Max   WARSCHAWSKI
Strasbourg 1925 - Jérusalem 2006
Grand Rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin


Conférence de Michel Rothé au Colloque de la
Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine
le 10 mars 2007


Ce soir je viens vous parler de Max Warschawski. Il n'est pas facile d'évoquer le parcours de son beau-père, à plus forte raison quand il s'agit du grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin.

 

Des divers grands rabbins qui se sont succédés à ce poste, Max Warschawski est le onzième. Rappelons, comme il aimait le faire, cette lignée prestigieuse de rabbins qui ont été les guides spirituels du judaïsme du Bas-Rhin.

Vers 1980, une interview à la une des Dernières Nouvelles d'Alsace présentait le grand rabbin sous ce titre : "Max Warschawski; profondes racines alsaciennes"... Le nom  "Warschaswski"  évoquerait plutôt l'étudiant d'une des nombreuses yeshivoth près de Zdunska Wolla, en Pologne d'avant guerre ! Mais les aléas de l'histoire en ont fait un grand rabbin consistorial de la vallée du Rhin, et non un rav du côté de la Vistule.


Kaïla Tovas Staschewska

Ses parents sont nés tous deux à Lodz en Pologne (bien que  les papiers de son père indiquent officiellement sa naissance à Saint Petersburg). Le père de Max  passe son enfance au 'héder, puis à la yeshiva, où il restera jusqu'en 1918, au moment où la Pologne devient indépendante. Mobilisé vers l'âge de 18-19 ans, il ne conserve pas longtemps son uniforme ; il décide de déserter et de traverser la frontière pour passer en Allemagne. Il s'installe à Frankfort pour y poursuivre ses études talmudiques.

En 1923, il épouse Kaïla Tovas Staschewska , petite ou arrière-petite-cousine.

N'étant plus étudiant, le père de Max ne peut plus rester en Allemagne. Le couple traverse  donc le Rhin pour s'installer à Strasbourg.

C'est ainsi que le 4 juillet 1925, Max Warschawski naît à Strasbourg, où il va passer la plus grande partie de sa vie..

A cette époque, il n'y avait pas d'école juive dans la ville, et c'est donc à l'école publique qu'il commence sa scolarité, à l'école Fustel de Coulanges, jusque vers 1933-34, à la mort de sa mère. Son éducation juive, il la reçoit au héder. Ses parents font partie de la communauté d'origine polonaise, Adass Isroël, dont le héder  fonctionne tous les jours après les heures de classe. C'est là qu'il apprend les rudiments du judaïsme et de l'hébreu. Auparavant, il avait déjà reçu les leçons d'un précepteur, un vieillard à grande barbe blanche nommé Geiger.

Les Warschawski demeurent alors rue des Orphelins. Quelques années avant la seconde guerre mondiale, ils déménageront rue d'Austerlitz, où ils vivront jusqu'au moment de l'évacuation en 1939.


Max Warschawski (à droite) avec ses parents et son frère Sally

Quatzenheim : découverte du judaïsme alsacien

Max a perdu sa mère très jeune, en 1933, il n'avait que 8 ans. C'est alors qu'avec son frère Sally et sa sœur Irène, ils sont placés, à Quatzenheim, dans une famille de réfugiés venus d'Allemagne, les Mokotov. Ils y resteront jusqu'au remariage de leur père.

Enfant éduqué en ville, il se considère comme un Strossbourier Wackes (gamin des rues), et il débarque dans ce village dont la seule chose qu'il comprenne est l'alsacien de la rue, qu'il a appris place des Orphelins. Quatzenheim est pour lui une découverte permanente. Quand il se rend pour la première fois à la synagogue, la schule de Quatzenheim, un vendredi soir, il croit que c'est Pourim : les hommes sont en chapeau haut de forme et portent une espèce de vieille redingote.


Les fidèles à la Synagogue de Gerstheim
sur une gravure ancienne - coll. A. et M. Rothé

A Quatzenheim, se trouvait alors une quinzaine de familles juives, épiciers, bouchers ou marchands de bestiaux. C'est sans doute de ses souvenirs de son séjour à Quatzenheim, dans cette communauté de Zwatzene, que lui est venu par la suite son intérêt pour l'histoire des Juifs d'Alsace. A cette époque il n'y avait déjà plus d'école juive, et toute la vie juive tournait autour du 'hazan (ministre officiant), qui était omniprésent, à la schule le Shabath, et en semaine quand quelqu'un avait Jahrzeit (anniversaire de deuil). C'est ce même 'hazan qui prodiguait aussi l'enseignement religieux.

Isidore Metzger (le populaire "Itzig"), boucher de Quatzenheim décédé en 1952, ici en tournée à Stutzheim en décembre 1932 (coll. Albert Lorentz)

Le Shabath, l'école commençait à 10 heures. Auparavant il allait à la schule dont la fameuse Pa'hoheth qui l'avait toujours émerveillé.

C'est à Quatzenheim qu'il a appris le judéo-alsacien, qui est devenu son langage, car les anciens du village ne connaissaient que le Yiddish daitsch. A la maison, ses parents lui parlaient en yiddish et il leur répondait en alsacien.

 

 

 

La Pa'hoheth (rideau masquant l'arche sainte) de la synagogue de Quatzenheim, sur laquelle figure le sacrifice d'Isaac.

