NOS USAGES RELIGIEUX
Souvenirs d'enfance
OMER
Grand Rabbin Moïse SCHUHL
Extrait de l'Univers Israélite,1896


Calendrier pour la supputation de l'Omer
"Vous compterez depuis le lendemain de la fête, depuis le jour où vous aurez offert l'Omer du balancement, sept semaines entières : vous compterez ainsi cinquante jours jusqu'au lendemain de la septième semaine."
Interprétant à la lettre cette prescription du Lévitique (XXIII, 15-16), nous supputons jour par jour et semaine par semaine l'intervalle compris entre le deuxième jour de Pàque et la Pentecôte. Cette numération quotidienne s'appelle abusivement, d'après le passage du Lévitique que je viens de citer, le comput de 1'Omer, terme qui désigne la mesure d'orge nouvelle, offerte dans le temple de Jérusalem comme prémices de la moisson (1), le deuxième jour de Pâque.

C'est après la prière du soir que l'on récite la formule de l'Omer. D'ordinaire, on dit Minha et Arbit ensemble au temple, lorsqu'il fait encore jour : pendant les sept semaines de l'Omer, on ne dit la prière d'Arbit qu'à la nuit close. Des rituels spéciaux, en petit format, contiennent la prière du soir avec les quarante-neuf dates de la période de l'Omer. De peur de se tromper, nos aïeules, celles du moins qui n'avaient pas le temps d'assister à l'office et de réciter avec l'officiant la formule de l'Omer, pointaient chaque soir le quantième du lendemain avec une épingle qu'elles fixaient à l'endroit voulu : à la longue, les pages du livre ressemblaient à une véritable étamine.

Selon une tradition (2), un grand nombre de disciples de Rabbi Akiba seraient morts d'une épidémie entre Pâque et Pentecôte : aussi considère-t-on les sept semaines de 1'Omer comme des semaines néfastes pendant lesquelles il est défendu de se marier et de se livrer à des réjouissances publiques. On doit également, en signe de deuil, s'abstenir de se raser pendant l'Omer. Il est bon, pendant toute la durée de l'Omer, de redoubler d'attention et de prudence pour éviter les accidents qui s'y produisent plus facilement et plus fréquemment qu'en temps ordinaire. L'authenticité de la tradition relative à la mort des disciples de Rabbi Akiba, a été contestée (3), mais tout le monde admet que de grands malheurs ont dû frapper à une certaine époque les israélites pendant les jours de l'Omer : on n'a pas pu préciser la date de ces malheurs, que les uns placent au temps des persécutions d'Adrien et les autres au temps des croisades (4).

Dans quelques pays, on ne défend de célébrer les mariages que depuis le deuxième jour du mois d'lyar jusqu'au 33e jour de l'Omer. Même là où on ne les célèbre pas pendant toute la période de 1'Omer, la défense est levée pour le 33e jour, parce que l'épidémie qui sévit parmi les disciples de Rabbi Akiba aurait fait relâche en ce jour. Il y en a même qui prétendent qu'à partir de cette date l'épidémie n'a plus reparu. Pour célébrer le souvenir de la fin ou de l'accalmie de la maladie qui causa tant de ravages dans l'école de R. Akiba, on a fait du 33e jour de l'Omer une sorte de demi-fête : c'est surtout la fête des écoliers, à qui on distribue des gàteaux en ce jour (5).

PENTECOTE

Sortie de la Torah à la synagogue le jour de Shavouoth sur une gravure d'Elkan (Allemagne, fin 19è s.). On remarquera les guirlandes de fleurs qui ornent la salle.
La Pentecôte est appelée, dans l'Ecriture sainte, la fète de la Moisson (Hag Hakatsir) (6), le jour des Prémices (Yom Habiccourim) (7), la fête des Semaines (Hag Schabouot) (8) ; selon la tradition, elle est l'anniversaire de la Promulgation du Décalogue (Yom Matan Tora), qui aurait eu lieu le 6 Sivan (9). C'est cette dernière signification surtout que la Pentecôte a gardé pour les israélites depuis la destruction du temple de Jérusalem, et quoique nous ne la désignions plus que sous le nom de Schabouot "fête des Semaines", elle est particulièrement pour nous la fête du Décalogue et de la Promulgation de la Tora (Zeman Matan Toraténou) (10). Le rituel des deux jours de Pentecôte ne contient pour ainsi dire que des prières et des méditations relatives à la Tora et au souvenir de la Révélation de Dieu sur le mont Sinaï.
Pour manifester la joie que nous éprouvons d'avoir reçu de Dieu la Tora, la loi sacrée, nous décorons de fleurs la synagogue et nos maisons (11). Il est d'usage dans certaines Communautés de joncher la synagogue de verdure et d'y représenter le mont Sinaï avec quelques planches recouvertes d'herbe et ornées des deux tables de la Loi.

Les membres des associations pieuses se réunissent le premier soir de Schabouot, comme le soir de Hoschana Rabba (12), et pendant toute la nuit ils lisent et étudient quelques passages de l'Ecriture sainte et de la loi orale (Loi, Prophètes, Hagiographes et Mischna).

Dans les maisons où l'on a conservé intactes les vieilles traditions, on a l'habitude de faire pour Schabouot une ppâtisserie spéciale, de forme oblongue, que l'on appelle Kauletsch, mot qui est sans doute d'origine russe ou polonaise. J'ignore d'où provient cet usage. Peut-être le Kauletsch doit-il rappeler l'offrande des deux pains de froment de la nouvelle récolte (13) : peut-être le fait-on en souvenir de la Haghiga, de la victime immolée à la fête de Schabouot dans le temple de Jérusalem (14) ; peut-être faut-il chercher l'explication de cet usage dans un des nombreux ouvrages cabalistiques (15).

(A suivre.)
MOÏSE SCHUHL., grand rabbin.


Notes :
  1. Lévitique 23:9-14.    Retour au texte.
  2. Yebamot, 62b.    Retour au texte.
  3. Isidore Weil, l'Univers israélite du 16 mai 1884    Retour au texte.
  4. Isidore Weil, ibid. – Voy. Magen David sur Orah Hayim, chap. 493, paragraphe 3.    Retour au texte.
  5. Magen David, ibid.    Retour au texte.
  6. Exode 23:16.    Retour au texte.
  7. Nombres 28: 26.    Retour au texte.
  8. Deutéronome 16:10.    Retour au texte.
  9. ת"ר בששי בחדש ניתנו עשרת הדברות לישראל ; Schabbat, 86b ; Yoma,, 4b ; Taanit, 28b.    Retour au texte.
  10. Rituel.    Retour au texte.
  11. זכר לשמחת תורה , Rema sur Orah Hayim, chap. 494, § 3.    Retour au texte.
  12. Voy. ci-dessus, page 30.   
  13. Lévitique 23:17.   
  14. Voy. Rema, ibid.    
  15. Cf. Baër. Heyteb sur Orah Hayim, ibid ., n° 8.;

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