Lire des extraits de un livre de
Judith Hemmendinger
Discours de l’Amiral René Bloch
en l’honneur de
Judith Hemmendinger
à l'occasion de la remise de la Légion d'honneur
le 9 décembre 2003 à l'Hôtel de la Monnaie de Paris

J.Hemmendinger et l'Amiral Bloch
© Thierry Samuel
Chère Judith,
Soixante années très exactement nous séparent de la dernière fois que nous nous sommes vus et ton cher époux me permettra, j’en suis certain, d’emprunter au prophète Jérémie non des paroles tristes en ce jour de joie, mais ces quelques mots soulignant la grâce d’une jeunesse pleine de promesses et d’allant avec laquelle, tout comme Israël suivant son Seigneur dans le désert, tu as su, toi aussi, aborder les heures les plus difficiles de ta jeune existence avec un courage et une détermination auxquels nous rendons hommage aujourd’hui.

Il faut dire que tu as de qui tenir, descendante d’une famille installée depuis le 18ème siècle dans le haut-lieu d’un judaïsme éclairé qu’était alors Francfort-sur-Mein, berceau non seulement des grands bienfaiteurs de la dynastie des Rothschild, mais également de maîtres de la pensée juive comme Samson Raphaël Hirsch auquel nous devons le principe de l’équilibre entre nos formations religieuse et profane.

[…]

Après l’arrestation de ton père, tu choisis de rallier ta mère, qui réussit à passer avec ses enfants en Suisse où, après un an d’internement à Morgins, l’OSE te fait venir à Genève pour y suivre un cours d’assistante sociale avant de t’affecter à son siège central. A la fin de la guerre, tu participes à la récupération des quelque mille enfants de la baraque 66 de Buchenwald et à leur installation en Angleterre, en Suisse et en France où tu vas, à Ambloy puis à Taverny, leur créer un foyer sous l’égide de l’OSE. Profondément marquée par cette expérience et ultérieurement impressionnée par la rapide réinsertion de ces jeunes, parmi lesquels un futur prix nobel de la paix et le récent grand rabbin d’Israël, tu vas faire connaître leur histoire en publiant, il y a déjà près de 20 ans, Les Enfants de Buchenwald, préfacé par l’un d’entre eux, Elie Wiesel. Ce livre a connu un succès international d’autant plus mérité qu’il souligne non seulement tes talents littéraires mais aussi la réussite de tes efforts visant à cette réinsertion particulièrement difficile des rescapés de la Shoah.

[…]

Ce mérite, qui est aussi le tien, la République française a voulu le reconnaître en t’admettant au sein de l’élite que constitue son premier ordre national. Aussi suis-je particulièrement heureux de m’acquitter à présent de la mission qu’elle m’a confiée.

Extraits du livre Revenus du néant

Shoah Judaisme alsacien Histoire

© A . S . I . J . A .