Rabbin Jérôme Lévy
Parmi les éléments déterminants qui l'ont poussé à choisir la carrière rabbinique, on peut noter l'épisode suivant : un jour, à la suite d'un décès à Quatzenheim, un Monsieur impressionnant, au chapeau melon et costume noir, est arrivé au village. Ce même personnage il l'a retrouvé un peu plus tard, cette fois en chapeau de curé et soutane, en train de faire un discours en allemand. Puis, occasionnellement, à la Schule. Ce personnage, c'était le rabbin. Ce même rabbin, il le retrouvera par la suite à Strasbourg après ses deux années passées à Quatzenheim, comme professeur au Talmud Tora.

Il s'agissait du Rabbin Jérôme Lévy, qui a laissé sur le jeune Max de l'époque une empreinte extraordinaire, tant pour sa bonté que pour son érudition. Jusqu'à la guerre, il a été son maître. Le rabbin Jérôme Lévy est mort prématurément, dans la Drôme en 1942. Il alliait une foi profonde à une pratique stricte, un esprit de tolérance et de compréhension. On sentait chez ce maître la joie d'enseigner qui allait provoquer chez l'élève l'envie et la joie d'apprendre.

Les années de guerre

Après deux années passées à Quatzenheim, c'est le retour à Strasbourg. Son père est remarié, avec Myriam qui a déjà une fille, Claire. La famille compte désormais quatre enfants. Max devient bar-mitzwa en 1938. Quant à son frère Sally, sa bar-mitzwa il aurait dû  la faire… la semaine de l'évacuation.

La famille Warschawski quitte Strasbourg la veille de la mobilisation générale, un vendredi de juillet 1939, pour Paris. Ils passent le Shabath chez une sœur de la belle-mère de Max, tante Clartche, et de là ils partent pour Vichy, où ils restent jusqu'en 1941. Puis, le Gouvernement ayant besoin d'appartement pour y loger son administration, on oblige les étrangers à quitter la ville .


le groupe local EI de Vichy
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Chassés de Vichy, c'est à Chamier, près de Périgueux, que la famille débarque. Max et son frère Sally partent étudier à l'ORT, à Limoges, qui se trouve encore en zone libre. Max y apprend le métier de radio-technicien. Les deux frères logent dans un internat de l'OSE, avec une cinquantaine d'autres garçons et filles.

Avant la guerre, à Strasbourg,  Max était membre du mouvement de jeunesse Yechouroun. Pendant la guerre, il est "prêté" aux EI (Eclaireurs Israélites) de Vichy ; il devient chef de troupe.


La troupe de éclaireurs à Vichy. A gauche son chef
"Héron méditatif" (alias M. Warschawski)
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A Limoges, la communauté juive s'est assez bien réorganisée, grâce à son rabbin, Abraham Deutsch. C'est lui qui pousse le jeune Warschawski à quitter l'ORT pour rejoindre le Petit Séminaire.

En effet, par décision du Rabbin Liber, l'école rabbinique a ouvert une école préparatoire à l'école rabbinique, le PSIL, et c'est le rabbin Deutsch qui en assure la direction. Le PSIL sera dans une large mesure une  pépinière de penseurs et de guides pour la communauté juive de l'après-guerre. Le Consistoire central sous la présidence de Léon Meiss en  assure le financement.


Les élèves du PSIL à Limoges

Le PSIL, Petit Séminaire Israélite de Limoges, est une sorte de lycée où l'on enseigne tout : l'hébreu, la guemara, le français, le latin, les langues vivantes. On y prépare le baccalauréat.

En 1943, devant se présenter aux épreuves finales de l'ORT le jour où se déroulent celles du baccalauréat, Max préfère le bac, qu'il passe avec mention. Mais l'année suivante pour le second bac c'est l'échec :  le contexte local a changé, Limoges est devenue zone occupée, et la cause essentielle de son échec provient certainement du fait que le nom des candidats figure sur les copies.


Atelier des élèves de l'ORT à Périgueux

En 1943, le jeune Max devient "français par option et de plein gré". Préparant son second bac, il quitte l'internat pour habiter l'appartement des élèves du PSIL. La situation devenant de plus en plus dangereuse, il va loger dans une mansarde, chez une famille de la vieille noblesse limousine, engagé comme répétiteur pour leur cancre de fils. Mais le risque d'être arrêté par la milice ou la Gestapo s'accroît, et il quitte Limoges en 1944, pour rejoindre le maquis EI dans le Tarn.

Il prend le train, traverse la ligne de démarcation à Bordeaux, et revient vers Toulouse, plus précisément dans la région de Castres. Il y rejoint le maquis de la compagnie Marc Haguenau, commandé par Castor (Robert Gamzon), commissaire général des EI. Max est l'un des plus jeunes maquisards : sa tâche consiste dans le maniements d'armes, et la réception de parachutages.

Un jour, vraisemblablement à la suite d'une trahison, le maquis est attaqué alors que son groupe se trouve en mission à l'extérieur. Les Allemands pénètrent dans le maquis et tuent six ou sept membres de leur compagnie. Tous sont achevés d'une balle dans la tête. Ayant rejoint d'autres résistants, dans une ferme de la région, Max est présenté comme le rabbin du groupe des maquisards. Ensuite, il participe à la libération de Castres et de Mazamet, puis il est hospitalisé à Toulouse, pendant un mois. Démobilisé à sa sortie de l'hôpital, il retourne alors à Limoges en 1944, où il passe enfin son second bac avec mention bien.


Max Warschawski
pendant la guerre

Nommé moniteur-éducateur dans un internat de filles, pour la plupart des enfants de déportés, il restera à Limoges jusqu'à la fin de l'année scolaire 1944,

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