l'OSE une institution multiforme ancienne
Figures alsaciennes de l'OSE
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Souvenirs du Dr. Joseph Weill
"Chez Nous" à Versailles (M. Warschawski)
Revenus du néant (J. Hemmendinger)
Le site de l'OSE-France


Bo Cohn
Bô Cohn et M. Schiffman, directeur administratif de l'OSE


Congres des directeurs
Congrès des directeurs de maisons d'enfants de l'OSE rue Spontini, 1946-47


Draveil
Maison de Draveil


Monitrices
Cours de monitrices à Genève - mai 1947

Maison de Lyon
Maison de Lyon, dirigée par M. et Mme Roque


IMAGES DE LA MAISON DE "L'HIRONDELLE"

Hirondelle

Hirondelle

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Hirondelle

Hirondelle

Hirondelle

Hirondelle

Hirondelle

Hirondelle

L'OSE une institution multiforme ancienne
par Katy HAZAN

Extrait de l'ouvrage Les orphelins de la Shoah - les maisons de l'espoir (1944-1960) paru aux Editions Les Belles Lettres en octobre 2000. L'ouvrage lui-même constitue un condensé de la thèse de Doctorat d'Etat soutenue par Katy Hazan. Ces pages sont publiées avec l'aimable autorisation de l'auteur.

Merci à Madame COHN et à Madame SAMUEL de nous avoir fourni les documents photographiques qui illustrent cet article


1. La charte de Lyon septembre 1944

Dès la Libération, les membres de l'OSE se retrouvent à Lyon pour définir les grandes orientations et remettre la structure en marche selon deux axes d'intervention. L'un, issu des nécessités de la guerre, le service de l'enfance, est dirigé par Robert Job aidé d'Ernest Jablonski, tandis que le service médico-social est pris en charge par Julien Samuel secondé par Andrée Salomon. Garder une équipe unie est le défi de l'après-guerre malgré les tensions internes et les conflits entre personnes ou organisations. Pour l'heure, il s'agit de rétablir le contact avec le bureau parisien où domine la personnalité du Dr Eugène Minkowski et de préparer la fusion des deux zones.

Une équipe restreinte dirigée par Georges Garel structure les différents services. Mais elle n'a aucune vision claire d'une véritable politique, ni celle de priorités clairement débattues. Les bureaux de Chambéry, Grenoble, Limoges rouvrent et sont assaillis de demandes de toutes sortes. La structure enfle au point de recruter plus de 800 personnes dans l'année 1945 et devient anarchique. La première crise transparaît dans les procès-verbaux du comité de direction de l'année 1945 : manque de cohésion entre les services, absence de prévision budgétaire conduisant à des dépenses excessives auxquelles il faut ajouter des rapports tendus avec l'Union-OSE qui maintient un bureau à Paris tout en ayant son siège central à Genève. La branche parisienne perdure en dépit des risques de confusion budgétaire et administrative et de relations difficiles dues à des conflits de personnes recouvrant sans doute des rapports mal définis. Le centre de Goumay, dévolu à l'éducation physique, le centre pédagogique de Fontenay-aux-Roses et l'institut dentaire de Paris, par exemple, dépendent de l'Union-OSE du fait de leur caractère international.

Un nouveau comité se met en place en 1946 et élargit son audience pour définir les grandes orientations, tandis que la direction reste l'organe exécutif. La priorité est donnée au secteur de l'enfance qui s'adjoint un secrétariat dirigé par Andrée Salomon (1) pour toutes les questions de son domaine : enfants que les parents ne peuvent prendre en charge, momentanément ou définitivement, suivi des placements familiaux, etc. Mais la première urgence reste de regrouper les enfants et de leur redonner leur identité à l'aide des différents fichiers, tâche confiée à Germaine Masour qui s'occupe du regroupement familial jusqu'à sa retraite.

