FONDS D’ART JUIF HISTORIQUE ET CONTEMPORAIN
LE MUSEE BARTHOLDI DE COLMAR
par Gérard Franck
Responsable du Fonds d'Art juif

  • Musée Bartholdi, salle Jean-Claude Katz, 30 rue des Marchands, 68000 COLMAR
    tél. 03 89 41 90 60
  • Ouverture : du 1 mars au 31 décembre de 10 à 12 h et de 14 à 18 h
    Fermeture : janvier, f évrier, tous les mardis, 1er mai, 1 novembre et 25 décembre
  • Pour toute visite de groupe, un accompagnateur est à votre disposition, en téléphonant d'avance au : 03 89 23 77 06
  • Vous pouvez aussi vous procurer une cassette de présentation à la caisse du musée.

Le Musée Bartholdi de la ville de Colmar accueille dans ses murs une collection d’objets témoignant de la présence d’une communauté juive bien implantée en Alsace depuis de longs siècles.

Cette collection est présentée dans la salle Jean-Claude Katz, du nom de celui qui fut l’initiateur du Fonds d’Art Juif Historique et Contemporain, alors qu’il était Président du Consistoire Israélite du Haut-Rhin.

La présence d’une communauté juive, bien organisée, à Colmar remonte au 13ème siècle. Les Juifs étaient domiciliés dans un quartier situé entre la rue des Juifs (actuellement rue Berthe Molly) et l’ancien mur d’enceinte longeant l’actuel Boulevard du Champ de Mars.

Ils disposaient d’une première synagogue détruite par le feu et reconstruite en 1279, d’une maison destinée aux fêtes de famille et mariages (tanzhus ou maison de danse), d’un bain rituel (mikweh) appelé das Kalde bad (bain froid) et d’un cimetière.

La communauté juive, comme de nombreuses autres dans la vallée du Rhin, fut décimée en 1349. En cette année les juifs de Colmar furent expulsés de la ville ou brûlés au lieudit Judenloch (trou aux Juifs) dans le quartier du Ladhof.

Quelques années plus tard, les Juifs furent à nouveau admis à Colmar car on avait grand besoin de percevoir les taxes lourdes qui leur étaient imposées par l’Empereur. Ils n’habitaient plus dans un quartier spécifique, la synagogue se trouvait dans la Maison à la Roue, à l’emplacement de l’actuelle Ecole Jean-Jacques Rousseau.
Leur cimetière se trouvait, à partir de 1385, devant la porte de Teinheim, du côté de la rue Vauban.
A cette époque-là, les Juifs ne pouvaient s’occuper que de négoce vente de viandes, de peaux et cuirs, d’argenterie, commerce de bétail et de chevaux ou de prêts et de change de monnaie. L’agriculture et l’artisanat leur étaient défendus.

Cette deuxième communauté perdura dans des conditions précaires jusqu’en 1512 quand la ville obtint de l’Empereur le droit d’expulser définitivement ses juifs.
A quelques rares exceptions près, il n’y eut plus de juifs à Colmar de 1512 à 1791, année de l’émancipation des Juifs de France.
Durant cette période, ils vivaient en milieu rural dans de nombreux bourgs du vignoble et de la plaine ; certains abritent toujours de belles synagogues du 19ème siècle et des cimetières attestent de leur ancienne présence et de leur identité.

La synagogue actuelle de Colmar, après de nombreuses vicissitudes liées au choix de son emplacement, a été inaugurée en 1843. Elle se trouve à l’angle de la rue de la Cigogne et de la rue de la Grenouillère et est le siège du Grand Rabbinat et du Consistoire Israélite du Haut-Rhin.

Une maison communautaire inaugurée en 1961 la jouxte. Elle abrite des locaux administratifs, une grande salle pour les banquets et fêtes de famille ou des conférences. On y trouve au sous-sol des cuisines, un bain rituel. Les étages sont occupés par des salles de classe pour l’enseignement religieux.

En pénétrant dans la salle Jean-Claude Katz, nous voyons, face à nous, une arche sainte de pierre sculptée en forme d’armoire alsacienne, renfermant des rouleaux de la Tora (manuscrits sur parchemin des cinq livres de Moïse), dont on lit un chapitre lors des offices publics. Cette arche sainte du 18ème siècle provient d’une ancienne synagogue de Bergheim.

