RABBIN à COLMAR
- Quelques souvenirs des années 1945-1986
par le Grand Rabbin Simon FUKS (suite)
Instruction religeuse et activités de la jeunesse - Les camps d'été
Le Talmud Torah
Les cours reprirent très rapidement. En attendant qu’ils puissent avoir lieu dans
les salles de classe prévue dans la maison de la Communauté, ils furent donnés,
comme avant la Guerre, à l’École Jean-Jacques Rousseau.
Cours dans les établissements scolaires
Il s’agit surtout des lycées Camille Sée et Bartholdi, où existaient,
également, des classes d’enseignement primaire. Ce n’est que plus tard, que ces
classes furent supprimées dans les lycées, que furent créées les classes d’orientation,
puis qu’il y eut un Lycée Technique.
Quoi qu’il en soit, dès le début, il fut possible, pour les enfants des
familles pratiquantes, soit d’assister aux cours les Chabbat et Fêtes, sans
participer aux exercices et travaux interdits pour des motifs religieux, soit
d’être absents ces jours-là. Il y eut une époque où au moins une quarantaine
d’élèves juifs bénéficièrent de l’une ou de l’autre de ces dérogations. Dans
cette rubrique doivent figurer également les cours donnés au Collège de
Ribeauvillé.
Jeunesse juive
Il existait déjà avant guerre un groupe appelé Jeunesse Juive de Colmar
(J.J.C.). En vérité, en faisaient partie, non seulement des adolescents, mais aussi des gens d’âge plus mûr.
Il s’agissait donc, de reconstituer la J.J.C. Mais cette fois-ci, en firent partie des jeunes d’âge
scolaire élèves des classes de 2e, 1e et terminales, en plus d’une sous-section
de plus jeunes encore.
Quant aux plus âgés, entrés dans la vie active, ou jeunes mariés, ils
fondèrent le Groupe 47, ayant leur programme d’activité propre. Mais, très
fréquemment, nous eûmes des activités communes.
Ce qui fut caractéristique de Colmar, c’est qu’il put y avoir différentes
tendances chez les jeunes et les responsables de la J.J.C., à savoir : E.I.,
Bné Akiba, Yechouroun. Mais tous, indépendamment de leurs activités particulières,
participèrent à celles de la J.J.C., dans un bel esprit d’harmonie. De ce point
de vue on peut citer le cas de Théo KLEIN, qui, tout en étant à la tête du
mouvement Yechouroun sur le plan national, n’hésita pas à donner, également, le
meilleur de lui-même, à la J.J.C. ainsi, d’ailleurs, que son épouse Edith. Ce
n’est que dans les camps d’été et les colonies de vacances que les
”particularismes” reprirent le dessus.
Par suite de la diminution des jeunes restant à Colmar, la J.J.C. finit
par s’étioler. Il y eut alors des réunions, par petits groupes, chez moi,
avenue de la République, et plus tard, à la petite rue des Tanneurs, ainsi
qu’au bureau du Consistoire, mais ce ne fut plus cette ”période de gloire”
des premières années qui suivirent la fin de la guerre.
Camp en Italie (1950)
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Les E.I.
Il existait des E.I. (Eclaireurs Israélites de France) avant la guerre,
dont Madame Louison BERNHEIM, (Pivert), avait été la commissaire
locale. Des groupes E.I. se reformèrent après la Guerre. Ma femme
dirigea le groupe des filles. Celui des garçons eut, à un certain
moment comme chefs Robert HELFT, Jean-Claude KATZ, et
Louis
SCHWAB.