La direction centrale, installée dès 1944 à Paris dans un hôtel particulier de la rue Spontini, acheté par l'organisation, reflète la dualité de ses dirigeants : Russes non pratiquants et Strasbourgeois religieux, laïcs et traditionalistes, enfin communistes et non-communistes. Les deux courants fondateurs, la vieille garde russo-polonaise de tendance bundiste et libérale, et "l'équipe de Strasbourg" perdurent à la Libération, comme les deux têtes d'un seul corps, cimentées par l'expérience de la guerre et les risques pris pour sauver les enfants, sans rivalité particulière mais avec la conscience d'apporter chacun son expérience et sa conception du judaïsme.

Deux personnalités de tout premier plan se partagent le secteur pédagogique : Bô Cohn, le "curé" du groupe, à la silhouette dégingandée dans son grand manteau noir (2), notant tout sur ses calepins, en est le responsable. Ernest Jablonski, le militant progressiste, selon l'expression de l'époque, l'adepte convaincu de la pédagogie nouvelle qu'il avait expérimentée au château de la Guette avant la guerre, est l'homme de terrain. Tout aurait dû les séparer : leur origine, leur formation. Mais ils se retrouvent dans une même oeuvre, celle de porter secours à l'enfance juive meurtrie, avec la même foi, la même abnégation et surtout le même idéal. L'un comme l'autre a sa place à l'OSE.

Jacques Cohn, dit Bô, est sans aucun doute le chef de file de la tendance strasbourgeoise religieuse. (voir l'article Figures alsaciennes de l'OSE)

Les Strasbourgeois ont beaucoup appris des Russes plus entraînés au travail social, mais à l'inverse ils apportent un judaïsme plus rigoriste et un sens de l'organisation plus méticuleux. Tel est en raccourci la personnalité de Jacques Cohn, d'apparence peu expansive, mais d'une extrême gentillesse.


Ernest Jablonski, dit Jouhy, est originaire d'Allemagne. Il est né à Berlin en 1913, d'où il a émigré en 1933. Sa formation éclectique : psychologie, sociologie, histoire, lui permet de suivre un enseignement de psychologie adlérienne chez le Pr. Neuer. Mais surtout, en 1930, il fait la connaissance de la libre communauté scolaire de l'Odenwald à Oberhambach dans le duché de Hesse-Darmstadt, qui le familiarise avec les méthodes de la pédagogie nouvelle. Venu à Paris en 1933, il suit les cours de psychopédagogie du Pr. Henri Wallon et obtient, tout en travaillant chez Citroën, un doctorat en Sorbonne. Il rencontre celle qui deviendra sa femme, Lida, originaire de Riga, venue étudier la littérature comparée à Paris. En février 1939, le couple est engagé par la baronne Germaine de Rothschild pour diriger la maison de la Guette ouverte pour des enfants d'Autriche et d'Allemagne.

A la déclaration de guerre, comme beaucoup d'étrangers, il se retrouve prestataire dans un camp militaire. Après l'armistice, il lui faut trouver du travail pour pouvoir sortir du camp. Il s'initie aux travaux des champs chez une paysanne du Tarn qui manquait de bras. Il tombe malade et, après des moments difficiles, se retrouve éducateur dans la maison de l'OSE de Chabannes, de 1941 à 1943. Sa femme Lida Jablonski se souvient de la rafle du 26 août 1942. Ils avaient été prévenus par un message de la préfecture de Guéret, et quatorze enfants, les plus menacés avaient été transportés à l'hôpital de Limoges avec la complicité du médecin de Saint-Pierre-de-Fursac, puis expédiés en Suisse. Après la dispersion des enfants, il reste caché dans la Creuse, et sa femme fait courir le bruit qu'il est parti en Suisse. La dernière partie de la guerre est sans doute, pour le couple, la plus active et la plus dangereuse ils font de la résistance à Lyon dans les rangs de la section allemande de la MOI, pour entrer en contact avec les soldats allemands d'occupation et faire de la contre-propagande.

