La Communauté juive de Villé pendant la seconde guerre mondiale
par Christian Dirwimmer (suite)

4. La situation militaire internationale

Comme toute personne prise dans un conflit, Robert WEILL n'a de cesse de suivre la situation militaire sur tous les fronts. Il le fait bien évidemment en écoutant Radio-Londres, qu'il cite à de nombreuses reprises dans son journal. Nous ne reviendrons pas sur cet aspect de son texte, aucune information originale ou inédite n'y apparaissant.

5. La situation militaire locale (le maquis)


Robert WEILL suit bien évidemment l'apparition et le développement des mouvements de Résistance sur le sol français. En 1943 et 1944, Saugues se situera en plein coeur d'un secteur montagneux où les maquis prendront une importance considérable, au point de se rendre entièrement maîtres de la région bien avant l'arrivée des troupes de libération. L'Alsace n'ayant pas été libérée selon le même schéma, il nous semble intéressant de reproduire le témoignage assez précis transmis par Robert WEILL.
"19.08.1943. René (frère de Robert) vient d'écrire qu'il y a eu près de chez eux (dans l'Ain) des attentats contre des tunnels et il s'attend à être obligé de faire le garde-voies".

"03.10.1943. Hier, nouvelles locales sensationnelles: les prisonniers politiques du Puy (40), de St-Etienne, Clermont, Tulle, se sont tous évadés".

"07.10.1943. L'action des patriotes en France devient de plus en plus efficace. Cette semaine, on a fait sauter une usine électrique à Châlons-sur-Saône, dont dépendent toutes les usines du Creusot qui, paraît-il, ne pourront fonctionner pendant 8 mois. On s'attend à des représailles de la part desAllemands (...). On dit qu'au Puy, des bombes ont été placées à plusieurs endroits mais n'ont pas explosé. Des baraques de militaires ont été incendiées à Brives".

"25.12.1943. Ces jours-ci, le monument La Fayette au Puy a été enlevé par les Allemands pour la récupération du bronze. Avant l'envoi à l'usine, on a déposé le monument au Musée Crozatier. De là, les forces de la Résistance française l'ont enlevé et le monument a été enterré à un endroit inconnu".

"23.01.1944. Enormes agissements des résistants, surtout en Savoie. Les lignes de chemin de fer ont sauté à beaucoup d'endroits. Des jeunes gens d'ici, surtout ceux de vingt ans qui doivent passer la visite (8) prennent le maquis".

"03.02.1944. Quinze mille gendarmes ont la mission de marcher contre les jeunes gens du maquis en Haute-Savoie par ordre de Darnan. Quelle horreur de voir marcher des français contre d'autres français !".

"15.03.1944. Le fils du maire de St-Privat qui avait une place prépondérante dans la Résistance à Dijon a été arrêté. La veille de son arrestation, un faux membre de la Résistance l'a vendu. Le lendemain il devait recevoir le matériel d'un avion. L'avion est arrivé et a été descendu en flammes par les Allemands. 3 victimes. 3 autres ont pu descendre en parachute, c'étaient des Canadiens qui croient en un débarquement au mois d'avril".

"18.05.1944. Les réfractaires ont arrêté près de Paulhac M. Chassain de Saugues qui avait un chargement de beurre et d'œufs. On l'a allégé de son chargement au prix de la taxe. M. Bordes qui est propriétaire d'un moulin prétend que les réfractaires ont enlevé un camion de farine. Cette nuit, on a enlevé à M. Gerbier, maire de Saugues les pneus de l'auto et l'essence qu'il possédait. A M. Garel, garagiste, les réfractaires armés ont sollicité, après l'avoir fait sortir de son lit à minuit, une moto, deux vélos, 500 litres d'essence. Un camion tout neuf appartenant aux Ponts-et-Chaussées a été emmené par les réfractaires".

"19.05.1944. C'était la foire à Saugues. La Deutsche Schutzpolizei était là pour enquêter sur les incidents. Il parait que des grosses formations de maquisards se trouvent dans les forêts qui environnent Saugues".