De part et d’autre, deux magnifiques rideaux richement brodés qui protégeaient l’arche sainte. Des lustres, des chandeliers de Hanouka, un tronc, un pupitre de chantre, des bancs utilisés par la circoncision sont des témoignages du mobilier que l’on trouvait dans les "choules", nom donné à nos synagogues d’Alsace.

A l’autre bout de la salle a été recréée l’ambiance d’une salle à manger traditionnelle. Un magnifique buffet à deux corps en noyer trône derrière une table entourée de sièges régionaux. Des lithographies et un pastel d’Alphonse Levy, peintre originaire de Marmoutier et très populaire dans les familles juives, illustrent des scènes de la vie juive en Alsace. On peut remarquer également deux objets typiques et indispensables : le guissef (fontaine de cuivre) servant aux ablutions des mains avant les repas, et la chavesslamp (lampe de Shabath) suspendue au plafond par une crémaillère et dont on garnit les becs de l’étoile d’huile et de mèches pour éclairer la table du Shabath.

Deux consoles présentent deux maquettes d’une même synagogue; celle de Horbourg, située à 5 kms à l’est de Colmar. Nous observons dans la maquettte tronquée, la disposition classique de l’intérieur d’une Choule. La synagogue orientée vers l’Est (en direction de Jérusalem), présente l’Arche Sainte avec son rideau, l’Almémor, c’est à dire la tribune et son pupitre où officie le 'hazan (le chantre) sur le quel on déploie la Torah pour en faire la lecture d’un chapitre chaque samedi matin. Les travées de bancs à l’étage sont réservées aux dames.

Scellée au mur entre les deux fenêtres, une rare fontaine du 17ème siècle en pierre sculptée et ornée d’un mascaron, provenant du cimetière de Herrlisheim, servait à se purifier les mains en quittant les lieux.

Dans les vitrines murales sont disposés différents objets destinés au culte domestique et synagogal.

Coupe

Les différentes étapes de la vie sont ponctuées de cérémonies : la circoncision qu’on pratique sur les garçons à l’âge de huit jours, l’offrande de la mapa, bande de tissu peinte pour maintenir serrés les rouleaux de la Tora et dont on voit plusieurs exemplaires, elle est présentée par le petit garçon à l’âge de trois ans, la cérémonie du mariage durant laquelle on lit la Ketouba (acte de mariage portant la signature des témoins) , les derniers honneurs rendus aux défunts par les membres de la Hevra Kadisha (confrérie des enterreurs). Un objet insolite et fort rare encore utilisé de nos jours est présenté dans la vitrine. C’est une coupe en argent du 19ème siècle en forme de cercueil porté sur un brancard par quatre membres de cette association, et qui est vidé avec l’humour des carabins lors du banquet annuel de la confrérie.

Le cycle des fêtes juives, tantôt austères, tantôt gaies s’étale le long de l’année du calendrier juif.

Rosh Hashana (le nouvel an) commence le cycle en septembre - octobre ; toute personne doit se remettre en question dans son être moral et religieux, par la prière, la pénitence, la charité envers autrui. Au cours des offices de cette solennité, l’officiant sonne du shofar (corne de bélier), exposé en plusieurs exemplaires, et dont le son grave pénètre les consciences des fidèles.

Dix jours plus tard, on fête Yom Kipour (jour du Grand Pardon) que l’on passe en prières à la synagogue en s’abstenant depuis la veille de toute nourriture.

La fête de Soukoth (fête des cabanes) est célébrée quatre jours plus tard. Elle rappelle la précarité du séjour de 40 ans dans le désert depuis la Sortie d’Egypte jusqu’à l’entrée en Terre Sainte. Pendant huit jours, les repas se prennent dans la Souccach (cabane rudimentaire) dont le toit se compose de branchages. Soukoth était au temps biblique l’une des trois fêtes de pélerinage à Jérusalem. Le peuple entier montait alors pour apporter au Temple en sacrifices les prémices des récoltes et du bétail.