Après la guerre, il accueille à Écouis les enfants de Buchenwald, tout en dirigeant avec sa femme Lida la maison de la Forge à Fontenayaux-Roses, qu'il transforme en IMP (institut médico-pédagogique). Il donne des cours à l'école de cadres de Genève et organise à la Forge des stages pour moniteurs de colonies de vacances. Son activisme, sa formation de pédagogue, ses sympathies communistes en font un cadre atypique de l'OSE qu'il quitte en 1951 pour l'école de Beauvallon à Dieulefit où l'avait envoyé la FICE (Fédération internationale des communautés d'enfants). Il y fait des séminaires, voyage beaucoup, puis retourne à l'Odenwaldschule. Entre-temps, il ouvre à Saint-Pierre-de-Fursac (Creuse), où le couple avait acquis une vieille ruine, un foyer international d'études françaises, qui favorise les contacts avec les enseignants allemands.

2. Les orientations générales

L'étude des comptes rendus, des congrès et des conférences pédagogiques permet de suivre l'évolution de l'OSE, ses interrogations, ainsi que la réflexion des cadres sur leur travail, mais également le regard de ces cadres sur les enfants et les difficultés rencontrées à l'époque.

On peut distinguer deux types de problèmes issus de la dualité même de l'institution, dont l'action dépasse largement le cadre du secours à l'enfance. Quelle place occupe-t-elle, par son programme d'action, dans la reconstruction d'une communauté atteinte dans ses fondements? Comment passer d'une phase d'assistanat et de philanthropie, indispensable dans les premiers temps de l'après-guerre, à une intervention collective de solidarité ? Quel équilibre maintenir entre l'action médicale et l'action sociale ?

Si les buts généraux vis-à-vis des enfants paraissent relativement clairs, les interrogations portent sur ce qu'il faut privilégier dans le système d'éducation des maisons. Que représente le "minimum OSE" défini en congrès ? Quelle place réserver à la vie juive ? Enfin, à partir des difficultés rencontrées, quels moyens privilégier pour un meilleur fonctionnement des maisons ?

Les grandes orientations qui apparaissent dans toutes les brochures, répétées dans tous les colloques, ne diffèrent pas de celles des autres oeuvres. Il s'agit de retrouver les enfants cachés, de leur permettre de se reconstruire en intégrant leur identité juive, de leur donner les moyens de trouver leur place dans la société et de sélectionner une élite intellectuelle vaste programme. Elles reposent sur quelques idées simples, elles aussi largement répandues à l'époque. Les maisons ne sont qu'un pis-aller par rapport au milieu familial. "Le home est peut-être la moins mauvaise des solutions, mais la famille reste et doit rester le cadre naturel de l'enfant", affirme un responsable en 1946 en s'étonnant du pourcentage élevé d'enfants qui demeurent dans les maisons tout en ayant leur père (27%) ou leur mère (12 %). La communauté, du fait de son caractère artificiel, ne prépare pas assez à la vie quotidienne, ce qui explique la volonté d'émanciper rapidement les jeunes gens chaque fois que les circonstances le permettent, une fois l'apprentissage terminé.

L'OSE, comme les autres oeuvres d'ailleurs, crée un service spécial d'orientation professionnelle pour les post-scolaires et ne pousse pas les jeunes à faire des études, sans pour autant en empêcher ceux qui réussissent.

Les impératifs financiers viennent corroborer ce principe, à moins qu'ils n'en soient la raison principale. Le budget de l'enfance est diminué dès 1947 de 40%, alors que le prix de revient d'un enfant augmente. Les enfants sont donc encouragés à quitter les maisons à dix-huit ans, mais l'OSE a conscience des problèmes posés et reconnaît la nécessite de faire machine arrière, surtout pour les filles.

