Derniers honneurs

Le Grand Rabbin Isaïe Schwartz n'est plus
Extrait du Bulletin de nos Communautés Vendredi 1er août 1952

De g. à dr. : l'aumônier Schuhl, le grand rabbin Deutsch et le grand rabbin Isaïe Schwartz
(Photo Klein).
Si la mort du Grand Rabbin de France a été ressentie douloureusement par toute la Communauté juive de la Métropole, elle a provoqué un écho plus profond encore dans nos Communautés d'Alsace et plus praticulièrement à Strasbourg, où le défunt, pendant vingt ans, a présidé aux destinées religieuses de sa population israélite.

Il y a à peine trois mois que Monsieur le Grand Rabbin était venu en Alsace pour rendre un ultime hommage à Mademoiselle Laure Weil et au rabbin Armand Bloch, et nul ne se serait douté que l'homme, jouissant d'apparence de la plénitude de ses forces spirituelles et physiques, fût si vite, à son tour, emporté par la mort.

Conscient de ses hautes responsabilités, alors que sa santé était déjà bien compromise, le grand disparu ne se laissait pas dissuader d'ouvrir à la mi-juin, l'assemblée générale des rabbins où, avec sa verve habituelle, parsemée d'humour, il salua paternellement les membres du corps rabbinique venus de tous les coins de France et d'Algérie. Hélas, la maladie avait déjà bien marqué ses traits de visage, mais il n'écoutait point les conseils déférents et affectueux de ses administrés : il restait jusqu'à la fin de la séance inaugurale...

C'est cette haute conscience de ses charges qui devait inspirer au Grand Rabbin de France son attitude ferme sous l'occupation et notamment sous le règne de Vichy où il eut l'occasion, lors d'un dramatique entretien resté mémorable, de dire à Pétain, chef de l'Etat, toute l'amertume ressentie par lui devant la répudiation des droits de citoyen à l'encontre des Juifs de France. Belle figure à l'allure patriarcale, Monsieur le Grand Rabbin était de ces hommes rares dont l'appartition seule commandait le respect en lui conférant une incomparable autorité. Mais il n'en abusait point : bien au contraire, il fut l'homme le plus aimable, se trouvant à l'aise aussi bien dans les palais des riches que dans les taudis des infortunés. C'est que, sous l'écorce de rudesse, battait un coeur généreux, grand ouvert à la misère et au chagrin.

Les Communautés de Strasbourg et du Bas-Rhin saluent avec une infinie tristesse la dépouille mortelle du Grand Rabbin Schwartz qui n'a jamais cessé de se sentir des leurs et déposent sur la tombe du grand disparu, dont elles prennent la garde, le tribut de leurs larmes et de leur inaliénable souvenir.


Les obsèques de Monsieur le Grand Rabbin de France
Extrait du Bulletin de nos Communautés

Le cortège funèbre traverse Westhoffen (Photo Klein),
STRASBOURG. - Après l'imposante cérémonie funèbre au Temple de la rue de la Victoire, dont on lira les détails dans la Lettre de Paris, Strasbourg a eu le douloureux privilège de recevoir, au hall de son cimetière, la dépouille mortelle de M le grand rabbin de France. Une veillée funèbre a été organisée à laquelle se sont associés d'innombrables amis et admirateurs du défunt. Le lendemain, jeudi le 2 Ab, eut lieu la levée du corps en présence de M. le préfet Demange, du Maire Frey, du gouverneur militaire Pique-Aubrun, de M. le président Hoepffner, de MM. les chanoines Schiess et Welté, représentant Mgr. l'Evêque, de M. Altorffer, du sous-préfet Lechner de Molsheim, des maires des communes de Westhoffen et de Traenheim, des grands-rabbins et rabbins Kaplan, Schilli, Cohen (de Bordeaux), Schuhl, Schwartz (Paris), Fuks, Weil (de Bâle), Warschawski (de Bischheim), Gugenheim (de Bouxwiller), Gugenheim (de Paris), Dreyfuss (de Bruxelles), Horowitz .(de Strasbourg), Poliatschek (de Metz), les présidents des trois Consistoires alsaciens et mosellan, M. Gaston Kehn, représentantt le Consistoire Central, M. S. Kahn, président de la Communauté de Westhoffen, M. Ullmann, membre de la Société Française de New-York, etc...

Henri Isaac, premier ministre-officiant honoraire au Temple de la rue de la Victoire, Paris
Henri Isaac
M. le grand-rabbin Deutsch et l'aumônier Schuhl ont dit les prières d'usage. M. Isaac, premier ministre-officiant honoraire de la Synagogue de la Victoire à Paris chanta un émouvant Yoshèv. Nul discours n'a été prononcé, selon l'ultime volonté du défunt. Puis un cortège interminable de voitures a accompagné le char funèbre jusqu'à Traenheim où le cortège s'arrêta devant la maison natale du regretté grand-rabbin. Minute poignante au milieu d'un silence imposant. L'inhumation définitive eut lieu à Westhoffen où les rabbins Schwartz, d'Obernai, et Schuhl, camarade d'études du disparu, dirent les dernières prières. M. le Préfet et M. le Maire Frey avaient tenu à assister, entourés des maires de Traenheim et de Westhoffen, à l'inhumation. C'est à la Communauté de Westhoffen qu'il appartiendra de veiller sur la tombe du seul grand rabbin de France reposant en terre d'Alsace. Elle s'en montrera digne. A Mine Schwartz, la compagne fidèle du défunt grand rabbin, à M. Jacques Schwartz, chargé de cours à la Faculté des Lettres de notre ville, fils unique, aux frère et soeur ainsi qu'à toute la famille de M. Isaïe Schwartz, grand-rabbin de France, nous adressons nos condoléances les plus émues.


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