Les camps d'été
En abordant ce chapitre, je dois rendre un hommage particulier à
ma
femme. Jamais éloge ne fut plus mérité. C’est tout
naturellement qu’elle organisa des camps, en tant que cheftaine, pendant la
période des vacances, alors que je fus loin d’être enthousiaste
à l’idée de les passer sous la tente. Mais j’y pris goût
progressivement, à tel point que même sans groupe, et à
nous deux seulement, nous passâmes en général nos vacances
en campant, soit en France (Avignon, Gorges du Tarn, Rocamadour, Sarlat, etc...),
mais aussi fréquemment à l’étranger, en Italie (Florence),
en Yougoslavie, jusqu’à Dubrovnik, ou encore en Espagne (Tolède
Séville, Cordoue, Grenade). Et il me vient, parfois des bouffées
de nostalgie, en y pensant, alors que parvenu à ma 84ème année,
je ne me sens plus la force de planter notre vieille tente qui date de 1953
!
Le premier camp d’éclaireuses, organisé par ma femme se tint
en 1946, déjà, à
Moosch, pas loin de Thann. Il fallait se déplacer avec précaution,
car il pouvait y avoir des mines. Les endroits suspects étaient signalés
par des rubans blancs. Puis, en 1947, ce fut le camp du Riondet Pinsot, au-dessus
d’Allevard, et, en 1948, le Sappey, dans le massif de la Chartreuse. Si le camp
du Riondet ne fut pas organisé par ma femme, elle y prit de très
grandes responsabilités. Et tous ces camps furent des réussites.
Et lorsque celui du Sappey se termina et que nous restâmes encore quelques
jours en ce lieu, nous allâmes rendre visite à l’Auberge de la
Jeunesse. Ma femme y mit de l’animation, y organisa des jeux. Et un soir, je
trouvai par terre un morceau de papier sur lequel était écrit
: (Honneur et gloire à vous, Cheftaine !).
Le Rabbin Fuks (à gauche), lors de son premier voyage
en Israël avec la
J.J.E.
(1960) - à droite : Pierre Meyer, Jacques Bernheim et Bernard Taube
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Prise d’un coup d’audace, ou de folie,
ma
femme décida d’organiser des camps à l’étranger.
Je ne crois pas me tromper, en prétendant que nous fûmes les
premiers, en France, à amener des jeunes à camper à l’étranger.
Le premier de ce genre eut lieu en Italie. Il était question d’y camper
non loin de la frontière, et nous y avions donné rendez-vous
à des Mulhousiens. Mais arrivés aux Iles Borromées, nous
apprîmes que les Chemins de Fer italiens pratiquaient un tarif dégressif,
c’est à dire que plus on allait loin, plus grande était la réduction
du prix du voyage. Oublieux des Mulhousiens qui devaient nous rejoindre, et
saisis d’une sorte de frénésie, nous prîmes des billets
pour Milan, Florence, Rome. Pour ce faire, nous vidâmes notre cagnotte,
n’y gardant que le minimum indispensable pour assurer le ravitaillement. Ce
fut merveilleux. Raconter en détail ce que fut ce voyage, et notre
enchantement, prendrait des pages. L’année suivante, ce fut encore
un camp en Italie, avec quelques modifications : les Dolomites, Venise, Rome,
Naples et ses environs. L’Italie nous parut un pays magnifique, les villes
visitées admirables, son peuple plein de gentillesse. Bien des années
après, il nous est arrivé de rencontrer certains participants
à ces camps, qui nous ont rappelé, quel bon souvenir ils en
avaient gardé.
Quelques années plus tard, nous prîmes part à des camps
de la J.J.E.
(Jeunesse Juive de l’Est) dont l’animateur était Jacques
MEYER-MOOG (Loup), de Strasbourg, à savoir : La Sicile et Rome
en 1957, la Grèce en 1958, le Portugal en 1959, Israël en 1960,
le Maroc en 1963.
Je ne fais pas une entorse à la vérité en affirmant que notre présence à
ces camps, et parfois à leur direction, laissèrent de bons souvenirs à ceux qui
y participèrent. Je tiens à préciser, que selon le principe E.I., pour tous ces
camps, et quelle qu’ait pu être la responsabilité que nous y assumâmes, nous
avons payé notre quote-part, comme tout un chacun. Nous fîmes donc dix camps
avec des jeunes.