"24.05.1944. Hier, des hommes du maquis sont venus à l'Hôtel de France où se trouvaient les autorités s'occupant du ravitaillement et le sous-intendant du Puy qui devait réquisitionner une centaine de bêtes à cornes pour le compte des Allemands. Les hommes du maquis, armés, leur ont signifié, malgré la présence des gendarmes, de suspendre leurs fonctions car ce sont eux qui prennent le commandement. Les fonctionnaires sont partis sans protester, l'un disant qu'il veut demander sa démission, un autre veut demander 30 jours de congé, et ceux du Puy ont pris la poudre d'escampette. Les paysans, heureux, ont reçu l'ordre de ramener chez eux les bêtes réquisitionnées. 50 bêtes devaient être cherchées pour les réquisitions avec trois camions, mais la route leur était barrée par les hommes du maquis et renvoyés chez eux. Aujourd'hui, il y a eu pour la première fois de la viande sans ticket dans les boucheries de Saugues, soi-disant grâce aux maquisards. Les maquisards sont en possession de belles voitures à essence (on ne voyait plus que des gazobois). Ce matin, on a dit que pendant la nuit on a cherché une voiture de tourisme à M. Jobert, ingénieur des Ponts-et-Chaussées. On dit que le chef de la Résistance du maquis est à Saugues et on prétend que dans un mois on sera maître de la situation. Vingt maquisards ont dormi à l'Hôtel de France cette nuit. On croit que les Allemands ne réagiront pas à ces évènements, les mêmes incidents s'étant produits à d'autres endroits du département".

"26.05.1944. La nuit de mercredi à jeudi il s'est passé toutes sortes d'évènements locaux. Le nouveau car du Puy a été enlevé, ainsi qu'une voiture de Chavade père. On dit que ceci est fait par la Résistance. Une autre voiture qui se trouvait dans le garage de M. le curé Bertrand a disparu également. Deux bombes ont éclaté chez Laurent à Monteiller, réputé collaborateur ; 9 hectolitres de vin et autres affaires ont été emportés par le maquis. A …, le chef de gare qui a tué un maquisard a été lui-même tué par les camarades de la victime. Rodez (Aveyron) est, paraît-il, dans les mains du maquis. A Clermont, on dit que les Allemands eux-mêmes disent que la guerre est finie. Il y a là-bas de grands mouvements de Résistance et on croit qu'elle prendra incessamment le pouvoir là-bas".

"30.05.1944. Le cafetier Cubioles a été arrêté par le maquis, ainsi que sa femme et son fils. Pendant la perquisition, un maquisard a eu un accident et s'est tué avec sa propre arme. Hier j'ai été témoin au Villeret d'une chasse à l'homme. Laurent le fermier, s'est sauvé dans les champs à l'approche d'une voiture des maquisards. J'ai suivi un moment les phases de la poursuite pendant laquelle des rafales de mitraillettes ont été tirées sur Laurent qui a pu s'échapper en se cachant dans les genêts. Poille, huissier de Saugues, a quitté Saugues. On dit qu'il avait fait partie de la Milice".

"31.05.1944. On dit que le Dr Gerbier, maire de Saugues, a démissionné pour raisons de santé. Une vingtaine de camions seraient arrivés par la route de Langeac pour rejoindre le maquis vers Venteuge".

"01.06.1944. Ce matin, alerte à 7h30. Mme Roussel nous a prévenus de l'arrivée de quatre camions d'Allemands. On craignait la bataille. Nous sommes partis avec quelques hardes. Je suis redescendu de suite pour chercher les affaires oubliées. J'ai appris que la ligne de chemin de fer entre Monistol et Aleyras a sauté pendant la nuit. Ces quatre camions venant de la route de Langeac se sont dirigés sur Monistrol. Je suis remonté à la ferme et nous sommes tous redescendus. A midi et demi, les mêmes camions sont remontés et passés par Saugues direction Langeac. Au Puy, les maquis se sont emparés hier soir d'une citerne de vin. Bien des camions occupés par des jeunes du maquis ont passé hier soir tous armés. Les jeunes gens d'ici, des classes 45, 44 et 43 seraient convoqués par le maquis. Les Allemands ont convoqué tous les camions d'ici à rejoindre le Puy, mais tous sont en réparation".

