabbin Gutman a pris sa retraite en 2017 et il s'est installé lui aussi à Jérusalem

Pages de
Harold
Weill


Harold Weill

Harold Weill, rabbin d'origine strasbourgeoise qui exerçait ses fonction à Toulouse, a été installé au poste de grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin le 10 septembre 2017.


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