La diversité des maisons de l'OSE, même si cette oeuvre apparaît à l'extérieur, en particulier chez les Juifs communistes, comme religieuse, vient de la volonté affirmée de conserver à chaque enfant son individualité, son caractère, tout en contribuant à lui donner son relief. Mais cette diversité fait partie intégrante du caractère juif de l'éducation et doit en rester le fil conducteur. Quelle est-elle exactement ? Les textes parlent d'un "minimum OSE", c'est-à-dire de donner aux enfants la conscience d'être juif puis de leur laisser la liberté de choix. Cette conscience d'appartenance au judaïsme passe aussi bien par l'étude de la langue des textes anciens, donc de l'hébreu, de l'histoire, de la culture, que par l'instruction religieuse. Mais elle ne doit en aucune manière gêner l'intégration dans la collectivité nationale. Au lendemain de la guerre, l'urgence est ailleurs.

3. Donner un toit aux enfants: 1944-1948

À la libération du territoire, l'OSE rouvre progressivement les anciennes maisons, qui sont complétées par de nouvelles au fur et à mesure des besoins et des opportunités. Montintin, le Masgelier et SaintPaul-en-Chablais, les anciennes maisons de la guerre sont choisies comme centres d'accueil et de triage en attendant une attribution définitive (3). Le rythme d'ouverture et le nombre de ces maisons montrent l'ampleur de la tâche :13 puis 25 maisons entre septembre 1944 et la fin de l'année 1945.

Récupérer les 1900 enfants du circuit Garel cachés dans des familles privées ou des institutions constitue l'objectif prioritaire. Par ailleurs, les difficultés, en ces temps de pénurie, sont innombrables. Comme le remarque un bulletin de l'Union-OSE, tout manque, lits, vaisselle, linge, vêtements. Dans l'une des maisons, les vêtements sont distribués à tour de rôle pour que les enfants puissent aller à l'école quatre fois par semaine. Les enfants du Masgelier souffrent de la pénurie de chaussures (4). De plus, les restrictions n'étant pas levées, les cartes d'alimentation sont indispensables. Or les enfants arrivent par groupes, sans pièces d'identité ou sous de faux noms. Enfin, les réparations des maisons, souvent endommagées ou abandonnées, nécessitent matériaux et main-d'oeuvre difficiles à trouver, hormis la main-d'oeuvre des prisonniers de guerre allemands.

Souvent ces maisons sont réquisitionnées par les préfets ou louées directement à d'anciens collaborateurs qui cherchent à se faire oublier. C'est un aumônier juif de l'armée américaine qui se démène pour loger au château de Méhoncourt, dans la Sarthe, une trentaine d'enfants juifs (5) abandonnés. L'OSE prend le relais et y rassemble 72 enfants dispersés dans le département par les différents réseaux. Le château a appartenu à un notable juif de la ville, un Français de confession israélite, officier de réserve, titulaire de la Légion d'honneur, marié à une catholique, fondateur et propriétaire du café "Au planteur de Caïffa", et de surcroît président de l'UGIF du Mans. Pendant l'exode, le château a été occupé par les Allemands, puis rendu à son propriétaire à qui on confisque au passage ses autres biens. Puis l'armée allemande s'y installe, coexistant avec la famille confinée dans une pièce. À court d'argent, le propriétaire doit vendre le château à une collaboratrice qui, suivant certains dires, le transforme en bordel (6). Un des enfants interrogés raconte que le château portait beaucoup de traces du passage des Allemands, graffitis et dessins sur les murs, et surtout une multitude de douilles et d'armes disséminées dans le parc. La maison, dirigée par M. Trachtenberg (surnommé Crache-en-l'air), puis par Lotte Schwarz, est transformée en colonie sanitaire et ferme définitivement en 1954 (7).

En août 1945, la direction se fixe donc pour objectif l'ouverture de 25 maisons capables d'accueillir environ 1500 enfants. Dès la Libération, les premières maisons situées dans la zone Sud, ouvertes dans la précipitation et dans des lieux souvent isolés, loin des transports et des écoles, ne conviennent plus à la situation. Sur le moment, il faut de toute urgence trouver un toit aux orphelins dont les deux parents sont déportés. Le centre de la Borie, près de Limoges, animé par Margot Cohn, par exemple, qui accueille en priorité des jeunes filles d'âge postscolaire, est un château complètement aménagé par des miliciens qui n'ont pas eu le temps de l'habiter. Ouvert en août 1945, il remplace le Poulouzat qui abritait pendant la guerre 51 enfants.

