Roger Lichtenstein
Puisqu’une photo laisse une trace...
Roger LICHTENSTEIN
1904-1942
et le Studio Roger
par Eve, Laurine et Jasmine
Extrait de l'ouvrage Des parcours uniques vers une mémoire collective
réalisé par les élèves du Lycée International Charles de Gaulle de Dijon, 2023


"Studio Roger" à Mulhouse, est né d’une passion pour la photographie, une passion vécue et éprouvée par un homme dont la photographie faisait partie intégrante de son histoire. Enfant de Nathan Lichtenstein et Flore Werthein, Jacques-Roger Lichtenstein est né le 23 août 1904 à Nyon en Suisse. Vous n’avez probablement jamais entendu ce nom, ni jamais vu son visage, pourtant, comme les autres il a marqué l’Histoire. D’après certaines sources, il serait mort le 1er juillet 1946. Mais il est nécessaire de revenir à ses débuts pour comprendre que cette date n’est pas exacte.

Jacques-Roger est membre d’une fratrie de cinq enfants nés aussi à Nyon. L’aînée, Jeanne, naît le 10 mars 1901. Son frère Joseph-Paul, né le 22 janvier 1903, travaillera avec Jacques-Roger dans le studio de photographie.

Deux autres enfants viennent compléter cette fratrie : Aaron-Alfred né le 20 novembre 1907 et la sœur cadette, Agnès, née le 7 mars 1909.

Fiche matricule de Nathan Lichtenstein
Archives Départementales de la Côte d'Or, R 2297
cliquez ici pour voir le document en entier

Leur père, Nathan Lichtenstein, est né en Suisse le 15 juin 1871 de Joseph et Julie Lichtenstein. Il est naturalisé français et exerce le métier d’employé de commerce. Alors qu’il habite à Auxonne, en Côte-d’Or, il effectue son service militaire à Dijon dans le 27ème régiment d’infanterie pendant un an. Ensuite, il passe dans la réserve de l’armée territoriale.
Dans sa fiche matricule qui renseigne ses états de services militaires, il est décrit comme un homme de "petite taille" ; avec un "petit nez" ; une "petite bouche" ; et un "front ordinaire". Ses cheveux et sourcils sont châtains et ses yeux gris.

Le père de Jacques-Roger est mobilisé lors de la première guerre mondiale du 19 mai 1915 au 10 décembre 1918. Il combat au sein du 59e régiment territorial d’infanterie. Plus tard, il retourne en Suisse où il retrouve sa femme, Flore Werthein, et leurs cinq enfants.

Jacques-Roger s’installe à Mulhouse et ouvre un studio photo avec son frère Paul en 1928. Il travaille au 1 rue du Barrage, à Mulhouse dans un studio de photographie appelé "Studio Roger". Il est spécialisé dans la photographie de portraits d’enfants, de mariages et dans la vente d’articles et d’appareils photos.

Documents publicitaires pour le Studio Roger © Rothé

Dans les années 1930, il photographie la nouvelle gare de Mulhouse. Plusieurs clichés de la ville de Mulhouse dans les années 1930 sont conservés.


Clichés du Studio Roger

Bâtiment à droite

Bâtiment au centre

Bâtiment à gauche - la vie à Mulhouse


Nouvelle gare de Mulhouse

Quartier Wolff

Jacques-Roger est mobilisé dans l’armée française le 2 septembre 1939. C’est le cas aussi de son frère Paul. Après sa démobilisation, il est envoyé à Dijon en Côte d’Or et s’installe au 96 rue de la Liberté. Il se retrouve seul et sans repères. Personne de sa famille n’est à Dijon. Il tente de rejoindre son frère Paul réfugié à Vienne (Isère), mais il est arrêté par les douaniers allemands à la ligne de démarcation. Il est condamné par le tribunal de la Feldkommandantur de Dijon à trois mois de prison.

Le 26 février 1942, il est arrêté à Dijon lors de la rafle en tant qu’otage juif. Il est déporté à Compiègne-Royallieu en mai 1942 puis à Auschwitz-Birkenau le 5 juin 1942 par le convoi n° 2. Deux jours plus tard, il arrive dans le camp d’extermination et est tatoué du numéro suivant : 16.315.

Il y survit six semaines environ. Ainsi, pour revenir à sa date de décès, la véritable date est donc celle du 24 juillet 1942 à Auschwitz-Birkenau. Jacques-Roger serait mort d’une bronchopneumonie selon le certificat médical établi par un médecin SS. Ce dernier service est placé sous l’autorité de Walter Quakernack (1907-1946), SS responsable du service de l’état-civil (Standesamt) et du crématorium numéro 1, mais ce sont souvent des raisons fantaisistes qui sont inscrites.

Après la guerre, Paul Lichtenstein demande l’inscription "Mort pour la France" pour ses deux frères, Jacques-Roger et Aaron-Alfred, ce dernier ayant été déporté le 15 mai 1944 à Kaunas-Reval. Cette demande met trois ans avant d’être acceptée. L’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre ne considérait pas que Jacques-Roger et Aaron-Alfred étaient français.

Malgré nos nombreuses recherches, il ne nous a pas été possible de retrouver une photographie de Jacques-Roger.
Puisqu’une photo laisse une trace, Jacques-Roger Lichtenstein reste gravé dans l’encre des photos qu’il a prises au cours de sa vie et dans les mémoires des personnes qu’il a connues. Que sa trace demeure éternellement dans les pages de ce livre et dans le cœur de tous.


© A . S . I . J . A .