Je suis née en 1966 au moment où l'état d'Israël a atteint sa majorité ... 18 ans d'existence. Mes parents habitaient depuis trois ans le port de Haïfa. Ils ont mené une vie difficile, la vie était chère et le travail rare. Ma mère me raconte que le jour de ma naissance mon père, cordonnier, a perdu son emploi. Le père au chômage et une bouche de plus à nourrir ! Mes débuts dans la vie ne s'annonçaient pas sous les meilleures auspices.

En 1967 - la guerre de Six jours
En 1973 la guerre de Kippour

Je me rappelle ce jour là, le samedi du Grand Pardon. Les haut-parleurs diffusent, dans les rues, la réquisition de tous les véhicules. Je vois devant moi, aujourd'hui encore, notre voisine le transistor à la main. Ca alors, un transistor allumé le jour de shabbat, était-elle devenue folle ! Notre voisine crie qu'Israël est attaqué de toutes parts. Notre voisine crie et les camions militaires embarquent les hommes recouverts de leurs châles de prière. La voisine crie et mon père disparaît avec les autres hommes, un châle de prière pour tout bagage. Je nous revois ma mère, mes soeurs et moi-même vivre cachées dans une de ces caves de quartier. Une cave où nous sommes entassés, à plus de cent personnes. Ma petite soeur n'arrête pas de pleurer. Ma mère décide et reste intraitable : "Ce soir, dit-elle, mes filles vont dormir dans leur lit après avoir été lavées et repues". Un enchantement que cette soirée. Pour ne pas être repérées par l'aviation ennemie, ma mère suspend les couvertures aux fenêtres et la pièce n'est éclairée que par une toute petite bougie. Nous nous endormons dans une atmosphère de paix, heureuses de ces heures volées à la guerre.

Les cris de voisins nous réveillent. Le vent a renversé la toute petite bougie dont la flamme, pourtant vacillante, a embrasé les couvertures. Nous devons la vie sauve à nos courageux voisins qui ont brisé portes et fenêtres pour nous arracher à l'enfer. Nous trouvons refuge chez des amis. Toujours sans nouvelles de mon père, la vie pourtant continue... Enfin, un jour, mon père est de retour. De notre maison brûlée ne restent que quelques pans de murs, quelques cadres de portes. Mon père nous croit mortes. Le facteur, ironie de sort, apporte ce jour-là une carte postale écrite au front. C'est lui qui rassure notre père et lui apprend que nous sommes en vie, recueillies par les voisins. Les joies des retrouvailles sont brèves, pour le désert du Sinaï. Nos morts doivent recevoir une sépulture.
Et la série continue.

En 1982 la guerre du Liban
En 1984 le service militaire
En 1999 la guerre éclair
En 2000 les attentats succèdent aux attentats…

Je veux un monde de paix pour mes enfants
Je veux que mes enfants vivent loin de la guerre
En 2002 mon mari et mes enfants vivent à mes côtés en France...

Shoah
Histoire

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