Beaucoup se trouvent dans la région lyonnaise. La villa Essor de Collonges-au-Mont-d'Or, dans les environs de Lyon, est louée à un ancien collaborateur qui la cède avec tout son mobilier de grand luxe. Lyon étant longtemps privée de ses ponts, les enfants doivent prendre le bac pour aller à l'école. Lorsque la maison est reprise par son propriétaire en 1948, les 42 pensionnaires ne lui semblent pas avoir apprécié à leur juste valeur les meubles en marqueterie qu'ils ont gravés de leurs initiales Cette maison, sous la direction de M. Hanau, est, comme celle du Tremplin, initialement prévue pour des adolescents et des adolescentes de 16 à 21 ans, appelés à poursuivre leur formation professionnelle à Lyon. Le Tremplin, situé à Oullins près de Lyon, et dirigé par les Rocques, est transféré tout près de là, à Saint-Genis-Laval.

Les anciennes maisons de la guerre ne convenant plus, il faut les regrouper et les transférer progressivement en région parisienne. Ainsi les enfants du Poulouzat s'installent-ils à Champigny-sur-Marne, qui devient une maison de garçons, sous la houlette du "père" Both, tandis que ceux du Masgelier vont à Mesnil-le-Roi où l'OSE loue deux villas voisines à des experts en antiquités, les Glycines pour les plus grands et les Charmilles pour les petits de 8 à 11 ans. Sans doute le nom de la maison leur rappelle-t-elle la terrasse de la Creuse couverte de glycines. À proximité immédiate, mais dans la commune voisine de Maisons-Laffitte, Champsfleur fonctionne selon les mêmes principes, c'est-à-dire pour des enfants d'âge scolaire de 6 à 14 ans, jusqu'en 1949, date à laquelle elle est cédée au Cercle amical bundiste (8).

Les regroupements dus aux fermetures successives n'aident pas les enfants à se stabiliser.

Niny et Judith, les deux anges gardiens des buchenwaldiens, s'installent au château de Vaucelles, à Taverny, dans le Val-d'Oise, après leur court séjour à Ambloy. En 1946 on y compte 75 enfants d'âges très variés, destinés pour beaucoup à émigrer en Palestine (9). La vingt-cinquième maison, "Chez nous", est ouverte à Versailles où se trouve une communauté juive très dynamique, dans l'immeuble où naquit Louis XVIII, et inaugurée le premier mai 1946. C'est une maison austère, sans autre ornement qu'une menorah en boîtes de lait condensé, mais aux réunions sabbatiques toujours très chaleureuses, sous la direction de Félix Goldsmidt, puis, en 1947, de Mme Krakowski, la directrice du Couret pendant la guerre. Elle regroupe 46 filles et garçons de quatorze à dix-huit ans, orphelins et très pratiquants. Élie Wiesel en parle dans ses mémoires.

Pour les enfants les plus religieux sont ouvertes trois maisons dite "de stricte observance". La plus éphémère, l'Hirondelle, à La Mulatière dans le Rhône, réunit jusqu'à 105 enfants de 6 à 18 ans sous l'aile protectrice des Samuel qui retournent ensuite en Alsace, à Haguenau. La maison s'installe dans un ancien orphelinat juif géré par une association locale, mais l'OSE en assure le fonctionnement pédagogique et matériel.

Pour comprendre ce que recouvre le mot vocation, bien que tardive, il suffit d'évoquer Nathan et Hélène Samuel. (voir l'article Figures alsaciennes de l'OSE)

La plupart des enfants des maisons se situent dans les tranches d'âge de 6 à 18 ans. L'OSE s'est préoccupé aussi des tout-petits et des très grands. Le royaume des enfants non scolarisés est installé à Bellevue, près de Meudon, sous la responsabilité de Simone Weill et de Jacqueline Lévy-Geneste. Pendant la guerre, les deux femmes ont organisé des jardins d'enfants et des maternelles pour les enfants espagnols (10), puis juifs, du camp de Rivesaltes.

