Weill Fernand

Témoignage de Claudine Weill, petite-fille de Fernand Weil.

Fernand et Rene Weill , 1939

            Mon grand-père Fernand est né à Mulhouse en 1878. Il y a épousé Agathe Lehmann. Ils eurent 2 enfants: ma tante Yvonne Geissmann et mon père René. Ils ont vécu à Mulhouse et tenaient un commerce de tissus, dans lequel mon père a travaillé pendant quelques années.
Quand la guerre a éclaté, mes grands parents et les Geissmann se sont réfugiés à Puy Guillaume (Puy-de-Dôme), à 20 km au sud de Vichy. Ils y ont loué une ferme qu’ils ont exploitée avec deux ouvriers agricoles. Grand père était fier de sa reconversion professionnelle.
Nous étions d’abord à Bordeaux. Grand père nous écrivait et s’inquiétait de notre bien être; il aurait bien voulu nous faire parvenir des vivres, qui étaient en suffisance à la ferme. Mais mes  parents lui cachèrent leurs grosses difficultés d’approvisionnement, pour ne pas l’inquiéter. Quand Bordeaux est tombé sous l’administration directe de l’Occupant, nous sommes partis, nous aussi, à Puy Guillaume, où nous avons vécu en-dehors de la ferme. Mon père a essayé de subsister en confectionnant des imperméables. Nous nous sommes procurés des faux papiers avec une fausse identité. Grand-père s’y est refusé, lui, portait ostensiblement son étoile jaune et se proclamait fièrement français, juif et ancien combattant. Je garde un souvenir : grand-père vient à notre maisonnette, une volaille ficelée sur sa bicyclette, à notre intention.

 

Fernard Weill, a Puy Guillaume

           Un jour de novembre 1943, grand-père est parti à Vichy, en bicyclette bien sûr, pour voir un ami; c’est là qu’il a été pris lors d’une rafle, et transféré à Drancy. Il a fait partie du convoi n° 64 du 7.12.1943, en direction d’Auschwitz. Du train, il nous a fait parvenir deux cartes postales dans lesquelles il disait: "le cultivateur va bien, il est en voyage".

            Le reste de la famille est demeuré à Puy Guillaume; ma grand-mère voulait qu’il sache où nous retrouver. Cependant, nous avons dû, à plusieurs reprises, et pour des périodes prolongées, nous cacher en disparaissant dans la nature.
Après la guerre, en 1948 encore, mon grand-oncle André Weill contactait régulièrement la Croix rouge avec l’espoir de retrouver la trace de mon grand-père.

            Épilogue: après la guerre, le propriétaire de la ferme a poursuivi ma grand-mère en justice pour réclamer les fermages impayés depuis la déportation de mon grand-père.

Fernand Weill et famille

Il a gagné en première instance. Les attendus du jugement font allusion à l’incapacité des Juifs aux métiers manuels et agricoles. Outré, mon père a fait appel, pour l’honneur. Il a eu gain de cause: le jugement a été annulé, et il a touché 1 franc en dommages et intérêts.

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