En quoi est-il si important de se souvenir ?
A quoi cela sert-il ?
La Shoah n'est-elle qu'un massacre parmi les autres ?
A quoi bon se fixer sur cette tragédie passée ?
Nous pouvons affirmer la singularité de la Shoah pour les raisons suivantes : la Shoah n'est pas un massacre parmi les autres, c'est un génocide absolu et effroyable, et aussi un phénomène historique singulier. Pour la Shoah, on a mis en place une véritable industrie de la mort. On a eu recours à toutes les techniques modernes possibles comme la bureaucratie (numérotage de chaque déporté), la chimie (les chambres à gaz), l'industrie de la fabrication du savon et des détergents (avec les cadavres des déportés). Tout ceci a été employé au service de la destruction de l'être humain, tout cela au service du mal.

La Shoah se caractérise par son côté systématique. Cela veut dire que tous les juifs et tous les tziganes, hommes, femmes et enfants, convertis ou pas, quelle que soit leur appartenance religieuse ou politique, ont été déportés et ensuite massacrés. L'aspect philosophique de la Shoah est singulier. Les nazis ne voulaient pas seulement détruire le peuple juif. Les nazis ont brûlé les textes, les écrits et les rouleaux de la Thora, oubliant la force de la parole et de la mémoire. Le souvenir de la culture et du mode de vie du peuple juif devait disparaître de la surface de la Terre et des mémoires. Les nazis ont voulu effacer toute trace du peuple juif dans l'histoire du Monde.

Alors pourquoi se souvenir ?
On doit se souvenir par respect envers tous ces morts. Si nous ne nous souvenons pas d'eux, qui ont tant souffert, tant pleuré, qui ont dû supporter tant d'humiliations, en les oubliant, nous les trahissons et nous les tuons une deuxième fois. Que leurs souffrances soient le témoignage d'une leçon d'humanité et de civilité permanentes.

On doit se souvenir également par respect des survivants. Les nazis n'ont pas tué seulement les juifs et les tziganes ; ils ont tué également une certaine image de l'homme, et les valeurs propres à l'humanité. Ce génocide a anéanti la foi en le progrès, en la liberté, en la tolérance
et surtout en les droits de l'homme.

Il faut s'en souvenir pour défendre toutes ces valeurs violées durant la Shoah. II faut plus que jamais ne pas céder, il faut témoigner, se souvenir, en parler et s'il le faut, nous battre pour assumer ce devoir de mémoire.

II nous faut rester vigilants. Nous devons garder dans notre mémoire le souvenir de la Shoah pour nous construire une conscience. Restons aux aguets, restons attentifs à tout ce qui ressemble à un génocide. Et au nom de la singularité de la Shoah, battons-nous contre toute tentative de génocide. Bernard Henri Lévy l'a dit : "au nom de la Shoah luttons contre le massacre des Nuba au sud de Soudan, luttons contre le massacre des Tutsis au Burundi et au Rwanda et luttons contre le massacre des musulmans en Bosnie. Gardons le souvenir des offenses passées et sachons que tout génocide porte en soi Auschwitz. II est impératif de lutter pour que le mal ne l'emporte plus jamais."

"Plus jamais ça !" voilà ce qu'exige le devoir de mémoire.