La propriété, entièrement à réaménager, est prête à accueillir en juillet 1945, grâce à des fonds venus d'Australie, 33 puis 42 enfants entre trois et six ans, la plupart nés en France (dont deux à Gurs). La directrice se souvient du petit Maxime, l'enfant sauvage dont la mère était internée, de Rosette qui fuyait sa mère, de René dont le père était aveugle, d'une petite fille emportée par la diphtérie. Sous la responsabilité d'une "maman", chaque chambre, au nom de fleur : coquelicots, tulipes, boutons d'or, est équipée pour cinq petits. L'expérience dure jusqu'en 1948. Puis la maison accueille des enfants plus âgés, venus du Vésinet et de Corbeville. Parallèlement, à Sèvres, non loin de Meudon, en complément de la maison de Bellevue s'ouvre un petit préventorium pour les 6-9 ans, les Bruyères, qui sert de clinique pour les opérations bénignes comme l'ablation des amygdales ou des végétations. La maison appartenait à la baronne de Guinzbourg (11), qui la cède à l'OSE. Grâce à des fonds de roulement de l'association suédoise Radda Barnen, elle devient en 1948 un aérium pour les enfants nord-africains malades, dont les familles, en partance pour la Palestine, sont installées dans des camps provisoires à Marseille.

Les aînés des garçons se retrouvent au foyer Pauline-Godefroy (12), au Vésinet. Mise à la disposition de l'OSE par le Joint, cette maison très dynamique, ouverte en 1946, accueille une vingtaine d'étudiants de 17 à 22 ans, tandis que les jeunes filles sont regroupées à Saint-Germain-en-Laye. De plus, pour les adolescents qui veulent passer le baccalauréat, l'OSE organise en 1945 des cours de rattrapage à Versailles et au château de la Borie (Limoges). Mais les étudiants sont triés sur le volet. Comme ils vivent en commun, leurs frais d'entretien sont peu élevés (13).

Enfin le Foyer d'étudiants de la rue Rollin, à Paris, est ouvert à la fin de l'année 1945 pour accueillir entre autres les plus âgés des buchenwadliens qui ont trouvé un emploi à Paris ou qui suivent une formation professionnelle. En fait, les structures destinées aux plus âgés se révèlent insuffisantes (13), et les adolescents, souvent émancipés dès l'âge de 17 ans, sont lâchés dans la nature. Pour les cas les plus difficiles, l'OSE met en place en 1956 une expérience originale, le foyer de la Voûte à Paris : installées dans deux appartements, quatre jeunes filles en grande difficulté sont suivies par Hélène Weksler (14) qui essaye de combler les carences affectives par une attention individuelle soutenue.

Suivant les directives du Joint qui ne voit pas l'intérêt d'investir pour un projet éminemment éphémère, la plupart des maisons ne sont pas achetées mais louées (19). Il en utilise deux, celle de La Mulatière, près de Lyon, et le château de Boucicaut à Fontenay-aux-Roses pour y implanter des Yeshivoth. Enfin l'OSE collabore avec d'autres organismes qui mettent à sa disposition des établissements ou accueillent des jeunes. Ainsi, "L'aide aux mères de famille", d'origine catholique, qui avait servi de relais au circuit Garel, inaugure dès mars 1945, pour des enfants de l'OSE, une maison mise à sa disposition par la ville de Saint-Étienne, au nom symbolique de "Paix et joie".

Les maisons ferment soit lorsque les baux viennent à expiration, soit à cause de la diminution des effectifs et des crédits.

Katy Hazan, agrégée d'histoire, docteur de l'Université de Paris 1-Sorbonne,
auteur de l'ouvrage, Les orphelins de la Shoah, les maisons de l'espoir 1944-1960
Paris, Ed. Les Belles Lettres, 2000


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