Le 27 Nissan fut institué, depuis 1951, comme jour du souvenir des 6 millions de Juifs tués par les nazis. En ce Yom HaShoah, on allume des bougies et on récite le Kadish à la mémoire de toutes les nombreuses victimes dont on ne connaît pas le jour de leur assassinat par les bourreaux de la seconde guerre mondiale.
(...)
Nous avons la chance d'avoir dans notre ville, près de nous, le grand rabbin Ephraïm Rozen qui, après dix mois de semi-liberté dans le ghetto d'Ostrowiec (sa ville natale, entre Lublin et Radom, 60 000 habitants dont 20 000 étaient juifs ), des travaux forcés d'humiliation pour aboutir à la déportation à Auschwitz-Birkenau en Juin 1944, il fut, le 18 janvier 1945, parmi les 700 survivants sur 4000 prisonniers que les nazis emmenèrent d'Auschwitz à Buchenwald, le chemin de la mort. Le 22 Avril 1945 il fut libéré par les troupes de Général Leclerc. Mais il porte encore gravé sur son bras gauche le numéro B4470.
Nous lui avons demandé de bien vouloir nous faire part de quelques unes de ses réflexions sur cette tragédie du peuple juif. Le grand rabbin Rozen fera paraître dans peu de temps une brochure intitulée Raconte moi la Shoah.

Extrait de la Revue RAMBAM, réalisée par le Comité Séfarade de Strasbourg, 2005

Réflexion sur la Shoah

A l'occasion du Rassemblement en Israël du 14 au 18 juin 1981 des Survivants de l'Holocauste, j'avais, personnellement, l'impression d'assister à une prise de conscience sur le véritable sens de la Shoah.

En effet, nous ne sommes pas de ceux qui, aussitôt après l'Evénement, étaient capables de l'interpréter. Pour ce faire, nous manquions à la fois de force physique et morale, de sérénité et d'expérience, surtout du recul nécessaire. Il nous arrivait cependant d'en parler quand on nous interrogeait à ce sujet, mais cela se résumait à une simple confirmation de l'existence des camps de la mort et des chambres à gaz. Ce n'est que récemment, lors de l'accession à la majorité légale de mes plus jeunes enfants, que ceux-ci me soumirent à un "interrogatoire en bonne et due forme" sur la Shoah. Sans doute, fallait-il avoir un âge requis pour prendre possession d'un héritage qui vous engage à tous points de vue ; sans doute, l'héritier devait-il être pleinement d'accord pour l'accepter.

Ajoutez les années de la génération montante au temps nécessaire à l'insertion sociale des parents et vous obtiendrez la quarantaine, durée des pérégrinations de nos Ancêtres dans le désert.
Sans enfants, point de transmission. C'est pourquoi, ce Rassemblement ne pouvait se tenir plus tôt
Ici, au Kotel Hama'aravi, devant le Mur occidental, j'eus l'impression de me trouver au pied du Mont Sinaï à l'instar de mes Ancêtres voilà quelques trois mille trois cents ans. Ceux-ci, selon la Tradition, avaient justement donné leurs descendants comme garants de leur fidèle engagement à l'observance de la Torah. Il y eut renouvellement de Shevouath HaTorah, du serment de fidélité à la Torah de la génération d'après la Shoah. Ce fut le moment culminant, le plus touchant du Rassemblement des Survivants. D'un commun accord, d'une voix unanime, tous s'écrièrent : "Nous acceptons le Testament de la Shoah, jamais, nous ne l'oublierons !". Oue contient ce Testament ?
Six millions de noms, gravés dans la mémoire de chaque Juif et un seul cri : "Souviens-Toi, ô mon D. des six millions de vies, des six millions d'autels dressés à la gloire de Ton Nom".

L'Holocauste


Le grand rabbin Rozen a évoqué en détails pour l'INA
les épreuves qu'il a traversées pendant la Shoah.
Cliquez ici pour accéder à l'entretien


Cette appellation ne remporte pas l'unanimité des Juifs qui connaissent le "Sacrifice d'Abraham", ou 'Akédath Its'haq, "ligotage d'Isaac" (Genèse ch.22). Nous en invoquons le mérite à l'occasion des fêtes austères de Rosh-Hachana et Yom Kippour. Mais la ressemblance n'est que partielle : ce mérite doit certes rejaillir sur le peuple juif et sur toute l'humanité, bien que les nations n'eussent pas écouté l'appel de D. pour arrêter le massacre et qu'il y eût six millions de victimes juives.