"02.06.1944. Hier, grand affolement à Saugues. On disait que les Allemands devaient venir pour faire des rafles pendant la nuit. Tous les hommes de Saugues allaient découcher à la campagne. Le car du Puy n'est pas arrivé. Le chauffeur a téléphoné que les Allemands devaient monter avec du matériel lourd. Nous avons pris la décision de partir dans une ferme à 10 km. Nous avons préparé nos sacs-touristes. M. et Mme Bernard ont passé la nuit chez nous pour partir à pied ce matin à Monistrol, tellement chargés qu'ils m'inspiraient la pitié. Ces gens sont affolés. Beaucoup de jeunes gens de l'endroit se sont engagés hier soir au maquis. Ce matin, j'ai vu opérer pour la première fois les maquisards à Saugues. 1 camion + 1 camionnette + 3 tractions avant. Les maquisards, tous vêtus différemment, portent des armes, mitraillettes, FM et revolvers. Ils ont sorti du sucre des épiceries et ils l'ont distribué à la population, surtout aux familles nombreuses en disant que demain tout le monde en aurait. Ils ont occupé la Poste (soit-disant pour une demi-heure). Toutes les communications par téléphone sont coupées. Ce matin, on a entendu des coups de canon. On dit que des batailles sont engagées entre Allemands et maquis près de Clavières".

"04.06.1944. Vendredi soir Mme Fouillé vint en toute hâte nous prévenir de l'arrivée de trente camions d'Allemands. Myria ayant une sinusite, nous l'avons confiée aux soins de Mme Roussel qui a accepté de bon gré comme toujours quand on la sollicite pour un service. Jules, J. Jacques et moi, nous avons passé la nuit chez Médard (la ferme où Robert Weill travaillait à l'occasion). Tous les hommes de Saugues ont découché comme nous. La nouvelle a été lancée par téléphone. Ce n'était qu'un bobard et rien n'est arrivé. A 7 heures du matin, Mme Roussel a mis un drap blanc à la fenêtre qui, d'après convention, devait nous dire que le danger est passé. Hier toute la journée, des hommes du maquis ont circulé dans Saugues, toujours armés et en formation de corps francs. Ils rançonnent des véhicules, des carburants et des vivres. Dans la soirée, événement sensationnel. J. Jacques est venu m'appeler pour aller voir au Cours National l'arrivée d'environ 150 hommes en deux grands camions venant de la direction de Nîmes, tous impeccablement habillés kaki et armés de mitraillettes, de motos sur les camions. Ils étaient conduits par des officiers en uniformes d'avant-guerre, ils entamaient la Marseillaise devant les Sauguains rassemblés. Beaucoup pleuraient de joie. Mon émotion était grande, une vision me rappelant l'entrée des Français en Alsace en 18 se présentait à moi. La liberté paraissait nous revenir après quatre ans d'oppression pesante. Deux Américains dans une voiture, armés également de mitraillettes, faisaient partie du groupe. J. Jacques et moi leur avons adressé quelques bribes d'anglais. Ils ont dit qu'ils étaient aviateurs, obligés d'atterrir près de Roanne et ils ont rejoint le maquis. En partant, ils nous ont fait le signe V. Cette scène m'a fortement remonté le moral. Hier on a parlé également d'une escarmouche entre Allemands et maquis près de Polac".

"6 JUIN 1944 (en majuscules dans le texte). A 8 heures et demie, Mme Roussel frappe hâtivement en disant qu'il a été annoncé au poste suisse qu'un débarquement a eu lieu sur les côtes nord de la France. A Saugues, le drapeau français avec croix de Lorraine a été hissé à la mairie. Le maquis s'est chargé de hisser les couleurs. L'envoi des couleurs a été commandé par le commandant Lévy. D'après le commandant, la ville de Saugues est la première libérée de France".

"07.06.1944. Ce matin alerte. 15 camions d'Allemands étaient signalés qui sont partis du Puy en direction de Saugues, mais plus tard on a appris qu'ils ont pris la direction d'Aleras. Deux blessés sont arrivés à l'hospice venant d'un petit maquis près de Solignac qui a été attaqué pendant la nuit par des Allemands et des miliciens. Des gens du maquis se sont accaparé cet après-midi un camion plein d'affaires de l'hôtel Anglade. Ce soir les gendarmes de Monistrol sont venus à Saugues pour se rendre au maquis".

