Geismar Rosalie, Strauss Léon, Edmée et Lydie

Docteur KRUGER Cannes (A-M)
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19 juin 1945

"Chère Mademoiselle,


J’ai le triste devoir de vous écrire l’épilogue de nos amis communs Strauss-Geismar-Bogusch.
Le 7 juin 1945 avait lieu à Grasse le procès Finck, dénonciateur de la famille Strauss. J’ai failli être expulsé 5 fois de la salle d’audience parce que je faisais du bruit. J’étais le principal témoin à charge. En outre, Melle Violette Safran, Mr Fiardot, Mr Rubin.

Leon et Madeleine Strauss

Le principal témoin à décharge que j’ai attaqué après la séance, était le pasteur Hoffet d’Altkirch, venant de Paris, après une absence de 2 ans à Paris. Il ne savait rien des manœuvres de Finck et il l’a défendu d’une manière très active. Il faut absolument couper à ce Monsieur l’envie de rentrer à Altkirch.


Voila les faits:
Le 25 juin 1944, les Strauss-Geismar-Bogusch étaient arrêtés; transférés à la villa Montfleury le 27 juin envoyés à Nice (Hôtel Excelsior). 15 jours plus tard dirigés à Drancy. Le 31 juillet (par le dernier convoi qui passait encore) transférés en wagon plombé pendant plusieurs jours à Birkenau-Auschwitz.

Lydie Strauss

Arrivés à la gare, les femmes furent séparées des hommes et des enfants. Les personnes âgées, les malades et les enfants montaient sur des camions qui furent dirigés directement sur les chambres à gaz et aux fours crématoires. Mon homme de confiance (Broydo) ne peut assurer absolument mais il dit qu’il est plus que probable que les femmes Strauss, Bogusch et Geismar étant pâles et souffrantes passaient directement au four.
Léon  Strauss marchait à pied au camp d’Auschwitz.

Déshabillé, tondu, tatoué sur le bras gauche, il avait B 88 et deux chiffres.

Affecté au kommando de la réparation des rues et plus tard à la canalisation. Nourriture insuffisante: une gamelle pour 4 personnes. Affaibli.
Travaillait jusqu’à la fin du mois de septembre. S’est contracté un mal blanc au doigt. Infirmerie. Un jour. Puis sélection faite par un S.S. Strauss a été sélectionné le 1er octobre 1944. Le 3 octobre 1944 il passait à BIRKENAU à la chambre à gaz et le même jour au four crématoire.
Sa fiche de décès était vue par Broydo Albert, âgé de 40 ans, demeurant à Paris 4e, rue du Trésor 11, tatoué sur le bras gauche B 3705, arrêté le 27 juin 1944. Compagnon de Léon  Strauss jusqu’au camp d’Auschwitz.
Adressez-vous à Broydo pour d’amples détails. Je crois qu’il est inutile d’attendre ou d’espérer des meilleures nouvelles des femmes.
C’est une tragédie inouïe.
Broydo m’a raconté la suite de son odyssée. Ils marchaient à pied après l’évacuation du camp le 6 janvier 1945, dans différents camps, sans nourriture et à peine habillés (pyjama) pour arriver enfin à Buchenwald. En route les faibles et malades étaient simplement abattus. Strauss n’aurait jamais supporté ces marches. Ce qu’il a souffert moralement est inimaginable: être séparé des siens. La mort violente ne durait heureusement pas longtemps.
Tout le monde est bien affligé par suite de cette nouvelle. La ville en parle. Mais tout est fini maintenant. Répandez cette nouvelle parmi vos connaissances. Et écrivez à Mr. Broydo Albert à Paris qui m’a rendu visite le 24 mai 1945 à ma consultation. J’ai tout noté par écrit pour le présenter au tribunal. Résultat: 15 ans de travaux forcés.
Recevez, chère Mademoiselle, mes meilleures salutations.
Ma mère vous salue en même temps.


Signé:
Dr.KRUGER

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