Dans la Bible, l'holocauste est le plus élevé des sacrifices : la chair de l'animal est entièrement consumée sur l'autel en l'honneur de D.
'Olah (Holoh, en hébreu prononciation achkénaz) fut "le sacrifice perpétuel" à l'époque du Temple de Jérusalem, עולת תמיד. De nos jours, il est remplacé par la prière quotidienne selon la parole du prophète :"ונשלמה פרים שפתינוי", "Nous accomplirons les
sacrifices par l'expression de nos lèvres", (Osée 14:3). Son rôle est le maintien du lien entre le Créateur et Ses créatures et d'assurer la paix parmi les hommes.

Nous voilà apparemment éloignés de la signification donnée par certains au massacre perpétré par les nazis. Quant à nous, nous voudrions en faire un phare pour l'avenir et non point un tombeau. Nous n'avons pas l'intention de nous livrer à des prophéties ; nous osons à peine aborder le sujet. Il est difficile d'être à la fois acteur et spectateur. Les générations ultérieures seront plus qualifiées que nous-mêmes pour en parler lucidement.
Au Rassemblement de Jérusalem, pendant cinq jours, nous nous sommes bornés à vouloir saisir l'aspect positif de la Shoah : comment faire pour que l'on s'en souvienne constamment y compris D.?

S'en souvenir et témoigner (1)

Avec un respect filial je réfléchissais aux dernières paroles de mon père, au souvenir béni : "Reste vivant, mon fils, et souviens-toi !"
Ce fut dimanche 11 octobre 1942, jour de la grande déportation. Ces paroles me convainquirent d'aller me cacher et de ne pas le suivre à la place du Marché où l'on rassemblait les Juifs pour les acheminer à Treblinka vers les chambres à gaz. Le lendemain, le 12 octobre, il fut assassiné par les SS. Impossible de savoir dans quelles circonstances. Un document en ma possession du Tribunal de ma ville natale d'Ostrowiec l'atteste. Environ huit jours après, j'eus le triste privilège de l'enterrer en même temps que d'autres victimes au cimetière juif dans une fosse commune et de réciter le Kadish.

Au milieu de dix mille survivants de la Shoah, nous entendîmes un nombre infini de fois répéter les paroles : "se souvenir et témoigner", tel l'impératif biblique au sujet de la Sortie d'Egypte,"afin que tu te souviennes de la Sortie d'Egypte tous les jours de ta vie" (Deutéronome 16:3). Nul parmi les Juifs qui se respectent, n'ignore le premier des Dix Commandements : "Je suis l'Eternel ton D. qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte" (Exode 20:2).
Faut-il voir dans ce Rassemblement sur la Terre d'Israël, intitulé "De la Shoah à la Renaissance", la même relation qu'il y a entre la Sortie d'Egypte et la Révélation sur le Mont Sinaï ?
Sans l'affirmer péremptoirement, nous croyons qu'il faut se souvenir de la Shoah au même titre que de la Sortie d'Egypte et de la Révélation du Sinaï.

"אתם ראיתם אשר עשיתי למצרים", "Vous-mêmes, vous avez vu ce que Je fis aux Egyptiens" (Exode 19:4).
"אתם ראיתם כי מן השמים דברתי עמכם", "Vous-même vous avez vu que c'est du ciel que Je vous ai parlé" (Exode 20:22).
Dans les deux cas - Sortie d'Egypte, Révélation du Sinaï - Rachi souligne l'incontestable témoignage de ces deux événements.
Nous nous devons d'en ajouter un troisième : celui de la Shoah avec le cortège de ses atrocités, chambres à. gaz et fours crématoires.

  1. En 1982, le Président François Mitterand avait réuni au Palais de l'Elysée une vingtaine d'anciens déportés de tous les milieux sociaux et confessionnels dont votre serviteur, pour témoigner de la Shoah. la vidéothèque du Palais de Chaillot en a conservé ies témoignages disponibles au grand public.


Rabbins Judaisme alsacien Histoire
© A . S . I. J . A .