"8 juin 1944. Le curé de Monistrol a été fusillé pour avoir fait partie de la Milice".

"14.06.1944. Samedi le 10 juin vers midi, la nouvelle s'est répandue à Saugues que les Allemands, au nombre de 2000, étaient à Monistrol eu vue d'opérations contre le maquis. La veille au soir, on annonçait déjà que dans les départements de Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Cantal et Allier, défense à tous véhicules, autos et motos, de circuler. Les autorités allemandes tirent sur chaque véhicule en circulation sans avertissement, en dehors du service médical. Des bruits courent qu'une partie des forces allemandes montent vers Saugues. On voit passer un gros camion qui va à leur rencontre sous les acclamations de la population. Les Allemands sont arrivés en camion jusque (illisible). On amène des blessés à l'hospice de Saugues. Bien des Saugains s'enfuient à la campagne.. Hier mardi, J.Jacques et moi avons tenté d'aller à Saugues. Mais étant arrivés devant Saugues, nous avons appris que samedi soir les Allemands ont été repoussés par les maquisards. Dimanche, Saugues a été bombardé par avion. Lundi, les Allemands sont rentrés dans Saugues, le maquis s'est retiré vivement. Pendant la bataille, les Allemands ont laissé beaucoup de morts sur le terrain, les maquis bien moins. Ils ont mitraillé, tiré sur des jeunes gens qui s'enfuyaient à travers champs. L'école des frères est occupée par les Allemands.

"21.06.1944. Revenu à Saugues hier soir il n'y a plus que quelques Allemands et des Mongols qui sont cantonnés à l'école laïque à côté de chez nous. Les Sauguains ont tous les nerfs tendus et vivent encore sous le coup des évènements récents ".

"26.06.1994. Le maquis de la Haute-Loire a eu des défaites après avoir abandonné Saugues et les environs. Il a également perdu la bataille à Garabit (9). D'après le chef de la Croix-Rouge le maquis a eu 1500 morts depuis la bataille de Saugues (10). Saugues est actuellement occupé par une vingtaine de militaires allemands se composant de Mongols et de Tartares qui cherchent à sympathiser avec la population. Beaucoup de maquisards rejoignent leurs foyers.

"30.06.1944. Hier, causé à un Tartare, feldwebel allemand actuellement, ancien lieutenant de l'Armée Rouge. Il a dû combattre contre les Allemands, a été fait prisonnier en 41. Il était dans un camp de prisonniers près de Minsk pendant 5 mois. Il y avait au début 36.000 hommes. Au bout de 5 mois, il restait en tout 528 hommes vivants (les malades compris). Pour échapper à la mort, il se laissa enrôler dans la légion tartare ".

"02.07.1944. Au Puy, hier, 30 jeunes gens ont été raflés pour travailler en Allemagne. Tous les Allemands se trouvant à Saugues sont partis hier ; entre autres le feldwebel tartare qui m'a fait de chaleureux adieux. Dans les villages des environs, bien des hommes et femmes ont été fusillés comme otages par les Allemands. Un homme de Clermont est venu reconnaître son fils mort dans le maquis à l'âge de 16 ans. Il est parti sans le consentement de ses parents avec quatre autres jeunes gens de Clermont de son âge ".

"19.07.1944. Les maquis reviennent de nouveau à Saugues pour faire des emplettes dans les magasins, pour habiller essentiellement des Russes qui se sont rendus au maquis".

"02.08.1944. Ce matin, le maquis a fait sauter le pont de Ponzasse à Monistrol. Ainsi la route du Puy. Saugues se trouve coupée. Les différentes routes menant vers le Puy ont été coupées de la même façon et on dit que le Puy sera complètement isolé. N'est-ce pas un plan d'ensemble, propre à isoler l'armée allemande qui se trouve dans le Midi ? ".





la Tour des Anglais
"07.08.1944. Les maquis ont affiché à la mairie de Saugues un tarif des principales denrées : le beurre 70 F le kg au lieu de 90, les oeufs 30 F la douzaine au lieu de 50, le veau 50 F le kg ait lieu de 70, le bœuf 30 F le kg au lieu de 40".

