Wolff Achille, Geismar Lucien et Jeanne, Sylvain et Carmen, Marcel, Weil Myrtil et Yvonne

Témoignage de Françoise Azoulay, fille de Jeanne Geismar,
Ashkelon -Israël.

            (…) Nous avons vécu jusqu’en septembre 1939 à Colmar, ma mère, Jeanne Schwab, ma sœur Nicole et moi, mon père étant mort quand  j’avais à peine 2 ans.

J et L Geismar( Sur ce cliche: Jeanne et Lucien Geismar )
De septembre 1939 à juin 1940 nous étions à Vittel avec mes deux tantes et leurs enfants, Mme Robert Schwab et Mme René Schwab.
Nous sommes arrivées à Limoges en juin 1940, pendant l’exode, et y sommes restées jusqu’en octobre 1941, date à laquelle nous avons été obligées de quitter cette ville pour une petite commune, par ordre de Vichy. Ma mère a choisi Eymoutiers car il y avait déjà une communauté juive alsacienne. Les juifs faisaient leurs offices au cinéma. J’ai gardé le souvenir de Suzanne Cerf, notre aînée, qui nous conduisait aux promenades dans la périphérie d’Eymoutiers. La vie était presque normale, tranquille. Nous allions à l’école, nous pouvions célébrer nos fêtes religieuses, nous ne portions pas l’étoile jaune puisque nous étions en zone libre.

Lucien et Jeanne Geismar
Les epoux Geismar

La famille Geismar de Turckheim était déjà là, ils étaient venus pour rejoindre Yvonne Weil, la maman de Pierre Weil, de Niederbronn. Toute la ville de Niederbronn avait été évacuée à Eymoutiers. Il y avait donc là-bas Mme et M. Aaron Geismar, les parents - ils n’ont pas été arrêtés grâce à ma sœur - , Lucien Geismar, Sylvain Geismar, marié en 1943 avec Carmen Roos de Colmar, Marcel Geismar, économe au Masgelier, maison d’enfants juifs dans la Creuse, Yvonne mariée à Myrtil Weil. Tous ont été déportés.
Quand nous sommes arrivés à Eymoutiers, Lucien et Sylvain tenaient un magasin de tissus et ce jusqu’à leur arrestation.
Myrtil Weil avait été secrétaire de mairie à Niederbronn et l’a été à Eymoutiers.
Mon grand-père Achille Wolf habitait Sarreguemines avant la guerre, après avoir vécu longtemps à Paris, où ma mère est née. Veuf, il vivait avec nous.
Maman a connu Lucien Geismar, et ils se sont mariés en décembre 1943. Ils ne sont restés ensemble que 4 mois.

Achille Wolf , Jeanne et Lucien Geismar

            Mais en 1943 le climat s’est détérioré, tout est devenu plus dangereux. Maman pensait qu’il fallait nous cacher. Alors ma famille est entrée en contact avec Mme Lalo au collège de Saint-Léonard qui abritait aussi un détachement de la milice. À l’approche des fêtes de Pâque Maman souhaita nous faire passer quelques jours de vacances en famille à Eymoutiers. C’était le mercredi 5 avril et le jeudi 6 au matin, les Allemands cernaient la ville. On pensait évidemment aux rafles mais on ne savait pas si elles auraient lieu dans les maisons ou dans la rue. Vers 15 heures le temps était beau. J’avais chaud et je suis montée à la maison. En ouvrant la porte-fenêtre, j’ai posé mon gilet; ma mère m’a dit de descendre, j’ai croisé les allemands dans l’escalier. Ils m’ont vue blonde avec de belles boucles et m’ont laissé passer. Mon grand père maternel m’a fait signe par la fenêtre, un adieu, et tous mes parents sont montés quelques instants plus tard dans une voiture. Alors je suis partie à la recherche de ma sœur. Elle avait été prévenir mes autres grands parents. Nous sommes allées au presbytère.

Lucien Geismar
Lucien Geismar

Lucien, Sylvain et Marcel sont entrés au camp d’Auschwitz-Monowitz. Marcel a été pris à la sélection de septembre 1944, a été gazé et brûlé. Les deux autres ont tenu le coup jusqu’à la fin. À l’arrivée des Russes ils ont été évacués – “marche de la mort”. Quelqu’un nous a dit qu’ils ont été tués au lance-flamme. Les autres, les parents de Pierre, la femme de Sylvain, Carmen qui était enceinte, et mon grand-père, ont été gazés et brûlés en arrivant.

            Après la rafle, où nous étions présentes, Nicole et moi sommes retournées à l’internat d’un collège de jeunes filles à Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne), où nous étions cachées depuis décembre 1943. Après une quinzaine de jours, un jeune homme est venu nous chercher pour nous emmener en Suisse. Le frère de mon grand-père était à Limoges en contact avec le rabbin Deutsch, et c’est grâce à lui et à l’OSE que nous avons passé en Suisse avec une quinzaine d’autres enfants. D’Annecy à Annemasse c’est Marianne Cohn qui nous a convoyés et nous a remis dans les mains de deux passeurs. (…)

Paru dans la presse limousine en avril 1997

Commémoration ce dimanche à Eymoutiers (87)

            Rafle des Juifs en avril 1944: Françoise Schwab se souvient
(…) Il y a deux ans, Pierrette Lalo, l’ancienne directrice de l’École supérieurs de filles de Saint-Léonard-de-Noblat, recevait à titre posthume la médaille des Justes au Sénat. Des articles de presse parviennent entre les mains d’une lectrice de Limoges qui retrouve le nom d’une des ses anciennes camarades, une petite juive réfugiée à Eymoutiers sous l’Occupation, Françoise Schwab, mariée en Israël. Elle en parle à son amie originaire d’Eymoutiers, Madeleine Legrézy. Celle-ci avait sympathisé avec la petite Françoise 50 ans auparavant, mais la croyait morte, reprend contact, l’invite en Limousin l’an dernier et l’emmène à Eymoutiers.
Surprise, alors que plusieurs dizaines de Juifs ont été emmenés, pour la plupart sans retour, vers les camps, pas une plaque, pas un monument, pas même des récits, ne commémorent le drame. Françoise Schwab-Azoulay, et avec elle Suzanne Jacquot des Combes, née Cerf, qui elle, revint de déportation, écrivent au maire de la citée pelaude, Daniel Perducat, qui décide avec son conseil municipal de rendre hommage à la mémoire des victimes. Ce sera chose faite dimanche prochain 6 avril, 53 ans presque jour pour jour après la rafle.

            À 13 ans c’est par un hasard presque miraculeux que Françoise Schwab a échappé à une mort certaine. Les soldats allemands, la croisant dans l’escalier, n’ont pas fait attention à cette petite fille peut-être trop blonde à leurs yeux pour être juive.

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