Les deux autres fêtes de pélerinage sont Pessa'h et Shavouoth.

En mars - avril, on célèbre Pessa'h ("Passage par dessus") à la date d’anniversaire de la Sortie d’Egypte lorsque les Hébreux, esclaves du Pharaon, furent libérés. Pressés de partir, ils n’eurent pas le temps de faire lever le pain. Durant les huit jours de Pessah, les Juifs sont astreints à manger des matzoth (pain sans levain) et de se débarasser de toute trace de pain levé.
Les deux premiers soirs, la famille est réunie autour de la Table du Seder ("ordre établi"), soirée durant laquelle on lit suivant un ordre établi la Hagada (récit) relatant l’histoire de la Sortie d’Egypte et des miracles qui eurent lieu à cette occasion. Cette lecture pédagogique essentiellement rédigée par les enfants est accompagnée de louanges, de psaumes et de beaux chants destinés à maintenir éveillés les enfants surtout après le repas de fête, alors que la nuit est bien avancée.
Dans la vitrine l’on voit des plats utilisés pour le Seder, en étain gravé, et que l’on pose au milieu de la table avec des matzot et des ingrédients symbolisant l’amertume des longues années d’esclavage. Pessa'h est la fête de la libération et de la naissance de l’identité du peuple juif en tant que nation en 1220 avant notre ère.

Dernière fête de pèlerinage, Shavouoth ("semaines") est célébrée en mai - juin, sept semaines après Pessa'h et commémore le don de la Torah reçue par Moïse sur le Mont Sinaï.

Les rouleaux de la Torah ou loi juive sont maintenus serrés par la mappah et revêtus d’un manteau de velours orné de broderies d’or. Des ornements d’argent tels que le yad (main de lecture), tass (pectoral où figurent souvent les lions de Juda), rimonim (ornements en forme de grenade) témoignent de la vénération que l’on porte à la Torah. On en voit qui sont exposés dans la vitrine.

Au mois de décembre, lors de la fête de Hanouka ("inauguration"), on allume des lumières dans des chandeliers à huit branches. Durant huit jours à la tombée de la nuit, on sort la menora (chandelier) et l’on allume chaque jour une lumière supplementairejusqu’à en allumer huit le huitième jour

Autre fête commémorative en février - mars Pourim ("sorts jetés") ou fête d’Esther, qui suit un jour de jeûne (jeûne d’Esther). C’est un jour de joie avec repas entre amis et déguisements d’enfants, dons aux amis et nécéssiteux. Ce jour-là on fait le récit, dans un rouleau de parchemin appelé meguila, de l’histoire des juifs exilés en Perse au 5ème siècle avant notre ère, leur génocide avait été arraché par Haman au roi Assuérus. Le roi trompé est revenu sur son sinistre projet grâce à l’intervention de son épouse adulée, la reine Esther. Le jour de jeûne et de désolation fut alors suivi d’un jour de liesse.

La semaine juive se termine le samedi par le jour du Shabath, jour entièrement chômé durant lequel la famille se retrouve, ce jour voué à la rupture avec le stress du quotidien est consacré à la sainteté du Shabath et à l’étude.
Le Shabath commence dès la veille, on le célèbre lors d’un repas de fête par le Kidoush (sanctification) ou bénédiction sur le vin. On se sert de gobelets d’argent épavés dont on voit un modèle. Une autre bénédiction est faite sur le pain qui est recouvert d’un napperon brodé comme exposé ici.
Le samedi soir, à la tombée de la nuit, on célèbre la clôture du Shabath par la Havdala ("coupure") et l’on respire alors, dernier souvenir des délices du jour, des épices conservées dans les bsombiks (boîtes à épices) qui peuvent prendre des formes les plus variées.

La Salle Jean-Claude Katz qui est mise à la disposition du Fonds d’Art Juif Historique et Contemporain grâce à la bienveillance de la Ville de Colmar, a été inaugurée en 1993. Elle porte témoignage de ce qu’a été et de ce qu’est toujours la vie juive, non plus comme autrefois, dans les bourgs ruraux, mais dans nos villes, témoignage de cette vie juive avec ce parfum particulier emprunté à la culture et à l’art alsaciens.


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