"20.08.1944. Un maquisard est venu avec la mission d'appeler au secours le maquis du Puy pour libérer la ville. Au Puy, il y a eu des combats de rite, la Kommandantur et la Préfecture ont été prises d'assaut. Les Allemands se sont retirés à la caserne Romens. Les Allemands se sont rendus hier soir, mais la Milice continue à tirer des toits et des fenêtres de certaines maisons. Trente hommes de Saugues ont pris part, mais mal armés. Une partie des troupes du Puy s'est sauvée vers Clermont, le maquis cherche à les arrêter. Des femmes miliciennes ont également pris part aux combats ; celles qui se font arrêter sont tondues. Des Allemands en vêtements civils ont été arrêtés à Saugues. Un paysan accusé d'avoir volé des affaires parachutées a été conduit par Saugues, les mains en l'air, pieds nus, conspué par la foule et même de ceux qui étaient d'opinion douteuse auparavant".

"22.08.1944. Hier soir en descendant du Villaret, je vois un grand drapeau planté sur la Tour des Anglais (11). En entrant dans Saugues, toutes les maisons étaient pavoisées. On avait publié en effet que la Haute-Loire est complètement libérée. L'enthousiasme battait son plein. Un défilé est organisé à Saugues. On attend les FFI qui ont participé à la libération du Puy"."23.08.1944. Manifestation patriotique à Saugues sous la direction de M. Cohaillon, nommé Commandant. Un nouveau maire a été nommé, M. Romens, ancien huissier. Salves au monument aux morts avec Marseillaise ".
6. Développements philosophiques

Pour achever l'historique de la famille WEILL pendant la guerre et donner une image complète de la teneur de son journal, nous en reproduisons ci-après un extrait dans lequel Robert WEILL, comme il aimait à le faire de temps à autre, se livre à des considérations philosophiques sur l'existence.
"27.09.1943. De la souffrance naissent les plus grandes vertus, disait Bossuet. Les douleurs causées par la maladie, les souffrances et le décès de cher Papa m'ont fait envisager la vie d'une autre manière que par le passé. La vie terrestre elle-même, qui n'est qu'un passage, ne doit être que secondaire en comparaison de l'éternité, c'est-à-dire que la vie de l'âme. Tout le soin primordial doit donc être porté à l'âme qui doit rester pure au moment de quitter ce monde. Avec cet état d'âme et d'esprit, je crois que la vie terrestre sera plus facile et te place au-dessus de la pusillanimité et de la mesquinerie que la vie terrestre contient en énorme et pernicieuse quantité. Depuis quelques jours, je sens mon état général d'âme et d'esprit plus rasséréné et je l'attribue essentiellement à ma nouvelle manière de considérer la vie. C'est un chemin droit, tu ne dois pas devenir chancelant et dévier de cette route qui est la bonne. Tu dois surmonter toutes les difficultés qui barrent cette route et, de cette manière, tu seras un homme sûr de toi-même, chose très appréciable. Il ne faut pas porter de haine à ceux qui ne suivent pas le même chemin que toi ; leur vie est inconstante et insidieuse. Ils auront souvent des joies impétueuses, mais non durables, pendant que ton état d'âme sera toujours serein. Ceux qui sont susceptibles de pouvoir te suivre ou t'accompagner sur la route, il faut leur indiquer le chemin ; c'est, je pense, un énorme service que tu leur rends. Combien de difficultés s'aplanissent rien qu'en possédant cet état d'âme qui te met au-dessus de toute la mesquinerie qui se présente au courant de la vie. Je me sens transformé par ce changement et prie Dieu de m'aider à pouvoir poursuivre dans cette voie. Je pense qu'en faisant cela, je ne fais que continuer le tracé de mon père toujours trop silencieux. Mais c'est peut-être le mystère de ce silence qui m'a amené à tout cela. Contrairement à ceux qui s'appliquent trop à vouloir imposer leur propre façon de penser à leurs enfants, qui eux alors ne pensent qu'à critiquer ce qu'on veut leur imposer. C'est dans ce sens que je suppose que Papa nous a laissé notre liberté d'action, avec l'espoir secret de nous voir suivre un jour son exemple".

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